5/5 Pisé préfabriqué, l’autre porteur minéral

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Par Christophe Trehet

Publié le 22 janvier 2024

5 minutes de lecture


Des techniques comme le pisé font de la terre crue un matériau porteur pour les murs d'un bâtiment. Mettant ainsi le béton de ciment à la porte.

Technique déjà éprouvée par quelques artisans dont le pionnier Nicolas Meunier (entreprise Le Pisé,  69) qui a érigé un immeuble de 11 m de haut à Lyon en 2019, ou Martin Rauch (entreprise Lehm Ton Erde) en Autriche, la préfabrication du pisé n’a pas encore vraiment émergé en France. Dans le Rhône, l'entreprise Terrio, créée en 2022, veut contribuer à son développement en industrialisant sa fabrication pour en réduire les coûts. Entretien avec son cofondateur Bastien Neufeind.

 

D’où proviennent vos matières premières ?

Nous utilisons un matériau déjà excavé de chantier ou des coproduits de carrière – la terre inerte située au-dessus des granulats – en Rhône-Alpes et bientôt en Île-de-France. Les terres ne sont ni chauffées, ni adjuvantées de chaux ou de ciment.

Nous fabriquons des blocs de pisé à la demande dans notre atelier près de Lyon. Leur format, ajustable par pas de 5 cm, va de 30 cm à 1,5 m de large pour 1 m de haut et 30 cm d’épaisseur. Avec des blocs de 1 m2 en moyenne, la pose est quatre fois plus rapide que la terre crue traditionnelle. Il est possible de monter 15 à 25 m2 de mur porteur par jour. Ces blocs sont environ quatre fois plus chers qu’un mur de béton de ciment coulé fourni posé, mais ils ont un réel intérêt en termes d’écologie et de confort intérieur.

p9-10 - maison Caroline DP - montage mur pise -c- Caroline de Perignon

Essuyer les plâtres du pisé porteur

Diplômée d’État en architecture, Caroline de Pérignon a vu défiler devant son Atelier d’architecture 319 des centaines de camions chargés de terre lors d’importants chantiers de l’agglomération toulousaine. « La maison où j’ai grandi avait un pignon en pisé de terre crue vieux de plus de deux siècles et les bureaux que j’occupais comportaient un pignon en adobe de terre crue qui portait une charge lourde avec mezzanine. À partir de ce constat, je me suis intéressée à la terre crue pour bâtir », raconte-t-elle. En dépit des faibles ressources de terre disponibles aux alentours, elle et son mari décident en 2017 d’expérimenter le pisé porteur pour construire leur maison dans le Lauragais.

L’architecte conçoit une maison de plain-pied bioclimatique, avec de grandes ouvertures au sud couplées à un auvent protégeant du soleil en été et un patio au nord. Les espaces intérieurs sont vastes, avec peu de murs de refend. « De ce fait, les linteaux de grande portée induisaient des concentrations d’effort importantes sur les refends, d’autant plus que la toiture est lourde (dalle béton reprenant un complexe végétalisé) », explique Guillaume Niel, du bureau d’études structure Terrell qui a accompagné ce projet. Il a donc fallu atteindre une résistance à la compression « de l’ordre de 10 MPa, plus de 10 fois supérieure à celle d’un mur en pisé classique. D’où la nécessité de stabiliser le pisé » en concédant 10 % de ciment dans la recette.

Utiliser la terre du terrain

L’architecte fait tester la terre de son terrain dans les laboratoires locaux d’un groupe cimentier et sollicite Martin Pointet, du bureau d’études spécialisé BE terre. Cette terre étant riche en limons et sables fins, il conseille de la compléter avec « des sables à béton ou concassés de type graves (0/20 où 0/30 mm) » et avec « une terre argileuse [ou] un liant hydraulique ». Finalement, détaille Caroline, « on a élaboré un pisé stabilisé avec 30 % (en volume) de terre du terrain à laquelle on a ajouté 50 % de caillou calcaire d’origine départementale, 10 % de ciment 32.5 et 10 % d’eau ». Une recette qui emporte l’aval des assurances.

Les murs en pisé sont érigés par une entreprise de maçonnerie locale, novice en matière de terre crue, mais que Caroline a accompagnée au fur et à mesure du chantier. À l’intérieur, les sols en béton d’argile (Argilus) augmentent l’inertie du bâtiment chauffé par le sol.

Photo : Après avoir été banché, le mélange de terre à pisé est tassé, ici à l’aide d’un outil hydraulique. © Caroline de Perignon

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