Territoire : Bricobus, un chantier sur prescription sociale

TERRITOIRE 137

À la demande des travailleurs sociaux, des Compagnons bâtisseurs accompagnent des locataires et propriétaires en situation précaire à réinvestir leur logement. Leur credo : l’auto-réhabilitation accompagnée.

« Viens voir nos chambres ! », encouragent les quatre enfants de Tania, tout heureux de montrer ce que leur maman a accompli en quelques jours. Le sourire aux lèvres, la fratrie profite de l’agitation et du vent de fraîcheur apportés par le réseau associatif des Compagnons bâtisseurs dans leur maison. Peintures vieillissantes, meubles manquants ou abîmés, véranda inhabitable ; la maison de 66 m2 louée un an plus tôt à Vensac, au cœur du Médoc, ne permettait pas à la famille de se sentir vraiment chez elle. Difficile pour cette mère célibataire de mener seule les travaux avec ses quatre enfants âgés de 3 à 12 ans. Les travailleurs sociaux ont ainsi contacté les Compagnons bâtisseurs de Gironde. Pour répondre à ces situations de mal logement qui ne trouvent pas de solutions, ces derniers misent sur l’auto-réhabilitation accompagnée (ARA). Un concept mis en place dans cette maison avec deux dispositifs différents : le Bricobus, projet phare de l’association, et le Slime, service local pour la maîtrise des énergies.

Aider à faire soi-même

Ateliers, outilthèque, le Bricobus est une plateforme mobile adaptée tant aux animations du territoire qu’à la réhabilitation accompagnée. « Le principe est d’aider les habitants à se réapproprier leur logement en les accompagnant dans leurs travaux. Se sentir mieux chez soi permet de regagner de la confiance en soi afin d’affronter ce qu’il se passe dehors », explique Alexis Trillard, responsable habitat de la structure girondine. En pratique, le Bricobus s’installe chez un habitant sur une période de six à dix jours. Les occupants sont accompagnés sur les travaux de second œuvre par un animateur technique et généralement un jeune volontaire en service civique ainsi que des bénévoles. Chez Tania, cependant, pas de bénévoles, plus difficiles à mobiliser dans ce secteur rural isolé au cœur du parc naturel du Médoc.

Préparation des supports, mise en peinture, évacuation d’un mobilier ancien… Il leur a été donné huit jours pour refaire entièrement les deux chambres des enfants et tenter d’améliorer le quotidien de la famille. « Nous profitons du temps que l’on a pour réparer tout ce qui peut l’être et repartir sur de bonnes bases : travaux de plomberie, changement de poignées, rafistolage de meubles. Nous avons aussi profité du camion pour aller chercher des lits superposés et des armoires chinés sur Leboncoin », explique Éric, l’animateur technique multi-casquette.


Territoire : L’écoconstruction par-delà les murs

12 TERRITOIRE OIKOS écoconstruction

Le mot grec « oïkos » signifie « maison » et a donné le préfixe « éco » de « écologie », notamment.

De là à dire que l’écologie prend racine dans la maison ? C’est ce que croit l’association Oïkos, pionnière de la promotion de la construction et la rénovation écologiques.

Plus précisément nommée « Oïkos, la maison, son environnement », elle démontre depuis plus de 30 ans qu’un bâtiment ne peut pas être coupé de son contexte. Il interagit avec le soleil, est constitué de ressources prélevées de la terre… Preuve avec son siège, l’écocentre du Lyonnais situé à La Tour-de-Salvagny (69) : un bâtiment bioclimatique, en bois et bottes de paille, enduit d’une terre rougeâtre, couvert de panneaux solaires et avec 2 ha de jardin, gérés par l’association de préservation des insectes Arthropologia et fourmillant d’aménagements favorables à la biodiversité. L’environnement du bâtiment, chez Oïkos, ce sont aussi les humains. L’association crée un lien entre novices, porteurs de projets, collectivités et professionnels pour augmenter le nombre d’acteurs de l’écoconstruction en Auvergne-Rhône-Alpes. Tout un oïkos-système !

Éduquer, accompagner, former pour une transition réelle

Neuf salariés y travaillent d’arrache-pied, répartis en trois pôles : sensibiliser, informer et former. Flavie Widmaier s’occupe du premier, accompagnée de Johan Coladon. Elle le décrit comme « la porte d’entrée vers l’écoconstruction » ayant pour objectif de « cueillir un public pas forcément initié ». Avec une centaine d’animations par an, comme des activités dans les écoles sur la gestion de l’eau ou des balades commentées en famille sur le patrimoine en pisé, ce pôle touche entre 1 500 et 2 000 personnes par an.


Territoire : Archi jeunes à l’Îlot S

Les mercredis de l'archi_paysage

À Annecy, il n’y a pas d’âge pour commencer à penser l’habitat de demain.

Dès 10 ans, des enfants suivent des ateliers organisés à l’Îlot S par les professionnels du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Haute-Savoie.

« Éveiller les enfants à leur cadre de vie, à ce qui les entoure sur le chemin de leur école ou de tous les jours, en milieu rural comme en milieu urbain densifié, nous a semblé incontournable, car c’est un premier pas pour embrasser les défis environnementaux et sociaux de demain », relate Dany Cartron, responsable du pôle culturel du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Haute-Savoie. Comme ici à Annecy, la problématique de l’aménagement du territoire touche de nombreuses régions. « Notre territoire s’emballe et cela construit partout. Avec 10 000 nouveaux habitants tous les ans, il y a un fort étalement urbain dans les vallées. Les activités s’y concentrent et nous rencontrons des problématiques de qualité de l’air. Et les chalets ne sont plus construits en bois d’ici », énumère Dany Cartron. « Nous avons senti une grande curiosité chez les enfants et nous sommes en mesure de leur répondre », ajoute Léa Mabille, chargée de projet au CAUE.

Depuis 2019, les équipes du Conseil ont donc planché sur des ateliers organisés hors des temps scolaires. Des rencontres ludiques sur une thématique qui mêlent créations, architecture et urbanisme et s’étalent sur cinq à sept séances. Entre six et huit enfants âgés de 10 à 14 ans s’y retrouvent chaque semaine. En 2022, les apprentis archis ont, par exemple, arpenté les rues de la ville d’Annecy en vue de produire des vidéos. « Réaliser un film était une occasion de les amener à observer leur environnement. Prendre conscience que la ville contient du minéral, du végétal, faire attention à des détails, des formes géométriques », raconte Florent Labre, réalisateur qui a animé une session d’ateliers. Une occasion aussi de transmettre aux enfants des savoirs sur les différentes époques de construction et leurs différences.

Une culture de l’architecture

Agrémentées de rencontres avec des architectes ou des paysagistes, ces « Mercredis de l’archi » sont aussi une manière de rendre les jeunes acteurs de leur futur. « Ils peuvent réfléchir à ce que sera leur ville demain ou dans 30 ans. Ils peuvent, par exemple, aller fabriquer du mobilier urbain en bois pour faire vivre l’espace public tout en recréant du lien avec la nature. Depuis le confinement, nous avons également commencé à proposer des tutos en ligne », poursuit Dany Cartron. À travers les « tutos de l’îlot », une douzaine de thématiques est explorée : fabriquer une maquette avec des matériaux du quotidien quand on n’a plus de carton chez soi, s’initier aux architectures du dôme ou même aux bulles pirate ! De quoi partager simplement la culture de l’architecture et donner envie d’inventer de nouvelles formes de lendemains.

Des formes qui pourraient aussi inspirer les aménagements d’aujourd’hui. « C’est surprenant de voir à quel point l’écologie et le vivre-ensemble comptent pour eux. Quand nous avons travaillé à recréer leur cour de récréation idéale, leur premier réflexe a été de faire sauter le béton. Ils ont aussi imaginé y mettre des framboisiers, des noisetiers avant même de penser à mettre des toboggans », constate Florent. « Quand on leur demande de monter des maquettes sur l’architecture de demain, ils n’évoquent souvent que des petits collectifs et peu de grands ensembles ou de maisons individuelles. Ils prévoient beaucoup d’espaces partagés, notamment des espaces verts », reprend Léa Mabille.