Plastoc partout, santé nulle part
Publié le 25 septembre 2025
En France, en Espagne, en Grèce, en Californie la planète prend feu. Et la mer elle-même, avec la répétition des canicules marines. Pourtant l’une des informations les plus inquiétantes de cet été est passée inaperçue : à Genève la conférence réunissant 184 pays pour parvenir à un premier Traité international de lutte contre la pollution plastique a échoué. Lamentablement.
Un échec irresponsable dont les instigateurs sont les États pétroliers qui ont tout fait pour éviter que le traité aboutisse. Pire, les ONG qui devaient prendre la parole en fin de session n'ont même pas pu s'exprimer, après une demande d'ajournement des États-Unis et du Koweït…
Un échec dramatique, car la pollution par les plastiques ne cesse partout de croître dans les sols, les nappes phréatiques, les cours d’eau et finalement la mer, l’exutoire final de nos inconséquences. Les océans contiennent de 75 à 200 millions de tonnes de plastique selon le PNUE(1), un chiffre qui s’accroît chaque année de 11 à 14 millions de tonnes et qui pourrait tripler d’ici 2040.
On a du mal à se représenter physiquement de tels chiffres. Prenons alors l’exemple de la Méditerranée. D'après le WWF, elle contiendrait environ 1,2 million de tonnes de plastique flottant, coulé ou fragmenté. Or, la biomasse totale de poissons y est estimée entre 1 et 2 millions de tonnes. Autrement dit, il y a aujourd’hui dans la Méditerranée, en masse, autant de plastique que de poissons ! De plus, par triple effet de la surpêche, du changement climatique et de la pollution, ce ratio s’aggrave : on naviguera demain sur une mer sans poisson, mais plastifiée…
Conséquence : notre santé en est affectée.
Micro et nanoplastiques entrent partout dans la chaîne alimentaire, y compris humaine. Avec des effets biologiques encore peu connus, mais déjà démontrés en laboratoire et chez l’animal (inflammations, stress oxydatif, perturbations immunitaires, effets cardiovasculaires…). Plastoc partout, santé nulle part !
Alors, que faire ? Comme avec l’énergie, la trilogie négaWatt s’applique : sobriété en réservant l’usage des plastiques aux seuls produits techniques pour lesquels une substitution est aujourd’hui impossible ; efficacité en maximisant la substitution par des biomatériaux non toxiques et dégradables ; et enfin renouvelables par la généralisation du recyclage et du réemploi.
Seuls 10 % des plastiques sont aujourd’hui recyclés. On peut dresser un étonnant parallèle entre la pollution plastique et celle de gaz à effet de serre : même usage inconsidéré, même diffusion planétaire à un niveau moléculaire (le CO2) ou très fragmenté donc irrécupérable, même puissants intérêts industriels et étatiques autour d’une même matière première initiale, le pétrole.
Une manne qui à de rares exceptions près n’a servi qu’à enrichir des privilégiés, susciter des guerres, entretenir des dictatures et propager la misère de pays entiers comme le Nigeria, l’Irak ou le Venezuela. Avec une terrible préscience, l’un des fondateurs de l’OPEP(2) lui-même, le diplomate vénézuélien Juan Pablo Pérez Alfonso, en parlait en ces termes dans les années 1970 : « Vous verrez, dans 10 ans, dans 20 ans, le pétrole nous apportera la ruine… Le pétrole est la merde du diable ! »
1. Programme des Nations-unies pour l'environnement.
2. Organisation des pays exportateurs de pétrole.