4/5 La dalle : une faim d’alternatives au ciment

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Par Christophe Trehet

Publié le 22 janvier 2024

5 minutes de lecture


La terre constitue un matériau aux vertus plurielles pour réaliser des dalles : faible impact carbone, effet inertiel, perspirance. Retour d’expérience de mise en œuvre.

Pour les maisons qu’elle conçoit ou rénove, Émilie Montécot « essaie de ne plus utiliser de ciment pour les dalles ». Pour bâtir sa propre maison dans l’ouest de la France, l’autoconstructrice a voulu expérimenter : « J’avais très envie de tester une dalle réalisée avec de la terre, mais j’ai restreint cette option à mon bureau (10 m²), le reste du rez-de-chaussée (60 m²) a été fait avec un mélange chaux, pouzzolane et perlite. »

Une orientation prise pour plusieurs raisons. « On habite sur le chantier, alors une dalle entière en terre nous aurait immobilisés trop longtemps, car le séchage est long [les professionnels évoquent trois semaines minimum pour 5 à 10 cm d’épaisseur]. Au bout d’une semaine, on pouvait marcher sur la dalle chaux, même si elle n’était pas sèche à cœur. » La dalle devait être coulée avant le montage des murs pour offrir aux charpentiers une surface d’intervention plane, elle est restée sans protection à la pluie pendant plusieurs semaines, ce que la terre n’aurait pas supporté.

En revanche, « l’inconvénient du chaux-pouzzolane est qu’on ne trouve pas le mélange prêt à l’emploi », nuance l’autoconstructrice, qui a constitué une équipe de six personnes accompagnées par un artisan pour un chantier d’une journée (mélange sans sable : 60 l de perlite récupérée chez des horticulteurs via l’association de réemploi Matière grise, 120 l de pouzzolane et 35 kg de chaux NHL5).

Chaux-pouzzolane ou terre-liège

Pour sa dalle en terre-liège, Émilie et son compagnon ont mis neuf mois à collecter 0,5 m3 de bouchons de liège usagés, qu’ils ont complétés par 0,5 m3 de bouchons récupérés auprès d’un groupe de collecte informel. Le tout est passé dans un broyeur à feuilles. Quant à la terre argileuse, « j’ai obtenu 15 t auprès d’une entreprise de TP locale, livrée pour 140 € ». Les bouchons n’ayant rien coûté, seule une journée de travail du maçon (soit 350 €) a été ajoutée au budget du chantier.

La dalle a été posée sur une couche de panneaux de liège expansé de 5 cm, par-dessus un hérisson ventilé. Le liège mélangé à la terre complète cette isolation. La dalle de 20 cm se divise en deux épaisseurs : « 12 cm de bouchons de liège broyés enrobés de barbotine de terre, puis 8 cm d’un mélange de terre et pouzzolane pour assurer un minimum de résistance à la compression, à l’arrachement et à l’usure. D'après le maçon, la finition terre fine ne tiendrait pas à l’usure s’il n’y avait eu qu’un mélange terre-liège. Nous avons pu marcher dessus au bout d’un mois, mais sur des planches pour éviter d’arracher les grains supérieurs. »

Réalisée en septembre (« un peu tard pour un bon séchage de la terre »), la dalle terre sera recouverte au prin-
temps d’une finition en terre crue. Rendez-vous pris dans quelques années pour connaître le comportement de cette dalle expérimentale.

Une dalle pauvre en chaux

« Cette dalle chaux-pouzzolane a été révolutionnaire pour moi ! », résume Landry Daviaud, fondateur de l’entreprise Grains & galets (49) qui a testé avec succès ce mélange très peu dosé en chaux, ce qui en réduit l’empreinte carbone. « Je compte 200 kg de chaux NHL3,5 par m3 de mélange, soit environ 1/4 du volume de pouzzolane, contre 300 à 350 kg/m3
pour un béton de chaux classique. Cette recette m’a été transmise par Gérard Lenain, de Tiez Breizh - Maisons paysannes de Bretagne », détaille l’artisan. Le mélange consiste « à faire un lait de chaux pour enrober la pouzzolane, et on obtient un effet "pop corn" ». Il ne comporte pas de sable, « qui viendrait alourdir le mélange en comblant les trous entre graviers de pouzzolane et nuirait au caractère isolant de la dalle ». La poussière de pouzzolane contribuant naturellement à la prise du mélange.

Une fois la dalle posée, le grain de pouzzolane affleure à la surface. Dès le lendemain, Landry Daviaud ajoute une chape d’usure à la chaux de 2 mm (1 vol. de chaux NHL3,5 pour 2,5 vol. de sable 0/4) qui remplit les espaces entre les graviers et met à niveau les grains, empêchant ainsi l’arrachement des graviers par le piétinement. Compter une semaine de séchage en conditions sèches (deux à trois semaines en conditions humides) et environ 95 €/m2 la dalle isolante finie.

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