La maison aux mille et une vies



Pour restaurer leur maison en pays gascon, Elisabeth et Loïc n’ont utilisé presque que des matériaux naturels, locaux et parfois chargés d’histoire(s). Bienvenue dans un lieu aux multiples passés.

Il paraît que les chats ont sept vies. Difficile de savoir combien en a eu la maison qu’Elisabeth et Loïc ont restaurée dans le Gers. Ni combien elle en aura encore, puisqu’elle est presque entièrement biodégradable. La partie centrale du bâtiment date de 1797. Mais un bois de colombage gravé à l’extérieur révèle qu’une extension a été réalisée en 1813. « Cette maison aurait été construite avec les restes d’une métairie d’une ferme voisine qui avait brûlé, explique Loïc. Ici, c’est ce qu’on appelle une borde, la maison des ouvriers. Elle mesurait à peine 100 m2 au sol, dont une étable pour mettre un ou deux animaux. » Voilà pour les trois premières vies – au moins. Lire la suite


Cahier pratique : Concocter un four en terre



De l’argile, de la paille, une bonne dose d’huile de coude et votre jardin savoure l’arrivee d’un four naturel pour cuisiner au feu de bois!

Cuisiner au grand air des mets aux  saveurs incomparables transmises par le feu de bois. Tel est le petit miracle qu’offre ce four à autoconstruire avec des matériaux naturels et locaux. Sa paroi comprenant une seule couche de 15 cm d’argile fibrée permet un rayonne­ment de la chaleur durant trois jours. « Le premier, après 1 h 30 de chauffe avec 4 à 5 kg de bois (l’équivalent d’un cageot plein) allumés à l’entrée du four, je pousse le feu petit à petit au fond et je fais les cuissons haute température (350-400 ° C) tant qu’il y a des flammes; pizzas (en 3 mn), fouées, flammekueches, se délecte Michel Mouillé, qui anime des stages de construction de ce four. Puis, j’enlève les braises et j’obture l’ouverture du four pour cuire des pains, tartes, brioches, plats mijotés. Le lendemain, je peux cuire riz au lait œufs au lait etc. Et le troisième jour permet de déshydrater fruits et légumes. »

Pour stabiliser l’argile, Michel l’addi­tionne de chamotte plutôt que de sable.

« Il s’agit de tuiles et briques broyées. Je préfère utiliser des résidus de fabri­ cation considérés comme” déchets” plutôt qu’une ressource de plus en plus rare.»; Le seul sable qu’il emploie sert à réaliser le moule. Vidé après séchage, il peut être réutilisé.
Ce four peut être intégré sur une remorque en version nomade, ou sur un socle en pierre, parpaing, acier, bois … Ces deux derniers matériaux obligent à réaliser une isolation (liège+ Fermacell) entre eux et le four, sans quoi la cha­leur les déformerait. Bien que le four ne pèse «que» 700 kg, ce socle doit pou­voir supporter une charge de 1 t (eau + argile+ moule en sable … ). Il est impé­ratif de prévoir un abri au-dessus, car « pour obtenir de la terre cuite, il faut mon­ter à 1 200- 1 300 °CÀ cœur, ce four ne dépasse pas BOO °C; la terre reste crue, donc sensible à la pluie, indique Michel. Mais s’il est abrité, ce four vous donnera satisfaction pendant au moins 200 ans!».


Travaux : Des cloisons en pisé

Cloisons en pisé

Généralement employé en mur extérieur ou refend porteur, le pisé de terre crue peut aussi apporter aux cloisons ses atouts esthétiques, d’inertie thermique, de bilan carbone et de prix.

Devinette : je suis l’exact opposé du placoplâtre rapide à poser, fabriqué industriellement, standardisé et blanc. Je suis vivante et gratuite… Je suis… la terre ! La terre crue présente une excellente inertie thermique. Employée en cloison intérieure, elle réinterprète ici de manière contemporaine deux techniques médiévales : pisé et colombage. Dans la maison, elle se marie à merveille avec d’autres matériaux naturels tels que le bois et la pierre. Pour mettre en œuvre cette technique soi-même, il faut trois choses : de la terre argileuse, des amis et du temps. Banchage et compactage nécessitent un vrai travail manuel. Il est ainsi recommandé de travailler au minimum à deux personnes. Comme la terre crue est un matériau naturel, la teneur en argile peut varier d’une région à l’autre, d’un terrain à l’autre. Seuls les essais et l’expérimentation permettront d’obtenir le résultat escompté.

Quand la terre épouse le bois

Pour ce pas à pas en images dans la maison de ses amis, l’autoconstructeur expérimenté Didier Pragout a mis en œuvre la terre dans les cloisons à ossature bois du menuisier. L’architecte Robin Faure a proposé de réaliser les parois en terre sur 8 cm d’épaisseur. Didier avait l’expérience de la technique du banchage pour des murs en chaux et chanvre ; il savait que le sous-sol charentais local présentait une terre argileuse jadis utilisée pour fabriquer tuiles et briques. Didier et Robin ont mené une série d’essais avant de réaliser le pisé, puis l’enduit de finition. Depuis, les amis ont emménagé. Et ils sont ravis !

OUTILLAGE

• 4 serre-joints
• 1 visseuse
• 1 scie circulaire
• 1 truelle
• 1 grande lisseuse
• 1 taloche éponge
• 1 auge de maçon
• Vis
• Papier de verre
• Pulvérisateur
• Seau carré
de type peinture

 

Cloisons en pisé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. Renseignez-vous sur la qualité de la terre de votre région. Si elle est argileuse, vous pouvez l’utiliser. Testez en mettant la terre dans une bouteille d’eau transparente et laissez décanter. La première couche qui se dépose est le sable, puis les limons et, enfin, l’argile, sur le dessus. La terre idéale ici doit contenir 10 à 15 % d’argile.
  2. Autre test simple : réalisez à la main des boules de terre sèche ou très peu mouillée. Si elles se tiennent au bout de quelques jours, la terre convient. Faites des boules de différentes terres pour choisir celle qui vous convient, selon sa tenue, sa couleur. Elle ne doit pas s’effriter, mais rester homogène et tenir d’un bloc. […]

Autoconstruire : Un an pour écoconstruire à budget riquiqui

écoconstruire en un an

Deux ans de conception pour seulement un an de travaux

Ces deux aides-soignants du Maine-et-Loire ont menés à bien leur projet tout en respectant leur budget ultra-serré. Une prouesse relevée sans pression et avec passion.

Autoconstruction rime souvent avec tensions, exténuation, séparation. Mais pas dans le dictionnaire de Lydie et Jean- Charles Noguès. Les pièges ne manquaient pourtant pas pour ce couple d’aides-soignants qui a mené son chantier en autoconstruction quasi totale sur un an seulement, tout en gardant leurs emplois à plein temps et en élevant leurs trois premiers enfants. Sans aucun retard, ni dépassement d’un budget très serré, leur projet a plutôt rimé avec parfaite sérénité. Un exploit qui ne doit rien au hasard…

« On a emménagé en 2010 après un an de travaux, incluant la maison, l’atelier et les aménagements extérieurs, mais on a d’abord consacré deux ans à la préparation du projet, réfléchir à ce qui était faisable, peaufiner, dessiner les plans, estimer la durée de chaque phase et les quantités de matériaux, planifier, etc., précise Jean-Charles. Quand on a démarré les travaux, tout était programmé, on n’avait plus qu’à dérouler le planning. Et on n’attend pas d’avoir fini de poser un matériau pour réfléchir à ce qui se passera derrière ; on enclenche ce qui a été prévu à l’avance, les commandes pour que les matériaux suivants soient prêts… »

 


Travaux : Cloison courbe en torchis

Cloison torchis

Technique traditionnelle à base de terre crue et fibre végétale dans une ossature bois, le torchis est bénéfique pour l’hygrométrie et le confort dans un logement. Il apporte aussi une douceur naturelle à l’ambiance, renforcée ici par le choix d’une cloison arrondie. Le support peut être fait de branches fraîches de noisetier, de saule ou du bambou.

Il est important de réaliser des tests afin de déterminer le dosage du mortier pour limiter retrait et  fissuration au séchage selon la proportion d’argile, d’eau, de fibre, de sable, etc. Une terre contenant naturellement des sables et graviers de tailles variées évite de devoir la corriger en ajoutant du sable, ressource en péril. De même, « plus le mélange contient de fibres de types et de longueurs différents, plus le retrait est limité, prévient le formateur Vincent Corbard, qui a encadré la douzaine de stagiaires de la MFR de Riaillé (44) qui ont appliqué ce torchis. Et les différentes fibres réduisent le besoin en sable ».

La fibre écolo

Pour le corps d’enduit, « privilégiez des fibres courtes. On en met plus dans un même volume et elles offrent une plus grande surface de contact entre tous les éléments du mélange ». La fibre de chanvre ne rebique pas en surface lors du séchage comme le fait la paille de blé. Le foin convient, mais concurrence l’alimentation agricole. Le mélange doit toutefois contenir assez d’argile, qui apporte du « collant ». Projetez une truelle de mortier sur la paroi du bac de mélange et étalez-le ; il doit bien tenir. Les Japonais laissent fermenter le mortier durant trois mois, ce qui réduit grandement le retrait au séchage et facilite l’application.

1 La cloison de 2,45 m de haut mesure 100 + 80 cm. La lisse basse est fixée par cheville à frapper dans la dalle béton pré percée ; la lisse haute, vissée dans les solives à travers le plafond. Les lisses sont divisées en trois parties : deux droites de 60 cm et l’arrondi (40 + 20 cm) découpé à la scie sauteuse dans un chevron 200 x 45 mm. Vissez en biais les montants de part et d’autre des lisses droites, puis fixez-y les traverses en divisant la hauteur en trois.

2 Pointez ou vissez après pré-perçage des tasseaux 20 x 25 mm à mi-épaisseur des montants et un tasseau 40 x 25 mm entre deux montants. Ils serviront d’appui pour tresser le clayonnage horizontal. Pour l’arrondi, le clayonnage sera vertical ; positionnez alors à l’horizontale les pièces de sapin découpées dans une planche en respectant le dessin des traverses et lisses arrondies.

[…]


Construire : Terre crue porteuse d’avenir

Terre crue porteuse

Passionné.e.s par la terre crue et désireux.ses d’en illustrer la mise en œuvre en structure, Anne et Simon ont imaginé leur construction Ornaise autour de six poteaux porteurs en bauge.

Après des études à Paris d’ingénieur respectivement en thermique et en structure du bâtiment, Anne Lequertier et Simon Martin se sont orienté·e·s vers l’écoconstruction en se spécialisant au Greta de Coutances, dans la Manche. La construction de leur maison allait leur permettre de perfectionner leur savoir-faire tandis qu’il.elle.s créaient leur entreprise artisanale dans l’habitat naturel (Les Guêpes maçonnes).

Résidant alors à Caen, Anne et Simon explorent le bocage bas-normand pour y poser leurs valises et s’installent finalement à Taillebois (61), en Suisse normande. « On s’intéressait beaucoup à la terre depuis que Simon avait passé un an en Inde dans une agence d’architecture spécialisée en terre crue, raconte Anne Lequertier. On voulait montrer que la terre en structure porteuse de bâtiment, ça peut fonctionner. » Convaincu.e.s que « les matériaux locaux sont l’avenir de la construction », les deux jeunes artisan.e.s placent également la paille au cœur de leur projet, « d’où l’idée d’une maison avec des poteaux porteurs en terre, entre lesquels on placerait l’isolation en bottes de paille ».

Le chantier, principalement mené en autoconstruction, démarre en septembre 2013. Anne et Simon s’y consacrent au maximum en réduisant leur activité professionnelle. Landry Daviaux, tailleur de pierre et maçon décorateur, ainsi que la coopérative des Chantiers de demain sont sollicités pour renforcer l’équipe. Les fondations en pierre et le soubassement en briques monomur (recouvert d’un parement en pierres maçonnées) sont érigés en deux mois. Les pierres utilisées proviennent de maisons démolies et sont fournies par le terrassier du village, auprès de qui Anne et Simon obtiendront également la terre nécessaire pour la suite de leur chantier.

Terre crue, tu veux être mon poteau porteur ?

Six poteaux en terre crue de 60 cm d’épaisseur (7 t chacun) soutiennent la charpente de la maison. Ils sont posés directement sur les soubassements, dont les arases sont plus hautes en face extérieure. Ces imposants piliers adoptent une forme de L aux quatre coins, tandis que les deux positionnés au milieu des longueurs du bâtiment sont en forme de T. Anne et Simon ont choisi la bauge, une technique locale traditionnelle de construction en terre crue, pour réaliser ces poteaux porteurs. « Nous avions écarté la mise en œuvre sous forme de pisé, elle pose des problèmes en cas de pluie sur le chantier. »


Finitions : Le sgraffito

sgraffito

Le sgraffito grattage gagnant.

Employée depuis des siècles partout dans le monde, la technique de décor de surface du sgraffito crée un effet décoratif par le grattage d’une couche de surface pour faire apparaître une couche sous-jacente de couleur ou de texture différente. Très utilisée en architecture pendant la Renaissance, elle s’applique aussi en poterie. Combinant le dessin et la gravure, le sgraffito a néanmoins une contrainte supplémentaire liée à son support, une fine couche d’enduit qui doit être travaillée fraîche.

Donc pas question de laisser le dessin ou la gravure en attente. C’est une technique de chantier qui demande d’avoir du temps devant soi. Il faut enchaîner l’application de l’enduit de finition et la réalisation du décor. Mais, aujourd’hui, plus besoin d’être un artiste spécialisé pour orner les murs de sa maison de dessins en
creux qui jouent avec les changements de lumière. La reproduction d’images est facile et de bons enduits prêts à l’emploi mettent la technique à portée de qui a la main précise.

 


Impression 3D : une maison biosourcée sort de terre

maison écologique en impression 3D crédit WASP

INNOVATION. Les maisons imprimées en 3D, on connaissait. Mais avec des matériaux écologiques comme la terre et le riz, c’est une première!

La maison construite grâce à l’ impression 3D existait déjà (voir dans La Maison écologique n° 105). Mais pas encore à partir de matériaux écologiques. C’est à présent chose faite, avec le projet Gaïa, mené par deux entreprises italiennes. Wasp, tournée vers l’impression 3D, en collaboration avec la start-up RiceHouse, spécialiste du bâtiment écologique.

Pour les murs de cette maisonnette bioclimatique expérimentale de 20 m2, bâtie en seulement quelques semaines, les concepteurs se sont inspirés de la structure des nids de guêpes. Ils ont utilisé un mélange de matériaux locaux : 25 % de terre extraite du site (30 % d’argile, 40 % de limon et 30 % de sable), 40 % de paille de riz, 25 % de balle de riz et 10 % de chaux hydraulique. L’isolation atteint un très haut niveau de performance, qui permet de se passer de chauffage et de climatisation. La toiture est en bois local.

Seules les fondations, en béton, alourdissent (un peu) l’excellent bilan carbone de cette réalisation. Et tout cela au prix imbattable de 900 € hors main d’œuvre. Reste à trouver des partenaires pour développer le projet.

crédit photo: WASP


Leur logis présage l’habitat de demain

habitat de demain

En arrivant au lieu-dit Lachat, on ne peut pas la louper. Avec ses larges baies vitrées, ses murs de terre et de bois et ses panneaux solaires sur le toit, la maison de Sophie et Damien affirme sa singularité. Bâtie au milieu de pavillons conventionnels, elle fait des envieux dans le quartier. Et pas seulement d’un point de vue esthétique… « Quand on compare notre facture de chauffage avec celle de nos voisins, on est content de notre choix, témoigne Damien. 120 € de granulés suffisent pour alimenter notre poêle et avoir chaud tout l’hiver avec deux enfants en bas âge, quand leur dalle chauffante ou leur pompe à chaleur engloutit près de 1000 € pour une surface équivalente ! C’est la différence entre une habitation en terre-paille bien orientée et une construction en parpaings-laine minérale mal positionnée. »

 


Autoconstruire : La maison aux mille et une recettes

la maison aux mille et une recettes

J’ai grandi aux portes du parc naturel du Pilat, c’était comme mon jardin », confie Katia pour expliquer comment, après six ans passés aux Émirats Arabes Unis, elle et son compagnon ont ressenti un besoin criant de renouer avec cette nature dont ils avaient « la nostalgie des ciels ». Le besoin est d’abord professionnel. Pour commencer, ils construisent un petit local qui fera office de bureau – elle est infographiste et lui, réalisateur –, mais qu’ils habiteront le temps de bâtir leur grande maison. Aujourd’hui, ce local a été reconverti en gîte de location saisonnière. S’agissait-il pour autant d’un « brouillon » avant la maison ? Pas tout à fait, selon Katia : « On aurait bien voulu bâtir à nouveau une maison en paille, mais en utilisant cette fois la technique de la paille porteuse. C’est plus compliqué à mettre en oeuvre pour obtenir les performances qu’on recherchait, à moins de se faire accompagner par des Pro-pailles, pas forcément faciles à trouver. On a donc fait moins cher avec la laine de bois. »