Billet d'humeur : 1952-2052

abonnés

Partager l'article
Partager sur Twitter
Partager sur Facebook
Partager sur Linkedin

Par Thierry Salomon

Publié le 20 mars 2023

10 minutes de lecture


1952-2052

En décembre 1952, Londres se retrouva paralysée par un smog aussi épais que toxique. Bus et ambulances ne pouvaient plus circuler et la visibilité était si faible, même à l’intérieur des bâtiments, qu’il fallût fermer les cinémas : on ne voyait plus l’écran ! En quatre jours, le tragique « grand smog de Londres » entraîna la mort de 12 000 personnes par respiration de l’équivalent brumeux d’une pluie acide.

En 1962, la biologiste Rachel Carlson publia Silent Spring (Printemps silencieux), livre qui contribua puissamment à lancer le mouvement écologiste dans le monde occidental. Depuis, en France, plus d’un tiers des oiseaux ont disparu* et nos printemps sont de plus en plus silencieux.

Dix ans plus tard, en 1972, la Conférence des Nations unies de Stockholm fut la première à faire de l’environnement une question mondiale en impulsant le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). La même année, le rapport au Club de Rome de Dennis et Donella Meadows et de Jørgen Randers modélisa l’impact des croissances humaines, démographique et économique, sur les ressources environnementales, pavé dans la mare du mythe d’une croissance que tous pensaient illimitée : à ce rythme, l’effondrement était vraisemblable dès 2035.

1982 fut fertile : création de l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie (AFME, ancêtre de l’Ademe) et de l’association Solagro (développement de l’agroécologie, de la biomasse-énergie, de la méthanisation, etc.). En Allemagne, fondation du parti écologiste, Die Grünen, aujourd’hui au pouvoir dans la coalition gouvernementale.

Dix ans plus tard, en 1992, au sommet de la Terre à Rio, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) fut adoptée. Les COP (conférences des Parties) mondiales sur le climat en sont issues.

À Johannesburg, lors du Sommet de la Terre, en 2002, Nicolas Hulot murmura à l’oreille de Jacques Chirac la fameuse formule « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Vingt ans après, c’est toute la planète qui crame et, sidérés, nous regardons l’incendie réalisant que nous en sommes à la fois spectateurs et pyromanes.

Je fus heureux, en 2012, de participer à consolider une piste féconde : cette année-là, l’association négaWatt publia son « Discours de la méthode », le Manifeste négaWatt, et présenta son scénario 2012-2050, le premier, en France, qui osait parvenir à la fois à la neutralité carbone et au quasi « 100 % renouvelable ».

Que retiendrons-nous de 2022 ? Qu’à l’instar des grands chocs géopolitiques de 1973 (guerre du Kippour) et 1979 (révolution iranienne), un tsar aveuglé par son hubris permit alors de redécouvrir les vertus de la sobriété et de l’efficacité ? Et que ce choc incita l’Union européenne à s’engager à devenir en 2050 la première grande région mondiale à atteindre le « 100 % renouvelable » ?

Peut-être. Ou pas, si nous reprenons dès la sortie du séisme ukrainien nos mauvaises habitudes. L’évolution de ce siècle dépendra alors de notre volonté ou de notre irrésolution.

Ensuite ? Bien que pratiquant assidu des scénarios prospectifs, il me semble bien présomptueux de se lancer pour 2032, 2042 et 2052 dans des prévisions – et plus encore des prédictions.

D’autant plus que, même fervent partisan des énergies renouvelables, je ne suis pas… Madame Soleil !

Notes

*Selon l'Office français de la biodiversité, le Museum national d'histoire naturelle et la Ligue de protection des oiseaux.

S’abonner pour avoir accès à l’ensemble de nos articles

Abonnement numérique à partir de
44,00 €/an

Déjà abonné ? Se connecter

S’inscrire à la newsletter

Recevez par mail nos bons plans, sorties, offres spéciales d'abonnement…

S’abonner au magazine

C’est grâce à vous et aux abonnements que nous continuons à produire du contenu.