Vie de famille à bord d'un bus scolaire
Publié le 15 mai 2023
Stéphanie, Arnaud et leurs quatre enfants vivent dans un ancien bus. Matériaux naturels ou de récupération l’ont mué en logement itinérant. Attachez vos ceintures, la maison démarre !
La maison de Stéphanie, Arnaud et leurs quatre enfants a jadis arpenté les routes du Calvados, puis de Vendée pour effectuer le ramassage scolaire. Jusqu’à ce que les nouvelles normes interdisent à ce bus de 1998 de circuler. En 2016, ils le débusquent sur un site d’enchères des services publics. Arnaud et Stéphanie décident de le rénover pour en faire leur habitat avec des matériaux sains, naturels et une bonne dose de récup’.
La rénovation roule pour les palettes
Pour y parvenir, il a fallu démonter les 58 sièges du bus et les bagagères qui ne seraient pas réutilisées. Le couple projette ensuite à la machine à crépir trois couches d’un enduit isolant à base de granulés de liège sur les fenêtres condamnées, le sol et la carrosserie intérieure des murs et du plafond. Du liège en vrac est déversé au sol (comme dans certaines portions des parois verticales). Puis il est recouvert d’un plancher en OSB, revêtu de dalles de liège. Le reste des murs et le plafond sont isolés en laine de bois (5 cm), avec pour finition des planches de palettes récupérées, démontées, poncées et recouvertes d’un badigeon à base d’huile de lin. De même pour les placards autoconstruits.
« Il ne faut pas sous-estimer une palette, insiste Arnaud. Certaines récoltées n’étaient vraiment pas belles et sales, mais le ponçage réserve d’agréables surprises. Le bois devient super doux et on découvre une incroyable variété de couleurs de miels. Celles en merisier ont des tons chocolatés… »
Quand des amis leur rendent visite durant le chantier, ils ne leur offrent ni chocolats, ni fleurs, mais palettes, branches d’arbres ou tuyaux de cuivre. Ces derniers servent désormais à suspendre les torchons et les ustensiles de cuisine. Quant aux somptueuses pièces de bois rond qui donnent vie à la « maison », l’une vient d’Angleterre ; celle près du canapé, d’un prunier coupé et écorcé par un ami. La branche qui enveloppe les sièges à l’entrée vient d’un abricotier tombé chez le voisin. Pas de quoi dépasser le poids total roulant en charge autorisé de 18,5 t. À vide, le véhicule pesait 11,3 t. « On a retiré 1,5 t de sièges et bagagères, on peut donc mettre 8 t de bois, de valises et d’enfants ! », s’esclaffe Arnaud.
« Arrêt demandé » pour la pause pipi
Devant la porte de placard achetée d’occasion pour fermer la salle d’eau et les toilettes sèches, l’ancien bloc lumineux qui indiquait au chauffeur quand un arrêt était demandé s’allume lorsque la pièce est occupée. D’autres clins d’œil rappellent la première vie de ce logement hors du commun. Un rétroviseur en guise de miroir près du lavabo, une plaque métallique arborant les « consignes aux voyageurs »… Si les trois sièges qui servent de banquette sont d’origine, les quatre qui encadrent la table ont été récupérés dans une casse poids-lourds. Le bus datant d’avant la loi obligeant au port de la ceinture, la famille n’était pas tenue d’en équiper les sièges. Mais « il nous semblait important que les enfants gardent l’habitude d’être attachés en roulant ».
Pour que la carte grise ne considère plus le véhicule comme bus mais camping-car, un contrôle de la Dreal est obligatoire.
« Les points de contrôle varient d’une Dreal à l’autre, mais on peut téléphoner en cas de doute et un guide a été édité par l’Afnor. Certaines n’auraient pas accepté des rangées de sièges parallèles à la route, précise Stéphanie. On a fait contrôler l’installation de gaz par Qualigaz et il fallait des angles de meubles ronds, que les portes puissent être verrouillées, faire attention aux issues de secours, à la répartition des charges, au renouvellement de l’air intérieur… » Une petite VMC double flux Vortice Monobloc est notamment installée au fond du bus.
Assurer un bus : une voie sans issue ?
Comme l’atypique a souvent du mal à rentrer dans les cases, les obstacles ne s’arrêtent pas là. Quand la plupart des assureurs ferment tout bonnement leur porte, seule la Maïf a accepté d’assurer leur « camping-car » comme habitation principale. Pour garer sa maison, Arnaud doit se plier à la même réglementation que les camping-cars, mais le sien nécessite un permis poids-lourd et non plus transports en commun.
Les soutes contiennent deux bouteilles de gaz, six cuves de 100 l d’eau propre et deux autres pour les eaux grises, isolées par une mousse récupérée dans le bus, ainsi que le régulateur, le convertisseur et les deux batteries qui stockent l’électricité produite par cinq panneaux photovoltaïques disposés sur le toit. Cette autonomie permet à la famille de pouvoir bouger si elle ne se plaît pas dans un lieu, de découvrir le monde et de faire des rencontres. « Le but n’est pas de faire que de la route. Mais de se poser près d’un cours d’eau, sur des sites de vie collective, des écolieux, dans une ferme pour faire les saisons et de ne plus dépendre d’un emploi. Nos dépenses sont essentiellement dédiées à l’alimentation et au carburant. Si le budget se serre, on ne met pas d’essence le temps de travailler pour pouvoir repartir. »
Reportage et photos de Gwendal Le Ménahèze, paru dans notre dossier Les pépites de l’habitat insolite