Coup de blues et tête-à-queue
Par Thierry Salomon
Publié le 23 janvier 2025
Coup de blues : un sondage Ademe d’octobre 2024 révèle que 33 % des Français considèrent encore que le changement climatique n’est qu’une « hypothèse sur laquelle les scientifiques ne sont pas tous d'accord ». Le même pourcentage qu’en 2000, malgré les études convergentes de milliers de scientifiques et six rapports du Giec. Il est vrai que 9 % (6 millions de Français !) pensent que la Terre est plate…
Coup de mou : en 2019, à la question « qu’est-ce qui vous paraît LA question la plus importante aujourd'hui pour la France », 16 % des Français répondaient « l'environnement et la transition écologique », première réponse à égalité avec l’emploi. Cinq ans plus tard, seuls 9 % le pensent, loin du pouvoir d’achat (28 %) et de l’immigration (15 %).
Coup d’arrêt : la mobilité électrique est de plus en plus contestée ; la rénovation performante des logements, engluée dans un fatras de procédures. De partout surgissent de très nombreuses oppositions et des recours sur les éoliennes ou sur les parcs photovoltaïques au sol ; les renouvelables, d’accord, mais chez les autres.
Comment en est-on arrivé là ?
Les intérêts particuliers court-termistes continuent d’écraser l’intérêt général sur le long terme. En Arabie-Saoudite, aux États-Unis, en Australie, près d'un habitant sur deux remet même en cause l'existence du changement climatique : pétrole, gaz et charbon sont notre propriété, pourquoi les laisser sous terre ?
L’espèce humaine a aussi une tendance naturelle à utiliser toutes formes de stratagèmes pour ne pas croire ce que l’on sait. Tout se passe comme si les milliards de neurones du merveilleux cerveau humain étaient anesthésiés par le chant des sirènes du déni, du conservatisme, du laisser-faire et par la croyance que l’homme a toujours su faire face grâce à la technologie. Après tout, pourquoi s’inquiéter puisque le ciel est de plus en plus bleu ?
La médiatisation universelle, facile, gratuite et sans aucun filtre par des réseaux sociaux joue aussi un rôle majeur ; la preuve par X…
Enfin, nous avons beaucoup de mal à prioriser sur le long terme pour faciliter la vie des générations futures. Notre époque se caractérise par un terrible égoïsme intergénérationnel, égoïsme que résumait Groucho Marx d’une formule cinglante : « Pourquoi devrais-je me soucier de la postérité ? Est-ce que la postérité a jamais fait quelque chose pour moi ? »
Face à ces obstacles, comment parvenir à une vie décente pour 8 à 10 milliards d’humains si nous continuons à nous affranchir des limites de l’atmosphère, du vivant, des cycles naturels et de la reconstitution des ressources ? Quel devrait être l’ordre des priorités dans nos choix et arbitrages ? Et qui décide de ce que nous allons faire parmi toutes les choses que nous pouvons faire ? Autant de questions qui relèvent de la démocratie, de la juste gouvernance, de la sobriété choisie et du partage éthique des richesses naturelles. Du pouvoir de vivre avec sobriété et non du pouvoir d’achat consumériste.
Des questions difficiles, mais essentielles pour conduire la transition écologique. Faute d’avoir su les prendre à bras le corps, les signaux climatiques et écologiques sont passés au rouge vif, la transition dérape et l’humanité sort dangereusement de la route. Gare au tête-à-queue.