Hydrogène, gentille hydrogène

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Par Thierry Salomon

Publié le 25 mars 2024

5 minutes de lecture


Le 6 mai 1937, le Hindenburg, un dirigeable allemand de 265 m de long, allait se poser dans le New- Jersey après un vol deux fois plus rapide que les paquebots transatlantiques entamé depuis Francfort.

En une trentaine de secondes, un terrible incendie détruisit l’orgueilleux zeppelin qui arborait la croix gammée sur son empannage. Cette tragédie fit 34 morts et, durant des décennies, jeta sur l’hydrogène de tenaces suspicions. 85 ans plus tard, l’hydrogène suscite un engouement universel. Il serait le pétrole de demain, un nouvel eldorado, la martingale inespérée permettant de perpétuer une croissance décarbonée, donc parée de toutes les vertus. Certes, mais qu’en est-il vraiment de ce soudain retour en grâce ? Solution miracle ou bien mode passagère ?

Tout d’abord, l’hydrogène n’est pas une source d’énergie, mais un vecteur énergétique. Il n’existe pas sur Terre de gisements naturels d’hydrogène, à de rares exceptions géologiques près. Il faut donc le produire. Or, 95 % de l’hydrogène utilisé aujourd’hui est dit « gris », c’est-à-dire produit à partir du pétrole ou du gaz fossile, avec de fortes émissions de CO2. Autrement dit, accroître les usages de l’hydrogène sans modifier radicalement son mode actuel de production aggrave le mal.

Une autre technologie existe, l’électrolyse de l’eau. Mais si l’électricité nécessaire vient de centrales nucléaires (on parle alors d’hydrogène « jaune »), la production ne sera propre qu’en apparence. Les déchets nucléaires à très haute et durable toxicité étant discrètement planqués au fond d’un trou pour les siècles des siècles... Seule l’électrolyse au moyen d’électricité renouvelable éolienne ou photovoltaïque offre la garantie que l’hydrogène produit est véritablement « vert ».

Enfin, l’hydrogène a un sérieux concurrent gazeux : le méthane CH4 issu de la fermentation de la biomasse ou de pyrogazéification de déchets solides. Une alternative bien moins dangereuse, moins coûteuse, disposant de technologies maîtrisées, souples d’emploi, massivement stockables et faiblement émissives en carbone. Hélas, ce « gaz de fumier » est bien moins sexy que le séduisant hydrogène, particulièrement doué pour aimanter les aides publiques et les discours politiques.

Cependant, le vecteur hydrogène peut s’avérer l’une des clés de la réussite de la transition énergétique, mais à la condition de respecter trois exigences.

Tout d’abord, l’hydrogène produit doit être « vert », et non pas « gris » (à partir de fossiles) ni « jaune » (à partir de nucléaire).

Ensuite, il convient de le réserver prioritairement à des usages industriels en substitution au gaz fossile, ou à la mobilité des véhicules lourds lorsque l’emploi de batteries est inadapté (camions, trains, bus), ou enfin à la production d’hydrogène vert indispensable à l’avènement d’une « biocarbochimie » remplaçant demain la chimie à base de produits pétroliers.

Mais ce n’est pas tout. L’hydrogène, même « vert », ne doit pas être utilisé pour fabriquer des matériaux et des biens inutiles, perpétuant alors un système consumériste à bout de souffle.

Sans respect de ces trois exigences, l’hydrogène ne sera qu’un miroir aux alouettes, dont certains promoteurs nous chantent les atours miraculeux : « Hydrogène, gentille hydrogène, je te brûlerai… »

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