Isolants des champs, isolants résilients (2/2)

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Par Aude Richard

Publié le 22 juin 2023

11 minutes de lecture


Les coproduits, ces parties de la plante qui n'ont pas encore de marché mais possèdent de grandes qualités , comptent parmi les ressources à valoriser. Anas de lin, paille de lavande ou balles de grains, l'isolation leur tend les bras.

Normandie, Hauts-de-France et Île-de-France orientale possèdent une richesse locale : la culture du lin, plante à fibre avant tout utilisée pour le textile. En France, 26 teilleurs et coopératives la transforment. Des industriels produisent des panneaux à base de laine de lin issue des fibres courtes (étoupes), non utilisées dans l’industrie textile. Après le teillage, reste les anas de lin. Ces fragments de bois de l’intérieur de la tige mesurent 1 à 2 cm. Aujourd’hui, ils sont valorisés en litière ou en panneaux agglomérés, et pourquoi pas en isolation, sous forme de vrac en combles perdus. L’association Yser Houck, qui sauvegarde le patrimoine flamand, et l’université de l’Artois testent ce matériau depuis 2015. « C’est un produit local, très peu valorisé, de moindre coût et qui pourrait être mis en œuvre aisément, sans transformation, dans l’habitat rural ancien, souligne Alain Lucas, membre de l’association. Son coût varie de 30 à 150 €/t. Notre objectif est de monter une filière locale et faire entrer le lin dans le dispositif d’isolation à 1 €, au moins au niveau régional. Cependant, le dossier technique d’application (DTA) doit être porté par un acteur de la filière, agriculteur ou teilleur. »

La coopérative L.A. Linière, à Bourbourg (59), développe des blocs isolants lin-chaux, nommés Bâtilin. La Scic Ecobatys (35) l’utilise en brique lin-terre. Alain Marcom, artisan et formateur à Inventerre Scop, se sert de l’anas comme correcteur thermique dans ses enduits lin-terre, en finition. Pour trouver artisans et producteurs, l’Association générale des producteurs de lin (AGPL) recense les contacts.

Une isolation qui sent bon

Dans le sud, la lavande commence à faire parler d'elle. Cette aromatique composte rapidement après avoir été distillée. Elle sert surtout à amender les sols, mais à petite échelle, elle convient à la construction. Sa forte teneur en silice et l'essence de lavande résiduelle repoussent les insectes et rongeurs. Fabrice Del Rosso, ingénieur en sciences des matériaux, a produit de la paille de lavande pour l’isolation pendant 15 ans. « J’ai arrêté car c’était beaucoup de travail. Je broyais et stockais 10 000 m3/an. Il n’y a pas de filière artisanale ou agricole, mais ce serait une belle opportunité pour un jeune qui veut se lancer. » Cette culture emblématique de la Provence remonte dans l’Hexagone. 500 ha de lavandin devraient être plantés en Eure-et-Loir dans les trois prochaines années et une distillerie est en construction. Présente partout en France, la balle aussi attire. Ou plutôt les balles, coques, cosses, écales… Tous ces coproduits issus du décorticage des « grains vêtus » réalisé en atelier et non au champ par la moissonneuse batteuse. C’est le cas du riz, des petit et grand épeautres, du sarrasin, du millet, du tournesol. En vrac, ces balles servent à isoler planchers et combles perdus. La filière se monte peu à peu, en commençant par la balle de riz. Il existe quatre entreprises de décorticage en Camargue, soit potentiellement 10 000 maisons isolées par an. Mais une seule a investi dans le nettoyage des grains, Balle Concept, à Arles. Les balles doivent être extrêmement bien triées pour supprimer tous les grains (appétants et sensibles à l’eau) et être étuvées pour stopper la germination. Dans les Hautes- Alpes, Le Gabion achète des balles de riz nettoyées en bottes haute densité, les conditionne et les revend à cinq magasins Gedimat.

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