Mur bois-paille dans les règles de l’art

Niveau 2 - 29 à 47€/m² - 6h/m²

Sur la table de chevet des auto-constructeurs paille trônent souvent les Règles professionnelles de la construction en paille, rédigées par le Réseau français de la construction paille (RFCP). En pratique, le réseau propose également des formations Pro- Paille, destinées aux professionnels ou amateurs dotés de bases solides en construction. Pendant une semaine, les gestes et notions essentielles pour la qualité de la mise en œuvre et la pérennité d'une construction en paille sont passés en revue. Emmanuel Deragne, formateur Pro-Paille et accompagnateur à l'autoconstruction de maisons ossature bois (MOB) et paille, précise : « Les règles de la construction en paille ne proposent pas un modèle défini de mur, mais plutôt un ensemble de pratiques vertueuses qui ont fait leurs preuves, au niveau de la conception et de l'exécution. »

Au rayon des vigilances incontournables : conception de l'ossature bois, contrôle et maîtrise de l'humidité en amont, pendant et après le chantier, mise en œuvre de la paille, traitement de l'étanchéité à l'air, gestion des points caractéristiques (menuiserie, étage, etc.), application des enduits intérieurs en terre. Selon ces règles, Emmanuel Deragne propose une méthode financièrement et techniquement adaptée à l'autoconstruction, inspirée de la technique ossature bois plate-forme pour la structure. L'approvisionnement en matériaux locaux est facile et le montage, à la portée de tous. Pour atteindre rapidement le hors-d'eau et traiter l'isolation en paille à l'abri des intempéries, il préconise un bardage extérieur, au lieu d'un enduit.

Etape 1

Placez une bande d’arase spéciale ossature bois (coupure de capillarité) sur le pourtour de la maison. En cas de risque termite élevé (termite.com.fr), disposez un grillage anti-termite sur toute la surface de la construction. Fixez la lisse d'ancrage en douglas 50 x 200 mm avec des goujons d'ancrage M16 x 120 mm disposés tous les 50 cm, en contrôlant rigoureusement parallélismes et équerrages.

Etape 2

La structure est réalisée en douglas 50 x 200 mm. Généralement livré non séché, prévoyez deux mois entre la livraison du bois et la pose des menuiseries pour atteindre 18 % d’humidité relative. Le séchage est facilité quand l’ossature est exposée à l’air libre. Astuce usinage : la découpe peut se faire par plaque, directement sur la palette, en maintenant chaque rang de montants à l'aide d'un long serre-joint.

Etape 3

Disposez les lisses haute et basse sur un support plan (idéalement une dalle OSB). Fixez-y les montants avec des pointes crantées 3,1 x 90 mm. La hauteur du mur varie de 2,30 à 2,50 m selon la conception. L'entraxe des montants varie de 44 à 70 cm selon la longueur des bottes de paille et leur disposition horizontale ou verticale. Si la construction comprend un étage, privilégiez un entraxe serré.

Etape 4

Les modules d'ossature peuvent être dressés manuellement à deux ou trois personnes. La lisse d'ancrage sert de butée lors du levage pour éviter que le mur s'échappe en pied. Réglez l'aplomb latéral et transversal à l'aide d'un niveau à bulle ou d'un fil à plomb. Installez des dispositifs de maintien : traverse en bois, barre de métal ou, plus efficace, étais inclinables tirant-poussant (environ 40 € TTC l'unité).

Etape 5

Couvrez l'extérieur des murs avec un panneau contreventant. Très ouvert à la diffusion de vapeur d'eau (Sd 0,2 m), le panneau MDF Unilin RWH (ép. 16 mm) est idéal ici. Cloué sur les montants (pointes 50 mm), il est le seul panneau du marché compatible avec les règles professionnelles dans une configuration enduit terre intérieur – paille – bardage extérieur.

Etape 6

Assurez rapidement l'étanchéité extérieure par un pare-pluie HPV (haute perméabilité à la vapeur d'eau). Fixez-le d'abord avec des agrafes, puis avec des liteaux 27 x 38 mm. Ils feront office de support de bardage et leur épaisseur assure une lame d'air suffisante. Si le pare-pluie résiste bien aux UV, la pose du bardage peut attendre quelques semaines pour privilégier la suite des travaux en intérieur.

Etape 7

Des relevés d'humidité doivent être faits dès réception de la paille. Son humidité relative doit être inférieure à 20 %. À la fin de la pose des bottes, renouvelez ce test par sondage dans les murs, avant l'application de la première couche d'enduit. Si l'humidité est supérieure à 20 %, il faut changer la botte.

Etape 8

Les bottes de paille sont posées à chant (ép. 37 cm) ou verticalement. L'usage d'un compacteur manuel (lire encadré en bas de cet article) est essentiel pour régler leur longueur tout en augmentant leur masse volumique (80 kg/m3 minimum), gage de la qualité d'isolation.

Etape 9

Les bottes sont posées en compression entre les montants. Pour faciliter leur insertion parfois difficile, utilisez un « chausse-botte », composé de quatre morceaux de revêtement de sol en PVC de dimensions 30 x 50 cm. Il réduit les frottements et permet de préserver les angles vifs de la botte.

Etape 10

Pour éviter que la pression verticale fasse « flamber » les bottes de paille, fixez un liteau horizontal à chaque rang de botte. Il est déligné en biais sur toute sa longueur pour bien l'enfouir dans la paille et immobiliser la botte. Fixez-le aux montants au moyen de vis 3,5 x 50 mm.

Etape 11

Pour poser la dernière botte de chaque travée, comprimez les rangs précédents à l'aide d'un cric hydraulique et de cales en bois. Placez des cales avant d'enlever le cric et renouvelez l'opération sur chaque travée. Installez le dernier liteau sur les bottes en compression avant de retirer les cales, puis insérez la dernière botte.

Etape 12

Fabriquez des boudins de paille ficelés pour calfeutrer les espaces entre les bottes et devant les montants de l'ossature. La bonne méthode consiste à utiliser un morceau de gouttière en zinc comme gabarit : disposez des brins longs dans la gouttière et attachez fermement pour assurer une densité maximale à ces « poupées » de paille.

Etape 13

Réalisez le réseau électrique avant de projeter la première couche d'enduit terre. Les boîtiers électriques sont scellés directement dans la paille (creuser 1 cm avec un cutter ou une truelle) avec un mortier à base de plâtre pour assurer une bonne résistance à l'arrachement. Les gaines, quant à elles, sont posées en surépaisseur, glissées entre les liens des bottes de paille. Pour des gaines supérieures à 20 mm de diamètre, creusez la paille pour les enfouir.

Etape 14

Pour éviter les ponts thermiques et combler le vide entre la paille et les lisses basses, placez du liège expansé haute densité sur une épaisseur totale de 10 cm (2 x 5 cm). Délignez les plaques pour les adapter à l'espace à combler. Insérez les morceaux de liège en force, pour assurer une bonne jonction avec la paille. La fixation peut se faire soit par collage (mastic-colle ou mortier-colle), soit par vissage (vis bois 6 x 120 mm) directement sur la lisse basse.

Etape 15

La pose des menuiseries s'effectue en tunnel, habillé ici en panneau trois-plis de douglas raboté. Les caissons ont été préalablement entourés d'une membrane frein-vapeur hygrovariable (Sd entre 0,25 et 25 m). Le raccord entre ce frein-vapeur et le corps d'enduit est assuré par un ruban adhésif étanche équipé d'une armature (Contega PV), cette dernière étant rabattue dans l'enduit lors de son application.

Etape 16

La couche d'accroche, ou barbotine, est un mélange d'argile et d'eau de consistance « pâte à crêpe » (prévoir environ 1 vol. d'argile pour 2 vol. d'eau, en fonction de l'humidité de l'argile). Le mélange est effectué au malaxeur, dans un grand bac. L'application se fait manuellement en appuyant avec les mains pour bien imprégner la paille sur une profondeur minimale de 5 mm.

Etape 17

Le corps d'enduit (ép. 3 cm), constitué de paille hachée, sable, terre argileuse et eau, est appliqué au choix sur la couche d'accroche fraîche ou après séchage complet. Des tests permettent de déterminer le mélange adéquat en faisant varier les proportions d'argile et de sable sur divers échantillons : test de fissuration sur des carrés de 25 x 25 cm et test d'arrachement (5 fois 30 secondes) en accrochant 2 l d'eau sur des échantillons de 4 x 5 cm.

Etape 18

Le corps d'enduit s'applique manuellement ou mécaniquement par projection (dans ce cas, protégez les menuiseries). L'aspect doit être plan et texturé à la taloche pour garantir la bonne accroche de la couche de finition. Cette dernière, de 5 mm environ, sera réalisée après séchage parfait de la couche de corps, soit environ trois mois si le local est très ventilé.