Territoire : De la terre crue pour bâtir solidaire

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Dans l’ouest de la Bretagne, une communauté Emmaüs a créé et anime un atelier de fabrication de briques en terre crue.

Un engagement solidaire qui permet à six compagnons d’Emmaüs, logés et nourris, d’acquérir des compétences tout en offrant aux bâtisseurs du territoire une production proche du zéro carbone. « L’association Terre communauté Emmaüs n’est pas un chantier d’insertion. Elle accueille toute personne. Elle a été créée en janvier 2020 et, depuis novembre 2021, nous sommes en mesure de proposer un logement à nos compagnons », explique Orane, l’une des trois permanentes de la communauté.

L’idée n’a pas émergé du néant. Dans ce secteur agricole de l’Ille-et-Vilaine, les constructions en terre, notamment en bauge, sont courantes. « Les agriculteurs construisaient avec la ressource disponible et la terre locale était adaptée. Notre premier chantier en avril 2020 a débouché sur la fabrication de 1 500 briques utilisées pour rehausser de 50 cm un mur en bauge dans une maison d’habitation en rénovation », se souvient Orane, également diplômée en maçonnerie terre crue et aguerrie à l’accueil social autant qu’à l’écoconstruction. Dans le hangar attenant au préau de l’association, des empilements soigneux d’adobes attendent de partir sur des chantiers. Piètre isolant, elles sont en revanche utiles pour rénover les murs en terre de la région, notamment pour les reprises de charges. Les briques de terre crue sont aussi précieuses pour apporter de l’inertie aux cloisons (elle freine leur refroidissement et prolonge leur chaleur accumulée) et réguler l’hygrométrie (la vapeur d’eau présente dans l’air ambiant).

35 000 adobes en trois ans

Entre sa création et mai dernier, la communauté a produit 35 000 adobes. Aujourd’hui, Sabjan, Ali et Bakary participent à l’aventure comme compagnons depuis respectivement 19, 14 et 10. Aujourd’hui, l’association dispose en continu d’un stock de 7 000 briques de trois tailles différentes (9 x 13,5 x 28,5 cm à 2 € ; 10 x 20 x 30 cm à 3 € ; 5 x 11 x 22 cm à 0,70 €). « Nous travaillons à 80 % pour des professionnels et à 20 % pour des particuliers. Notre activité est nécessairement saisonnière, car avec nos locaux, impossible de produire entre novembre et mars, au risque de voir le phénomène de gel faire éclater les briques qui sont en cours de séchage », relate la jeune femme.

Un de leurs clients artisans plaide ainsi pour le réflexe terre : « Enlever du ciment d’un mur ou une plaque de plâtre pour remettre de la terre n’est plus anecdotique, car les personnes retrouvent du confort grâce à la bonne régulation thermique et hygrométrique de la terre », développe Grégory Bosi. Pour lui, pas de miracle en revanche, « un mur sud de 40 cm peut se justifier en terre, mais au nord, il lui faudra un bon isolant ».

Pour parer à la saisonnalité de la fabrication, l’association prépare de la terre tamisée, notamment utilisée pour des enduits, du mortier à brique ou par des artistes sculpteurs. Elle est aussi en mesure de fournir, à la demande, de la bauge ou du torchis livrés frais et prêt à l’emploi. Avec de la paille d’un agriculteur basé à 20 km de ses locaux, La Briqueterie solidaire propose également un mélange terre-paille allégé qui sert d’isolation dans une ossature bois.


Autoconstruire : 300 m3 de terre du jardin pour ériger leur maison en pisé

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Bricoleur invétéré, Grégory Rubio a construit dans le Cantal sa maison familiale en pisé grâce à 300 m³ de terre excavée du jardin ! Équipée d’une serre solaire et d’un poêle à inertie, ses 167 m2 disposent d’un confort thermique unique.

Dans le Cantal en hiver, il fait froid ! Et l’été, il fait plutôt chaud… Lorsqu’en 2008 Grégory et sa compagne Stéphanie cherchent à rénover une grange autour d’Aurillac, ils sont donc particulièrement attentifs à l’inertie thermique du bâtiment. Mais pas seulement. « Nous voulions exploiter au maximum les calories solaires pour le chauffage passif. Ici, il y a plus d’heures d’ensoleillement qu’à Toulouse, alors autant en profiter ! », insiste Grégory. Mais le couple ne trouve aucun bien adéquat… « Toutes les bonnes affaires avaient été faites. Alors nous nous sommes résolus à construire une maison neuve en maçonnerie lourde avec une serre attenante pour chauffer la maison l’hiver, en utilisant le plus possible de matériaux bruts et locaux, à la fois pour des raisons économiques et écologiques », poursuit-il.

Mieux vaut tester que pester

Reste à trouver le terrain – grand ! Au moins 2 500 m², car Stéphanie et Grégory envisagent un potager, une phytoépuration, un cabanon et une maison spacieuse pour eux et leurs deux enfants. En prime, ils veulent le soleil présent dans le logement du matin au milieu de l’après-midi et, surtout, de la terre exploitable pour construire en pisé. « À l’époque, je dirigeais une association de culture urbaine à Aurillac pour laquelle j’avais fabriqué un skate-park avec un bowl en bois. J’étais bricoleur et j’ai voulu bâtir moi-même la maison pour me former. Mais je n’étais pas prêt à transporter des tonnes de pierres pour imiter le bâti local, raconte l’autoconstructeur. Je connaissais le pisé et l’avantage de sa forte inertie, alors nous avons cherché un terrain avec une terre idéale pour cette technique, contenant assez d’argile pour assurer une bonne cohésion mais pas trop pour éviter les fissurations au séchage. »

Lorsqu’à l’été 2009 le couple trouve un terrain optimal à Teissières-lès-Bouliès, à 20 min d’Aurillac, Grégory prend la peine de tester la terre avant de signer. Il pioche à deux ou trois endroits et réalise plusieurs expériences. Il remplit une bouteille de terre bien mouillée, puis laisse décanter pour juger la proportion d’argile par rapport au sable, l’idéal étant d’être autour de 15 %. « On peut aussi presser une boule de terre dans la main. S’il est possible ensuite de la séparer en deux sans qu’elle éclate, c’est que la terre a une bonne cohésion », propose-t-il. Ces premières expériences se révélant positives, il apporte un seau de terre à un spécialiste du pisé (qui n’est actuellement plus en activité), qui la juge parfaite !

Le terrain acheté, les premiers coups de tractopelle sont donnés le 5 avril 2010. Le but : aménager rapidement une annexe de 55 m² dans laquelle la famille puisse s’installer en attendant la fin des travaux de la maison principale attenante de 167 m². Pour les fondations et la structure poteau-poutre (béton armé) des deux bâtiments, Grégory fait appel à un ami maçon qui lui explique comment réaliser ses ferraillages, ses coffrages et doser les bétons. Deux autres amis viennent ensuite lui donner un coup de main sur le chantier. Ils comprennent vite la technique : la maçonnerie, les soubassements de 80 cm en schiste, les réseaux et la phytoépuration sont terminés en cinq mois (hors poutres réalisées à l’été 2011) alors que Grégory travaille encore à plein temps.

En parallèle, commence le travail du pisé, suivant la même démarche. Grégory se renseigne, lit et se forme auprès du même spécialiste ès pisé. Il passe une journée avec lui, pose beaucoup de questions et « rentre serein ».


magazine Collector – La Terre, l’écomatériau d’hier et de demain



 

Après le Collector Paille, nous nous affairons à préparer notre second ouvrage Collector dédié à la Terre dans le bâtiment !

Depuis 22 ans maintenant, notre magazine La Maison écologique a à cœur de présenter tous les bienfaits de la terre comme écomatériau.

 

Des centaines d’articles ont été publiés sur des projets de construction et de rénovation en terre, des enquêtes, des cahiers pratiques

Œuvrez avec nous à l’essor de la terre dans les projets de construction et de rénovation.

 

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Cahier pratique Finition : Osez sculpter vos escaliers et mobilier

66 CP FINITIONS SCULPTER

Avec un torchis traditionnel alsacien appliqué sur de l’osier tressé façon vannerie, optez pour un intérieur au fondant garanti !

Après la maison pain d’épices du conte d’Hansel et Gretel, pourquoi pas une maison guimauve à Strasbourg ? Quand l’association l’Orée 85 a pris ses quartiers dans une ancienne écluse en plein cœur de la ville afin d’y créer un tiers-lieu, elle envisageait un intérieur « à la grecque ». Avec des murs pas vraiment lisses et enduits de chaux. Mais l’utilisation de torchis traditionnels (lire encadré p.68) sur du mobilier en bois et en osier tressé, comme la remarquable rampe d’escalier, éveille autant la mémoire des gourmands que des voyageurs. Pour aller au bout de son engagement, l’Orée 85 a sou-haité utiliser des matériaux locaux et au maximum issus de réemploi. Les boiseries proviennent de la matériauthèque strasbourgeoise BOMA ; les rameaux de saule, d’une friche de la ville. La réalisation, elle, est signée Maurine Koeberlé, artisane connue pour ses réalisations organiques à l’atelier Lowarchitech, épaulée par une centaine de volontaires en chantier participatif. Chantier qui a duré quatre mois, contraint par la date d’ouverture du tiers-lieu. Pourtant, « environ six mois de séchage sont habituellement nécessaires pour un torchis », rappelle Maurine. « On a appliqué l’épaisseur minimum, soit 3 cm, et un déshumidificateur à filtres a tourné toutes les nuits », justifie-t-elle. En autoréalisation, respecter les délais recommandés et s’entourer d’une bande d’ami.es. Car comme le conseille l’experte : « c’est un travail créatif qu’il vaut mieux partager. »


Cahier pratique Travaux : Mission isolation en béton terre et miscanthus

56 CP TRAVAUX MISCANTHUS

Réaliser une isolation thermique par l’intérieur (ITI) vertueuse et économique est à portée de main !

L’ITI en terre-fibre allégée est un compromis accessible, tant sur le volet budgétaire que sur l’isolation de petites surfaces, pour lesquelles  il est parfois difficile de mobiliser un artisan. Le caractère vertueux de ses composants et convivial de sa pose ne gâchent rien ! Cette ITI terre-miscanthus a été réalisée en chantier participatif avec un accompagnateur de chantier dans le cadre d’une rénovation thermique au standard de performance BBC d’un bâti pavillonnaire mitoyen des années 1960. La façade sud étant en zone classée, l’Architecte des Bâtiments de France a refusé la pose d’une isolation par l’extérieur avec bardage bois.

L’ensemble est posé en voie humide, relativement moins humide qu’un enduit correcteur thermique, apportant davantage de souplesse lors de la phase du séchage. La plus faible proportion d’eau et de liant terre permet d’avoir un mélange « aérien », léger, plus accessible en termes de manutention pour l’équipe de mise en œuvre. Selon l’épaisseur souhaitée – en moyenne 10 cm –, le volume de mélange à préparer et à compacter est conséquent. Cela convient particulièrement à l’organisation d’un chantier participatif où petits et grands, bricoleurs et moins aguerris, peuvent s’y retrouver. Éviter la saison hivernale pour faciliter un bon séchage. La technique peut aussi être employée pour construire des cloisons avec un caractère phonique appréciable. Enfin, le mélange est réversible. À l’avenir, ses constituants pourront aisément être démontés, réemployés ou compostés.


Dossier : La terre crue on y croit

DOSSIER TERRE CRUE

Coulée, banchée, moulée, la terre crue bénéficie d’un regain d’intérêt.

En France, une génération fraîchement acquise à la cause veut en accélérer les nouveaux usages.

Depuis un an, on livre des camions entiers ! » Marie Aeberli, de la Briquetterie Dewulf située à Allonne (60), au nord de Paris, détaille les commandes passées et à venir d’adobes et de pisé en vrac, pour la plupart destinées à des chantiers volumineux. « Le Grand Paris a fait redécouvrir la terre crue comme matériau de construction, en particulier chez les architectes, et l’engouement a pris comme un feu de paille. » Historiquement spécialisée dans la brique de terre cuite et la production de torchis en vrac à partir des argiles du Pays de Bray et du Nord, l’entreprise a élargi sa gamme, notamment avec de la bauge en vrac. Une illustration des tendances actuelles de la filière terre crue en France : une hausse de la demande stimulée par des projets publics ainsi qu’une expansion des matériaux au-delà de leur territoire d’origine.

La construction, en 2019, d’un vaste espace de coworking en pisé (1 000 m2 sur trois niveaux), l’Orangery à Lyon la Confluence, par l’entreprise rhonalpine pionnière Le Pisé créée par Nicolas Meunier, ou encore celle du groupe scolaire Myriam-Makeba à Nanterre, lui aussi en pisé, témoignent aussi du retour de cette technique, mais aussi de son évolution avec la préfabrication en atelier ou sur site.

Éléments porteurs…

Présent de la vallée du Rhône au Massif central, le pisé est constitué de terre argilo-sableuse et généralement graveleuse (30 % d’argile et 70 % de granulat). Damé entre des banches à l’état naturel (donc un peu humide), il donne un « mur monolithique sur lequel apparaissent des couches successives », précise Sophie Bioul, architecte et chercheuse spécialiste de la terre crue au sein d’Amaco (conseil, expertise, formation). Cette belle esthétique renforce son attrait chez les maîtres d’ouvrage. « Le pisé peut désormais être préfabriqué en atelier, poursuit-elle. Cela ne fait pas toujours baisser son coût, du fait notamment du rejointoiement, mais on peut ainsi mieux maîtriser les délais de chantier, car les blocs arrivent secs sur place. » Le fouloir pneumatique qui dame la terre a aussi permis d’augmenter la cadence de mise en œuvre de cette technique ancestrale.

Majoritairement présente en Bretagne et Normandie, la bauge consiste, elle, en un mélange de terre et de fibres (paille ou crin de cheval), posé frais sur un soubassement, puis dressé pour aboutir là aussi à un mur monolithique. « On tente actuellement de simplifier le processus avec des coffrages perspirants de type treillis métallique (des gros grillages) pour aller plus vite et accélérer le séchage », note Sophie Bioul. L’impression en 3D de terre stabilisée est également expérimentée avec succès, mais pas encore en France.


Cahier pratique travaux : Enduit terre sur support paille en extérieur

-N°129, La Maison écologique, Enduit terre sur support paille en extérieur

Plus fragile que l’enduit à la chaux, la finition extérieure en terre crue est généralement déconseillée, d’autant plus si le mur est soumis aux intempéries. Lorsque l’on souhaite favoriser les matériaux à faible empreinte carbone, la réalisation d’un enduit extérieur sur support paille met souvent en œuvre de la terre locale pour le gobetis (la couche d’accroche) et, en partie, pour le corps d’enduit. La finition s’opérant, elle, à la chaux pour une plus grande résistance aux chocs et aux intempéries. Pour ce chantier, le maître d’ouvrage s’est inspiré du patrimoine bâti local en bauge, en mettant en œuvre la paille pour l’isolation et un enduit terre fibré pour la finition.

Pour appliquer cette finition terre, quelques prérequis s’imposent. Le bâtiment doit être doté d’un débord de toit supérieur à 50 % de la hauteur du mur, afin de limiter l’impact des pluies verticales sans nuire aux apports thermiques solaires en hiver. Toutefois, sur le long terme, l’agression du mur par les rebonds de pluie depuis le sol et les pluies horizontales en cas de fort vent peuvent altérer l’enduit terre. Il faut donc admettre une possible altération dans le temps. Mais, à la différence de la chaux, la terre peut être aisément recyclée pour refaire la finition ! Pour accéder sur ce chantier de professionnel à une garantie décennale sur le clos couvert, le gobetis et le corps d’enduit ont été réalisés à la chaux.

Si la surface à enduire est importante, la location d’un matériel de projection et l’accompagnement par un artisan compétent sont fortement conseillés pour gagner du temps et travailler en toute sécurité. Ici, cinq personnes ont travaillé pendant deux semaines pour réaliser les enduits sur les 170 m2, dont la préparation du support, de la terre locale et des enduits. Compter environ trois semaines de séchage entre le corps d’enduit et la réalisation de la finition.


Cahier pratique travaux : Un plancher en quenouilles

quenouilles

Encore visibles dans certains planchers de greniers anciens, les quenouilles sont obtenues en enroulant un mélange de foin, de terre et d’eau autour d’un bâton de bois fraîchement coupé. Elles prennent ainsi la forme de cylindres courts qui, une fois posés de façon serrée sur le solivage, forment un sol.

Le plancher en quenouilles, une alternative intéressante

Les quenouilles sont une alternative intéressante aux planchers en bois. Confectionnées avec des matériaux locaux et bruts, elles constituent un matériau peu énergivore et à très faible coût. Leur application nécessite cependant une main d’œuvre importante, ce qui les destine plutôt à l’autoconstruction et aux chantiers participatifs. En cas d’interruption de chantier, les quenouilles peuvent être remouillées jusqu’à être à nouveau bien collantes.

Si elles ne sont pas destinées à isoler thermiquement un espace chauffé sous des combles non isolés, elles permettent toutefois d’assurer une fonction de pare-feu et une bonne isolation phonique entre deux niveaux.

Revêtements compatibles

Une fois posée, leur finition doit respecter le transfert d’humidité par des parois ou des matériaux perspirants. Par le dessous, elles sont généralement recouvertes d’un enduit terre (qui peut reprendre une partie des matériaux déjà mobilisés pour leur fabrication). Elles peuvent également être recouvertes d’un parquet bois, si elles sont coincées entre des lambourdes, ou recevoir une chape de chaux ou de plâtre, puis un carrelage en terre cuite. Pour être accompagné par un professionnel, prévoir entre 400 et 800 € la journée, suivant son degré d’expertise.

MATERIAUX POUR 1M2

• Terre argileuse : 4 litres

• Branches de bois local (5 à 6 cm de diamètre, 40 cm de longueur minimum), sans nœud, en châtaignier, chêne, hêtre, noisetier robinier faux-acacia ou charme pour 25 à 30 quenouilles

• 6 à 6,5 kg de foin de prairie naturelle ou paille de céréale bio secs

OUTILS ET DUREE

• Petite machette

• Tamis (facultatif)

• Gâchoir, grande poubelle ou grand seau

• Table longue

• Temps de mise en œuvre : 3 à 4 jours pour 27 m2 à 15 personnes


Cahier pratique finition : Enduit terre carton sans sable

enduit terre carton

Grâce à du carton récupéré, réaliser un enduit de finition en terre, sans ajout de sable.

La surexploitation du sable est dorénavant connue*. Majoritairement utilisé dans la confection du béton, le sable est moins présent dans la construction en terre. Certains professionnels cherchent tout de même à le supprimer complètement de leur pratique. C’est le cas de l’architecte Frédéric Denise, de l’agence Archipel zéro, qui a expérimenté un enduit de finition en terre et carton recyclé. Alors que les corps d’enduit peuvent être réalisés à partir de fibres assez grosses (paille hachée, copeaux de bois, etc.), il est recommandé de favoriser la fibre de cellulose, que l‘on retrouve dans le carton, pour la couche de finition. Elle donne à l’enduit une texture de pâte à modeler élastique, très cohésive, qui adhère à tous supports, sauf les mains. Au séchage, elle a l’aspect et la solidité d’une carapace assez dure qui ne farine pas et qui peut s’assimiler à une croûte de cuir. 

5 mm maximum

Fibrer la terre, comme avec du carton, permet d’éviter la fissuration de l’enduit sans y ajouter de sable. Mais attention, cet enduit de finition est destiné à des couches de 5 mm maximum d’épaisseur. Au-delà, il risque de se déformer et de se soulever sur les bords. De plus, pour les recycler dans l’enduit, il faut privilégier des cartons bruts, non colorés, pour éviter toute pollution de l’eau au moment du trempage et toute coloration de la pâte de carton. Habituellement, la proportion de carton est d’environ 3 % du poids sec. Ce qui correspond, en termes de volume, à 1/3 de carton pour 2/3 de terre tamisée. Plus il y a de carton, moins l’enduit se fissure, mais plus il risque de se déformer. Compter 5 l de mélange pour réaliser 1 m2 d’enduit. L’objectif est d’utiliser la terre déjà présente sur le site et du carton récupéré pour le recycler.

 


Matériaux : Mélanges terre-végétaux, le temps de la reconnaissance

ENQUETE TERRE VEGETAUX

Du neuf avec du vieux

Associations, chercheurs et artisans se mobilisent pour améliorer les techniques et favoriser l’utilisation des ressources locales dans les mélanges de terre fibrée. En parallèle, la reconnaissance institutionnelle de ces matériaux s’amorce.

Qu’ils soient ancestraux ou plus récents, les matériaux à base de terre et de végétaux sont appréciés pour leur longévité et leur disponibilité. Aujourd’hui utilisés pour leur performance en termes d’inertie et d’isolation, ils sont longtemps restés à l’écart des processus normatifs du bâtiment. La reconnaissance officielle de leurs performances avance pourtant. En témoigne la récente publication d’une fiche de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) dédiée à la technique du terre-paille, qui devrait bientôt être suivie d’une fiche dédiée au torchis. De quoi faciliter l’entrée des techniques de terre crue dans la construction neuve. Ces documents explicitent les données permettant l’analyse du cycle de vie (ACV) des matériaux, rendue obligatoire par la future Réglementation environnementale RE2020, et éviteront de fait que ne soient utilisées des données par défaut souvent pénalisantes.

Déjà, en 2018, l’édition d’un guide de bonnes pratiques consacré aux techniques de construction en terre crue (torchis, bauge, terre allégée, enduits, pisé et briques) avait impulsé un virage. Financé par le ministère de la Transition écologique, cet ouvrage a été rédigé par un collectif réunissant de nombreux acteurs des techniques terre pour diffuser « les pratiques et les mises en œuvre diverses, reconnues et validées par les praticiens du bâtiment », sensibiliser les professionnels aux vertus de la terre crue dans le bâtiment et stimuler la créativité en convoquant le passé pour mieux répondre aux enjeux actuels.