4/4 La seconde vie des bois
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Par Gwendal Le Ménahèze
Publié le 8 février 2024
Charpente, parquet, revêtements muraux, aménagements intérieurs et extérieurs… L’économie du bois passe aussi par le réemploi.
Le bâtiment produit en France 2,3 millions de tonnes de déchets bois (hors ateliers), dont près de 70 % issus de rénovations et 17 % de démolitions. Parmi les 44,5 % valorisés, seuls 2,5 % sont réemployés. Soit 100 800 t, dont 42 500 t de palettes(1). À Paris, le charpentier Jesse O’Scanlan réalise la plupart de ses chantiers en réemploi. « Le bois de scierie passe par le marché international, avec des prix qui flambent et une origine incertaine, et je préfère ne pas participer à la coupe d’arbres alors qu’il y a tant de bois à disposition. »
Architecte et accompagnatrice réemploi en Ardèche, fondatrice de Re.Source(2), Célia Auzou note que « pour trouver du bois sec aujourd’hui, il faut se lever tôt. Chez une cliente, le bois de réemploi a largement eu le temps de sécher, alors que les poutres neuves qui complètent la dalle bois sont si vertes qu’il a fallu les contraindre avec d’énormes étais pour qu’elles ne flèchent ou ne vrillent pas ».
Quelques précautions d’usage
Le bois demande quelques précautions pour être réemployé(3). « C’est plus simple pour des aménagements de jardin ou un meuble que pour du structurel », pointe Célia. Toutefois, Jesse ne relève pas de soucis d’assurance, « car le réemploi bénéficie d’un équivalent aux classes de résistance liées au marquage CE du bois neuf : j’établis un classement visuel en fonction des fentes, nœuds, assemblages précédents… Le réemploi est plus difficile pour de l’ossature bois, qui requiert des pièces plus calibrées », nuance Jesse, qui utilise « principalement du chêne, car même si les 2 mm en surface sont attaqués, le cœur reste très résistant ». Il conseille de « vérifier que le bois n’a pas reçu de traitement fongicide ou biocide, qui peuvent être toxiques lorsqu’on le nettoie, comme les produits amiantés et peintures au plomb ».
La plateforme Rewood, spécialisée sur le bois de réemploi, annonce des prix 30 à 70 % plus bas qu’en neuf. Jesse en récupère gratuitement, mais cette économie est compensée par « la main d’œuvre pour nettoyer le bois, le gratter, enlever la peinture… Et pour employer du bois tordu, j’utilise une technique qui prend plus de temps ».
Des emballages en guise de lambris
Lors de rénovations, des bois peuvent être déposés, stockés à l’abri, puis reposés in situ. Chez une cliente de Célia, les cloisons sont revêtues de contreplaqué d’emballage revendu par l’association Déconnexion pour 200 € (130 m2 finis). « Mais il est grossier, le menuisier a passé un temps fou à le recouper à la même largeur, le poncer… Finitions comprises, c’est revenu au même coût que des plaques de plâtre, mais on a évité des matériaux neufs et fait travailler un artisan », argue-t-elle.
Amélie et Odile, en Drôme provençale, ont autoconstruit leur tiny house et des abris extérieurs avec « du bois glané chez nos voisins, à la déchetterie, des surplus et chutes de chantiers, des poutres démontées lors de la rénovation d’une auberge ». Quelques difficultés se sont présentées : bois arrachés, voilés, sections non standards ni homogènes qui « posent des soucis d’alignement », vis ou pointes qui abîment les lames de scie. « Nous n’avons pas d’outils pro pour rattraper les défauts, alors on s’y adapte ! » Jesse abonde : « Le réemploi met de la créativité dans la construction, pour un résultat unique, non standardisé. »
Notes
1. « Gestion des déchets bois du bâtiment », FCBA et Xerfi, avril 2022.
2. Cartographie de fournisseurs sur opalis.eu ou materiauxreemploi.com
3. Fiches FCRBE rédigées dans le cadre du projet européen « Facilitating the circulation of reclaimed building elements » et disponibles ici : colibris.link/fcrbe
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