L’Europe et la Grande Bifurcation

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Par Thierry Salomon

Publié le 23 mai 2024

5 minutes de lecture


La rapidité et l’intensité des dérèglements climatiques et écologiques surprennent même les scientifiques. 

Face à leur gravité, il n’est plus permis de tergiverser : le monde doit bifurquer afin que toutes les formes de production et de consommation soient en symbiose avec les ressources de notre unique planète d’accueil, fondées sur un partage équitable et non prédateur des ressources naturelles et respectant toutes les formes du vivant.

L’Union européenne ne peut résoudre à elle seule cette Grande Bifurcation : ses 27 pays pèsent 16,5 % du PIB mondial et n’abritent qu’un Terrien sur dix-huit. Mais elle peut (elle doit !) faire plus que sa part autour de trois principes essentiels :

• « Faire moins mais mieux » : priorité à la réduction de la consommation d’énergie, d’eau et de matières premières par une politique alliant sobriété et efficacité, réglant le niveau de consommation et de déconsommation sur une éthique du « juste besoin » de la personne humaine.

• « Produire sans impact négatif » : viser, pour les productions énergétique, industrielle et agricole, les objectifs zéro émission nette de gaz à effet de serre, zéro énergie primaire non renouvelable, zéro déchet toxique.

• « Avoir un respect absolu du vivant, de la biodiversité et des équilibres biophysiques » : généraliser une agroécologie de production locale et diversifiée, protéger les habitats naturels et les espèces menacées, régénérer les sols.

Pour y parvenir, il faut combattre la vision qui consiste à ne voir dans cette transition écologique et énergétique qu’une suite de difficultés, de contraintes et de charges. Contrairement aux croassements d’oiseaux de mauvais augures, elle est en chemin en Europe. Sur les 15 dernières années la demande en électricité des 27 pays de l’Union a baissé de 275 TWh, l’équivalent de la moitié du parc nucléaire français. La production à partir de charbon a été divisée par 2,4 tandis que la production éolienne a été multipliée par 4,7 et celle du photovoltaïque, par… 65. Quant aux émissions totales de gaz à effet de serre, elles ont été réduites de 34 % ces cinq dernières années !

Sobriété, efficacité, renouvelables ; un trio gagnant à condition d’éviter trois écueils, ou plutôt trois dangers.

Le premier est la casse de cette (r)évolution sous les coups de boutoir d’un conservatisme étroit, la dénigrant comme punitive et coûteuse : pourquoi se soucier des générations futures puisque tout va bien dans la salle de réception du Titanic ?

Le deuxième, plus subtil, relève de la magie, non pas noire mais verte : il consiste à verdir images, paroles, politiques et rapports d’activité tout en continuant comme avant. Suivre le conseil de Tancredi à Don Fabrizio dans le roman Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa : « Si nous voulons que rien ne change, il faut que tout change. »

Enfin, le troisième danger, mortel celui-là, est le retour du nationalisme, ce poison lent et insidieux. Mais il subsiste (encore) un simple antidote : votez !

Voter en se rappelant cette phrase de Romain Gary dans Les Racines du ciel : « Quant au nationalisme, il y a longtemps que ça devrait plus exister que pour les matches de football. »

Thierry Salomon

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