Un squat allemand à l’épreuve du temps

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Par Anne-Elisabeth Bertucci

Publié le 23 juin 2023

8 minutes de lecture


Berlin (Allemagne)

Occupée depuis 40 ans, cette friche berlinoise a su maintenir l'esprit des débuts tout en passant le relais à une nouvelle génération en matière d'écologie, de vie communautaire et de solidarité.

Trois stations du métro berlinois U-Bahn séparent l'UFA Fabrik de l'ancien aéroport de Tempelhof. Situés dans le même quartier au sud de Berlin (ouest), ces deux lieux historiques ont en commun d'avoir fédéré, à un moment critique de leur destinée, une énergie citoyenne qui les a sauvés de la disparition. En 2008, les Berlinois prenaient possession des pistes de l'ancien fleuron aéroportuaire de l'Allemagne nazie pour le transformer en parc géant et ne plus jamais en bouger en dépit des nombreux projets immobiliers envisagés par la municipalité. Trente ans plus tôt, en 1979, un groupe d'artistes et d'intellectuels circassiens, porteurs d'un idéal solidaire et écologique, s'installaient dans les vieux hangars abandonnés de l'UFA Fabrik. Tous les Berlinois connaissent ces anciens studios de cinéma de l'Universum Film AG fondés en 1921. C'est là qu'ont été tournés et post-produits des chefs-d'œuvres du cinéma allemand dont Métropolis de Fritz Lang et L'Ange bleu avec Marlène Dietrich, mais aussi des films de la propagande nazie.

« Le site, comprenant sept bâtiments sur un ensemble de 18 500 m2, a été désaffecté à la fin des années 1960, décrit Sigrid Niemer, l'une des pionnières de la « commune » UFA Fabrik. Ils allaient être détruits lorsque nous nous sommes installés, tout d'abord en mode " sauvage " avant de régulariser l'occupation par un bail avec la mairie, reconduit depuis lors. » Très rapidement, ce projet de vie communautaire fédère un groupe de 75 personnes qui souhaitent réaliser leur utopie : travailler ensemble pour rénover les lieux, partager les ressources, expérimenter l'autogestion, édifier des solutions quotidiennes respectueuses de l'environnement, coopérer avec le quartier et développer l’action sociale, la pédagogie alternative…

En 1979, les membres de la communauté créent la boulangerie bio, l'une des toutes premières de Berlin. Cette source de revenus est complétée ensuite par des chambres d'hôtes, puis un café servant de la petite restauration. « Durant six ans, l'argent que nous gagnions individuellement était mis en commun pour la rénovation, les événements, le projet de vie, se souvient Sigrid. Aucun revenu personnel. Chaque décision était prise à l'unanimité. Une personne, une voix. Avec comme credo : nous croyons à nos propres compétences ! »

Quarante-deux ans ont passé et le programme de ces militants reste plus que jamais d'actualité. L'UFA Fabrik demeure fidèle à ses principes tout en ayant réussi le tour de force de passer le relais à une nouvelle génération. Pour l'heure, les appétits des grands groupes immobiliers n'ont pas réussi à saper les fondations de ce squat historique. Alors que les plus célèbres des friches berlinoises tombent comme des mouches dans les mains des promoteurs et des agences internationales d'architecture. L'AM Tache- les, haut-lieu de la vie artistique underground du quartier de Mitte, va être transformée en résidences de luxe par l'agence suisse Herzog et De Meuron !

Implanté dans un quartier très populaire, proche de celui de Neukölln considéré comme l'un des plus pauvres d'Allemagne avec un fort taux de population immigrée, ce projet unique se distingue des autres « friches » berlinoises. De par la diversité de ses engagements (sociaux, culturels, environnementaux) et ses missions d'intérêt général, UFA Fabrik est devenu l'un des acteurs incontournables de la vie locale.

"Le théâtre de verdure, sous sa vaste bulle, accueille des événements culturels."

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