3/4 Imaginer des techniques de construction

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Par Aude Richard avec la participation de Gwendal Le Ménahèze

Publié le 8 février 2024

10 minutes de lecture


Utiliser les bois locaux requiert des savoir-faire et une bonne dose d’inventivité. Revoir les systèmes constructifs actuels, pour utiliser mieux et moins la matière, devient nécessaire.

Aujourd’hui, l’ossature bois en version standardisée, avec sa légèreté, sa performance et son prix accessible, séduit. Ce modèle favorise largement les résineux (épicéa, sapin, douglas). Des charpentiers réfléchissent à sortir de ce système. Maël Steck, dirigeant la Scop Bati-nature, dans la Drôme, s’est donné cinq ans pour changer de modèle. « À la place d’imposer mes pièces de bois au scieur, je le laisse libre de faire ce qui est le plus approprié dans la grume. Peut-être que j’aurai cinq fois trop de solivage, mais cela me fera du stock. À nous de nous adapter à la ressource. » Cette démarche l’a obligé à investir 150 000 € dans un bâtiment de stockage et de séchage. Il va également tester une nouvelle pratique d’ossature afin de limiter la transformation des bois : sections plus grosses en 10 x 10 cm au lieu de 4,5 x 9,5 cm, espacements doublés à 1,2 m et moins de rabotage. Le coût d’une maison Bati-nature, isolée en paille, est au minimum de 2 500 €/m2,
contre 1 800 €/m2 en version standard douglas.

Autre point noir des pratiques courantes (DTU 31.2 ossature bois(1)), le taux d’humidité doit être limité à 18 %. Compliqué avec les feuillus ! Il est pourtant possible d’anticiper les déformations liées au séchage. Dans un poteau en bois massif, un trait de scie de l’extrémité jusqu’au cœur permet de libérer les futures tensions. « Le bois vert, plus tendre, est équarri plus facilement à la hache et le bois de brin, dont seul l’aubier est supprimé, est plus stable dans le temps. C’est idéal pour une réhabilitation », ajoute Maëlle Valfort, du Réseau des alternatives forestières (RAF).

bois 3 - John Sauvajon c-AR

Portrait de pro

John Sauvajon, De l’arbre à la table

« En regardant la grume, on sait comment elle va se déformer. En fonction de ça, on en tire une pièce de bois cachée ou visible », détaille John Sauvajon. Cet artisan, constructeur de maisons à ossature bois sur mesure dans le massif du Vercors (Isère), développe son entreprise depuis 2004. « Au départ, j’achetais mon bois chez un négociant, car il n’y avait pas de scierie locale. Dès que j’ai eu mon atelier dans la zone artisanale, j’en ai créé une. » Fils de forestier, John maîtrise aujourd’hui toute la chaîne du bois : choix des grumes, scierie, séchoir, rabotage… Avec ses 20 salariés, il conçoit et fabrique aussi bien la charpente (épicéa ou sapin locaux), que les menuiseries ou la table du salon (hêtre, frêne). Tout en massif ! « On produit toutes les largeurs de bardage, on ne rabote que le dessus des chevrons, on utilise tout le bois, les chutes partent dans notre poêle… Il y a davantage de complexité, mais nous sommes autonomes ! » Pour les assemblages, tenons-mortaises et queue d’aronde sont de rigueur. Et le prix ? 2 500 €/m2. « Nos clients savent de quelle forêt provient leur bois, c’est un argument différenciant. Quand les prix explosent, nous, on reste stable. Même si cela demande davantage de travail, je ne peux qu’encourager les charpentiers à faire la même chose », conclut John, qui construit un atelier plus grand.

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