
Voici un nouvel épisode de podcast réalisé à l’occasion des 20 ans du magazine La Maison écologique. Nous poursuivions notre tour de France des acteurs de l’habitat écologique et nous sommes aujourd’hui avec Pascal Lenormand, du bureau d’études Incub’.
Pascal pouvez-vous vous présenter et nous expliquer quelles sont vos actions, missions autour de l’habitat écologique ?
J’ai gravité autour de diverses choses dans l’habitat écologique. Je suis ingénieur aéronautique de formation. J’ai fait un court passage dans l’industrie du sport où j’ai appris mon métier de base, à savoir la thermique humaine. Ensuite, j’ai basculé dans le milieu large de l’énergie en 2006, en rencontrant l’association négaWatt et en particulier Olivier Sidler d’Enertech, avec qui j’ai beaucoup appris. J’ai alors créé un premier bureau d’études spécialisé dans la conception de bâtiments. Cela m’a amené à des questionnements fondamentaux sur la prédominance de l’approche technique et donc assez peu humaniste et comportementale des questions énergétiques. J’ai fait un break pour créer un nouveau bureau d’études, Incub’, en 2017, avec Amélie Maroiller. Incub’ a pour ambition de révolutionner l’énergétique afin de construire une nouvelle approche énergétique pour le XXIe siècle, avec des applications pour le bâtiment mais pas seulement.
Quelles sont, selon vous, les grandes innovations, avancées techniques qui ont marqué la maison écologique ces 20 dernières années ?
La première avancée est dans l’utilisation de la paille dans les bâtiments. Je trouve que c’est un bel exemple d’un sujet qui était très écoconstruction et qui s’est bien structuré avec la mise en place d’une filière professionnelle. Aujourd’hui, les procédés semi-industriels permettent de faire des bâtiments de grandes ampleurs ou des habitats collectifs. Cela a permis de sortir d’un créneau artisanal vers un outil plus massifiable.
Le deuxième point est lié à la réglementation thermique. Pas pour son intérêt en elle-même mais pour les conséquences qui lui sont liées. Le fait de rendre obligatoire le dépôt d’une attestation, lors du permis de construire, introduit l’obligation de connaître la réglementation. L’autre conséquence est en lien avec ce qu’on appelle les « obligations de moyens », notamment l’étanchéité à l’air. Cela a permis un basculement vers la généralisation d’une approche sérieuse des questions d’étanchéité à l’air et du renouvellement de l’air.
Un troisième point me semble important. Je vais l’évoquer en prenant appui sur un exemple concret. Nous travaillons en ce moment sur un gros bâtiment public de plusieurs milliers de m². Nous pouvons intervenir car le maître d’ouvrage trouve les propositions qu’il a reçues jusqu’à maintenant d’un niveau écologique insuffisant. Il considère que c’est son rôle de maître d’ouvrage public de faire des bâtiments exemplaires d’un point de vue écologique. Ce sont des postures qui ont beaucoup bougé. Nous sommes passés du militantisme à des éléments partagés, audibles et largement demandés et pas seulement dans l’habitat.
Tournons-nous vers demain, quel est selon vous le futur de l’habitat écologique ?
Pour moi ce sera un peu à pile ou face. Côté pile, Il y a un futur « institutionnel » qui s’exprime d’une certaine manière grâce à la nouvelle réglementation environnementale. Nous pourrions dire que l’écologie se généralise et nous pourrions croire que c’est chouette. À titre personnel, je ne me réjouis pas de cela. Je trouve que c’est le versant institutionnel de l’écologie. Il est très normatif, avec une forte tendance à la récupération et au détournement. Par exemple, sur le fait d’essayer d’utiliser la terre crue dans des processus semi-industriels alors que c’est un matériau fait pour rester artisanal, local. Il y a donc tout un versant qui, sur le sujet énergétique, a montré depuis bien des années qu’il était contre-productif. C’est un modèle techniciste, désincarné et cette nouvelle réglementation et la logique qui l’accompagne, sont la suite de tout cela et n’ont pas montré de résultats satisfaisant précédemment.
Pour l’autre côté, il y a toujours eu et dans tous les domaines, des alternatives. Il y a donc une grosse question à laquelle il faut répondre : comment redonner la main aux habitants au sens large, sur la manière dont fonctionne leur bâtiment ? Le cœur du travail chez Incub’ est de dire que le problème de l’énergie dans les bâtiments, ne vient pas des bâtiments. Ce qui consomme de l’énergie c’est bien la relation entre les habitants et le bâtiment. C’est de la bonne relation entre ces deux entités que vont découler la faible consommation, le très bon niveau de confort et de services. On peut faire une maison « passive » dans un bâtiment non isolé. C’est entièrement possible, si les habitants sont prêts à s’adapter.
Tout ce volet-là me semble être la question fondamentale. Sinon, on va courir vers une approche de plus en plus réglementaire, technique et qui évincera les questions autour de : que signifie être un humain heureux évoluant dans un environnement voluptueux. Nous préférons, en effet, le terme volupté à celui de confort. Nous aimons donc concevoir des bâtiments voluptueux, dans lesquels on se sent bien. Si l’être humain ne cherchait vraiment que le confort nous ne ferions pas de sport et n’irions jamais en montagne. Or, nous cherchons les situations a priori inconfortables qui nous font du bien et nous font nous sentir vivants. Cela devrait nous poser question pour nos habitats.
Avez-vous un mot, un souhait à adresser à l’équipe de la rédaction de La Maison écologique ?
Je leur fais un gros bisou et sans masque. Ils font un super boulot depuis 20 ans, continuez, ne lâchez rien ! J’aime beaucoup les recherches de références de témoignages et d’expériences. Si j’ai une demande à formuler, c’est peut-être qu’il y ait une part moins importante de bâtiments. Moins de maisons, mais plus de mode de vie, de quelle manière on vit dans nos bâtiments. En résumé plus de sujets sur le processus que sur l’objet tel qu’il est conçu.