Un couple, une caméra, deux sacs à dos et les pouces levés pour un objectif : la recherche des habitats écologiques autour du globe.
Olivier Mitsieno et Chloé Deleforge ont quitté la France en mai 2014 pour sillonner, deux ans durant, quinze pays à la découverte d’une vingtaine de projets de construction. Depuis leur retour, ils véhiculent leurs savoirs au travers de l'exposition Eco-logis, où panneaux, photos et courts-métrages retracent leur voyage. Actuellement à Frossay, à l’ouest de Nantes, elle y restera jusqu’au 24 juin. Un documentaire d'1h30 est aussi en cours de réalisation, pour sensibiliser sur les techniques alternatives de construction piochées ci et là. Contacté par téléphone, Olivier livre un avant-goût à La Maison écologique.
Pourquoi partir à la recherche d’habitats écologiques ?
Habiter, c’est indispensable. Mais c’est une épée de Damocles sur nos têtes car, qu’on soit locataire ou constructeur, ça coûte cher. Et c’est une vraie problématique, où qu’on soit. Au Congo, le pays de mon père, j’ai vu des bidonvilles. En France, mes amis s’endettent sur 30 ou 40 ans pour avoir leur maison. Puis nous sommes tombés sur des chiffres de consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre qui ont été révélateurs pour nous.
Alors l’idée c’était de voir si des personnes arrivaient réellement à construire des habitats écologiques, avec des matériaux locaux, peu transformés et à moindre coût. Et d’en faire un documentaire pour ouvrir les horizons sur ces manières de construire, pour inspirer.
Quel rapports les habitants que vous avez rencontrés entretiennent-ils avec le logement écologique ?
Ils sont de deux types. Beaucoup se posaient des questions sur leur mode de vie au-delà de l’habitat. Sur l’alimentation, l’éducation de leurs enfants… Sur nos sociétés industrialisées qui deviennent un problème pour l’environnement. Alors, pour « contester », ils se mettent en action.
D’un autre côté, on a aussi rencontré des personnes vivant dans un habitat écologique pour des raisons économiques. Si on en trouve naturellement dans les pays pauvres, c’est parce qu’ils n’ont pas d’autres choix. Car les matériaux locaux et non transformés sont moins chers. Dans ce cas, la prise de conscience d’un mode de vie écolo vient une fois que les besoins primaires sont sécurisés.
En France, nombreux sont ceux qui prônent un retour « à la terre » en puisant des techniques à l’étranger. Qu’en est-il ailleurs ?
Paradoxalement, dans pas mal de pays tropicaux, les habitants construisent en taule et en béton pour se rapprocher de ce qu’ils voient à la télé. Sauf que le parpaing ne respire pas du tout et parfois, ils ne peuvent même pas y dormir ! Ils rêvent d’une maison à l’occidental, symbole de richesse, alors que ce n’est pas adapté à leur milieu et que ça leur coute beaucoup plus cher. Et les maisons en terre, synonymes de pauvreté et de tradition ancestrale, sont rejetées. Alors qu’elles gardent bien mieux la fraîcheur.
On voit déjà en France fleurir des maisons en paille, en terre et autres matériaux dont vous faites l’éloge dans votre exposition. Que manque-t-il à leur développement selon vous ?
Deux barrières principales : la question de la législation d’abord. Pas facile de faire bouger le secteur de l’industrie qui investit dans une chaine de production qui doit être rentable… Ensuite vient le problème des préjugés. En France, dès qu’on parle de maison paille on nous dit
« comme les trois petits cochons » ou
« Après quoi ? On s’éclaire à la bougie ? ». Le retour aux matériaux locaux est aussi assimilé à la pauvreté.
Je pense qu’il faudrait une volonté politique plus forte pour soutenir la recherche sur les matériaux écologiques. La puissance publique doit montrer l’exemple pour que les gens sachent que ça existe. En région parisienne par exemple, trois écoles ont été construites en paille
(LME en parle ici). Plus le bâtiment est grand, plus ça touche le public.
Et ailleurs, qu’est-ce qui est mis en place pour favoriser ou faire renouer les habitants avec l’écoconstruction ?
Au Nicaragua, deux architectes valorisaient les constructions en terre crue dans les zones rurales. Car le problème c’était qu’il n’y avait pas de fondations, les briques étaient posées à-même le sol donc l’eau s’infiltrait. En pointant ce problème, les architectes améliorent les maisons en terre.
En Colombie, un architecte célèbre pour ses constructions en bambou se lance le pari de construire pour les riches, pour les stars par exemple, auxquelles les gens aiment s’identifier. Il prouve alors que c’est aussi un matériaux noble.
Quelle technique de construction vous a le plus fasciné ?
Les sacs de terre
(LME en parle ici), au Népal. On était sur des routes montagneuses où il était difficile de trainer du matériel. Une ONG a voulu agrandir une école en sacs de terre
(on dit aussi écodôme ou encore earthbag, ndlr). C’était super, il ne fallait rien d’autre que récupérer des sacs vides et les remplir. Ils ont construit le bâtiment en un mois. Et en avril 2015, il y a eu le tremblement de terre. L’école a tenu alors que d’autres bâtisses sont tombées. Ce fut une révélation, une sorte de victoire même si ce qui s’est passé était triste. La méthode est économique, simple, résistante et s’apprend vite. De quoi loger beaucoup de monde très facilement.
De retour en France, que faire de toutes ces connaissances acquises ?
On s’est installés en Charente-Maritime, en tant que locataires. Chloé travaille comme médiatrice culturelle dans un cinéma d’art et d’essai et moi, j’ai repris une exploitation d’élevage de moutons avec un ami. On murit l’idée de créer une ferme pédagogique en construisant différents types d’habitats avec les méthodes que l’on a découvertes, pour accueillir du monde et faire expérimenter ces structures.
Propos recueillis par Maïlys Belliot