Écorénover en centre-ville n’est pas une mince affaire. Surtout à Paris, où les règles d’urbanisme, le coût de la rénovation et les conflits avec le voisinage ont freiné ce projet de la rue des artistes.
Auriez-vous acheté un immeuble sans en visiter tout l’intérieur ? Juliette Heckmann et son mari, oui. « Ici, à Paris, c’est un peu marche ou crève. T’en veux ? Eh bien tu acceptes, sans négocier », dénonce-t-elle. En 2012, après quatre ans de recherches, le couple acquiert un bâtiment daté de 1880, d’une surface de 200 m2 sur trois étages, dans le XIVe arrondissement. Le rez-de-chaussée était « le bar du coin ». Le reste, des appartements.
Sans surprise, de lourdes rénovations sont à prévoir. « Il y avait un dégât des eaux au rez-de-chaussée, des remontées capillaires, la cave était noire de moisissures et les appartements, étouffants. Un couple vivait avec un enfant dans 20 m2 sans jamais ouvrir les fenêtres, ni même les volets, décrit Juliette, sidérée. Vous voyez la butte végétalisée au bout de la rue ? C’est un des réservoirs d’eau de Paris. Il génère beaucoup d’humidité en sous-sol. » De quoi imbiber les murs anciens, en briques de terre cuite. Phénomène aggravé par une mauvaise rénovation des précédents propriétaires. « Ils avaient mis un enduit ” plastique ” étanche en extérieur et une isolation intérieure en polystyrène. Ça emprisonnait l’humidité dans les murs. » La cave était en outre mal ventilée. Le bâtiment, un gouffre énergétique. Consommation annuelle avant travaux : 586 kWhep/m2shon.an (chauffage, eau chaude sanitaire, refroidissement, éclairage, auxiliaires).
Mais Juliette est dynamique et déborde d’idées. Architecte d’intérieur de profession, elle se lance, confiante, dans un projet de rénovation « globale », qui concerne l’isolation, les menuiseries, la ventilation, le chauffage, comme défini par le bureau d’études Pouget Consultants. Le début de longues réflexions, tant sur le plan financier que philosophique…
Deux ans de dossier, zéro financement
Décidée à utiliser du biosourcé, Juliette se rapproche de l’architecte Vanessa Grob, dont l’ancienne agence, Atelier-D, est à l’origine du premier immeuble de logements sociaux isolé en chaux chanvre à Paris. Ensemble, elles travaillent deux axes : l’amélioration énergétique du bâti et une surélévation. « Le gain de m2 me permettrait d’amortir les coûts de la rénovation », espère alors la propriétaire. Mais quand elle commence à monter son dossier de travaux auprès de l’Agence parisienne du climat (APC), association créée par la Ville pour accompagner les rénovations, plusieurs réfections sont remises en question. À cause de leur coût, notamment. « Tout ce que je voulais entreprendre se comptait par tranche de 100 000 € ! » […]