Billet d'humeur : L’assurance-vie sobriété

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Par Thierry Salomon

Publié le 29 mars 2022


Avez-vous remarqué ? Plus un rapport, pas une tribune sans le mot « sobriété ». Moins clivant que « décroissance », moins effrayant qu’« austérité », moins monastique que « frugalité », on nous sert la sobriété à toutes les sauces jusqu’à… l’ébriété.

Même notre président de la République s’en est emparé. Ainsi, son discours de Belfort sur l’énergie commence par « le premier grand chantier est de consommer moins d'énergie. En d'autres termes, gagner en sobriété ». Avant (sans doute effrayé par une telle audace ?) de se reprendre dès la phrase suivante : « La force de notre modèle social […] ne serait pas soutenable si nous ne continuons pas de produire davantage. Qui propose de produire moins m'expliquera comment on pourra protéger plus ? »

« Qui m’expliquera… » ? Eh bien, peut-être ce billet d’humeur?

Tout d’abord, Monsieur le Président, vous confondez (mais vous n’êtes pas le seul !) sobriété et efficacité énergétique, deux piliers de la transition énergétique qui ne sont pas de même nature. L'efficacité énergétique optimise le rendement des technologies utilisées, limite pertes et gaspillages depuis la conception jusqu’à la fin de vie. La sobriété, quant à elle, recherche le bon usage et non le mésusage, le juste dimensionnement et non le surdimensionnement, le partage au lieu de l’individualisation. Bien au-delà des petits gestes, elle interroge nos choix collectifs en matière d’équipements, d'aménagement de l’espace et du vivre-ensemble. Elle interpelle le juste emploi des matières et matériaux : flexibilité d’usage, recyclage, réemploi, réparabilité, limitation de l’obsolescence...

Prenons l’exemple de la voiture individuelle. La recherche de plus d’efficacité énergétique se concentre sur la technique : un meilleur aérodynamisme, un rendement du moteur plus élevé, un carburant au meilleur pouvoir énergétique et au moindre impact environnemental, l’assistance électronique pour une conduite plus économe. La sobriété est tout autre. Elle interroge tout d’abord l’usage par une question aussi simple que radicale : ai-je vraiment besoin de faire ce déplacement? Si oui, ai-je besoin d’utiliser une voiture? Quelles sont les alternatives? Ensuite, elle nous interpelle sur le dimensionnement. Est-il vraiment bien malin d’utiliser une berline de 2 t pour transporter un humain 30 fois moins lourd? De disposer à bord d’un luxe de gadgets numériques alors que nous avons les mêmes dans notre smartphone? Enfin, la sobriété appelle la mutualisation : puis-je covoiturer? Recourir à l’autopartage au lieu d’être l’unique propriétaire de ma voiture?

Concevoir et agir sobre, c’est donc faire mieux avec moins. Préparer un avenir moins addict à l’abondance, moins inégalitaire, protégé des ravages de la spéculation sur des ressources limitées. Un avenir plus sûr aussi car plus résilient face aux redoutables conflits qui jalonnent une fois de plus la destinée humaine. Une assurance VIE, en quelque sorte.

Avec, aussi, la joie comme message subliminal. Un vieux sage récemment disparu nous l’a longtemps murmuré : mais oui, la sobriété est heureuse! Car elle est protectrice, éthique et juste.

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