2/5 Béton recyclé, deuxième vie pour les granulats

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Par Christophe Tréhet

Publié le 22 janvier 2024

10 minutes de lecture


Recycler le béton, une idée saugrenue ? Que nenni. 
Les sables et graviers issus du concassage de pièces de béton sont déjà disponibles. Et leurs caractéristiques divergent peu de leurs équivalents issus de l’extraction. Du dur.

Au-delà de son empreinte carbone, le béton conventionnel recourt à plusieurs ressources en plus du ciment. Il comporte 30 % de granulats, 12 à 15 % de ciment, mais aussi 45 % de sable et 10 % d’eau. Or, pointe Pascal Peduzzi, professeur en Sciences de l’environnement à l’Université de Genève et auteur du rapport « Sand, rarer than one thinks » (ONU, 2014), « le sable et le gravier [...] représentent le plus grand volume de matière solide extraite au monde. Formés par processus érosif sur des milliers d’années, ils sont désormais extraits à un rythme bien supérieur à leur renouvellement ». Il rappelle par ailleurs que leur extraction dans les vallées et milieux marins partout dans le monde a de lourdes conséquences en termes d’érosion côtière et de dégradation de la biodiversité (lire notre enquête dans La Maison écologique n°126).

Pour remplacer leurs cousins « naturels », les granulats de béton recyclé (GBR) se montrent désormais de plus en plus disponibles. Les résultats du projet de recherche national Recybéton dont les recommandations ont commencé à être publiées en 2018 favorisent cet essor. Et une offre développée par des entreprises, plutôt aux alentours des grandes agglomérations, émerge.

Réutiliser les déchets de béton

Les GBR, explicitent François de Larrard et Horacio Colina, qui ont codirigé la rédaction de l’ouvrage Le Béton recyclé*, « sont composés le plus souvent d’un mélange intime de granulats naturels (GN) et de traces de pâte de ciment durci généralement adhérente aux GN ». Il est en effet désormais possible de séparer, de façon poussée, les graviers et les sables contenus dans des déchets issus de la déconstruction d’ouvrages en béton.

Près de Chartres (28), l’entreprise Granudem propose des matériaux issus du recyclage : du sable 0-4 à maçonner multi-utilisations, des graviers (4/16, 12/20 et 20/50) destinés entre autres usages à la construction, issus à 100 % du recyclage de blocs de béton et de gravats collectés sur des chantiers dont elle a assuré la démolition, son activité première. « Nous fournissons les centrales à béton, les particuliers, les maçons », avance Stéphane Poullard, de Granudem, à l’origine du process de recyclage. L’entreprise, qui projette de déployer des franchises ailleurs en France, vend aussi du béton prêt à l’emploi élaboré avec ses granulats recyclés associés à des granulats récupérés sur des chantiers de terrassement qu’ils réalisent.

En termes de prix, « ces granulats recyclés sortent de notre site entre 15 et 20 € la tonne » poursuit le responsable de l’entreprise. Nos produits peuvent être utilisés comme des granulats d’extraction, ils bénéficient des normes CE nécessaires à leur prise en charge par les centrales à béton ». À l’avenir, Stéphane Poullard vise également, pour fabriquer du ciment, la valorisation des « fines », ces particules de ciment et de silice de petite taille qui sont extraites lors du recyclage du béton.

Remettre le béton à sa place

Depuis la reconstruction d’après-guerre, le ciment s’est imposé dans l’ensemble du secteur du bâtiment. Y compris pour des usages auxquels il n’est absolument pas adapté. L’exemple parfait étant l’enduit de ciment sur un mur – qu'il soit en pierre, parpaing, voire colombage –, qui bloque le transfert de l’eau et génère des dégâts (notamment pourrissement) sur le long terme. Réduire la part du ciment – et du béton – dans l’empreinte carbone du bâtiment passe aussi par savoir remettre ces matériaux à leur place. Le béton banché s’est imposé dans les méthodes de construction, du fait de sa rapidité de mise en œuvre, mais « son équivalent en parpaings nécessite bien moins de béton et n’est pas plus compliqué à réaliser », rappelle Jean-Michel Torrenti. Le béton « n’est pas utile partout, poursuit le chercheur, il peut rester pertinent pour des éléments de structure, mais pas pour les cloisons ».

Promoteur du matériau terre dans la construction, et favorable au recul de la maison individuelle dans le neuf, l’architecte Paul-Emmanuel Loiret se montre plus radical : « Il faut utiliser le béton armé au strict minimum. Dans un immeuble de logements collectifs en zone urbaine, par exemple, on peut utiliser le béton pour le parking souterrain parce qu’il est très difficile de faire autrement, mais ailleurs il ne faut que des "matériaux naturels", de la pierre, de la terre, du bois et des fibres végétales pour des projets réellement vertueux sur le plan climatique. »

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