Rénover : Une rénovation au sommet

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Jordan et Lola ont autorénové leur petit chalet en Haute-Savoie, dans le respect de la tradition montagnarde, de ses savoir-faire et ses ressources. Un travail parachevé par des finitions exigeantes prouvant que la frugalité a du style.

Sillonnant la route jusqu’au sommet du Grand Bornand, station de ski en Haute-Savoie, Jordan et sa compagne Lola scrutent par la fenêtre de leur voiture les constructions en cours dans la vallée. Toutes sont en béton, bientôt parées de bois et de pierres pour leur conférer l’esthétique d’un chalet. Tous deux déplorent la fermeture de dizaines de scieries locales ces dernières années, la perte de savoir-faire ancestraux dans la construction, l’altération de la vie locale par le tourisme… Autant de raisons qui ont poussé ce maître d’œuvre et thermicien et cette architecte à autorénover un mazot (nom savoyard pour un petit chalet) à contre-courant. Objectif : répondre aux exigences thermiques modernes en s’inspirant de techniques traditionnelles, couplées à des matériaux locaux et biosourcés. Un chantier expérimental, car « beaucoup de techniques que l’on a utilisées ne sont pas réglementées(1). La rénovation offre la chance d’être au plus proche de nos exigences écologiques », admet Lola.

Nous voilà garés, dans ce hameau d’alpage du XVIIIe siècle où seuls deux chalets sont habités à l’année. « C’était le mazot de mon grand-père qui l’avait lui-même hérité de son père. Il y venait l’été et y stockait les récoltes du potager », introduit Jordan, soulignant un lien affectif avec ce lieu culminant à 1 400 m d’altitude, là où la déneigeuse ne passe même pas l’hiver.

Un bâtiment comme avant

Bien qu’il semble d’origine, avec son soubassement en pierre, ses façades en madriers piqués par le temps et son large toit couvert de tuiles de bois grisées appelées des ancelles, « on a tout déposé et reconstruit », annonce Lola. Le hameau étant classé au patrimoine des Bâtiments de France, impossible de toucher à l’aspect extérieur, au grand dam du couple. « On n’a pu agrandir que le soubassement, dont une partie est enterrée, ce qui impliquait de repartir des fondations », poursuit-elle.

Mais pour ces jeunes attentifs à leur empreinte carbone, couler du béton, « c’est la dernière option ! ». Jordan décide de conserver des fondations et un soubassement en pierres porteuses. En 2019, après que la grue a levé d’un seul bloc le chalet en madrier comme le chapeau d’un champignon, il dépose, avec l’aide d’un maçon inspiré, chaque pierre du soubassement pour les remonter une par une avec un mortier de chaux. Un travail colossal de deux mois. Cette partie semi-enterrée de la maison est portée à 70 m2 et comporte désormais salon, chambre, salle de bains, toilettes, cave et atelier. « Puis, on a repris le chalet et on l’a remis à sa place », explique Jordan.


Écoconstruire : Une maison aux matériaux locaux et réutilisables

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Julien Lefrancq et Véronique Huart ont construit une maison en choisissant un maximum de matériaux peu ou pas transformés, compostables ou réutilisables, et non producteurs de déchets.

Julien et Véronique vivent en Belgique, près de Jurbise, à environ 80 km de Roubaix (59). Convaincu par la construction en paille, Julien a créé une coopérative qui la rend plus accessible grâce à la préfabrication. Et s’est logiquement tourné vers les matériaux naturels pour bâtir sa propre maison. Avec sa femme, ils y ont ajouté une exigence de proximité pour le choix des matériaux.

Pour limiter les déchets et manipulations sur le chantier, les murs préfabriqués avec de la paille locale (60 km) ont été préenduits de terre. « Pendant quatre semaines, on a travaillé en atelier avec trois ouvriers sur les caissons à l’horizontale. On a d’abord fortement comprimé les bottes de paille de 46 cm (120 kg/m3) avec des machines que nous avons développées pour pouvoir enduire à plat avec de grosses épaisseurs de terre (minimum 4 cm). On a réalisé les saignées pour passer les câbles de l’électricité en atelier, ainsi que la pose des tubes pour le chauffage », détaille Julien.

Murs paille-terre chauffants préfabriqués

Si les tubes du mur chauffant ont été mis directement sur la paille nue, les saignées pour les câbles électriques ont quant à elles été réalisées entre la première et la deuxième couches d’enduit. « On a appliqué de la barbotine comme couche d’accroche (terre argileuse mélangée à de l’eau). Puis, l’enduit de corps a été posé en deux couches avec cette même terre, du sable, de la fibre (paille hachée) et de l’eau. La première couche d’enduit a permis d’obtenir une surface plane et d’éviter les trous et bosses de la paille. Des rainures ont alors été ménagées à la disqueuse pour intégrer les saignées et boîtiers électriques, scellés avec du plâtre à prise rapide pour que ça reste bien en place. Ensuite, la deuxième couche est venue noyer l’ensemble des réseaux techniques. » Au total, 16 modules muraux (2,67 m de haut, 1,70 à 4,30 m de large, 220 kg/m2) et 12 caissons de toiture non enduits (100 kg/m2) ont été confectionnés.

Malgré la proximité entre l’atelier et le chantier (70 km), les conditions de transport ont été optimisées. Les éléments de mur ont été couverts d’un film (Visqueen) pour protéger les enduits(1), chargés sur un semi-remorque, puis vissés ensemble et sanglés.


Vidéo : une rénovation avec 80% de matériaux de réemploi

rénovation réemploi

Chez Raphaël et Julie, le réemploi est roi. Pour transformer cet ancien restaurant du centre-ville de Pau en une habitation bioclimatique, ils ont réutilisé ou détourné les matériaux et équipements de l’ancien bâti ou d’autres récupérés ailleurs.

 

Reportage complet paru dans notre magazine n°133 (février-mars 2023) et vidéo ci-dessous offerte avec grand plaisir aux internautes curieux arrivés jusqu’ici. Lire la suite

Rénover : Un chantier 80 % recyclé

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Chez Raphaël et Julie, le réemploi est roi. Pour transformer cet ancien restaurant du centre-ville de Pau en une habitation bioclimatique, ils ont réutilisé ou détourné les matériaux et équipements de l’ancien bâti ou d’ailleurs.

Raphaël Fourquemin vient d’une famille « d’origine paysanne très modeste. On ne jetait rien, car tout peut toujours être utile. Pour financer mes études d’architecture à Paris, j’ai travaillé dans des agences qui faisaient à chaque fois tabula rasa de l’existant, on mettait tout à la déchetterie, même ce qui était en très bon état, et on reconstruisait à neuf ». Naît alors l’idée de tester la déconstruction, puis le réemploi des matériaux ainsi récupérés. Il déniche un ancien restaurant brésilien du centre-ville de Pau (64) pour en faire sa maison et « vérifier si mon idéal était farfelu ». Depuis sept ans, il habite en famille cette maison « rénovée à 80 % en réemploi », dont trois quarts de cette seconde main sont issus du site lui-même.

Localement et à moitié prix, c’est pas mal !

« Avec les problèmes d’approvisionnement et l’explosion du prix des matériaux, on prend conscience que si on peut les avoir localement et à moitié prix, c’est pas mal ! Mais il reste beaucoup de freins, notre société est très contrainte par des normes, des assurances, etc., grince Raphaël, qui a consacré aux travaux deux ans à plein temps, puis jonglé avec son activité d’architecte urbaniste et la création de l’association Idre (Interprofessionnelle de la déconstruction et du réemploi)(1). Il a fallu six mois rien que pour le démontage du bâtiment d’origine. » ;Pour ne rien faciliter, « un chantier, c’est fatiguant, physique, mais le soir on a le plaisir de regarder le travail qui a été fait. Quand tu déconstruis, plus tu avances, moins ton bâtiment ressemble à quelque chose. Après six mois à bosser comme un taré, je me suis retrouvé épuisé avec juste un gros tas de bazar ». La remise en œuvre de matériaux de réemploi est aussi « globalement plus longue, il faut retailler des pièces de bois tordues, etc. D’autant plus que j’ai voulu faire pas mal d’expérimentations ».


Ils ont conjugué le passé au présent



En rénovant cette vieille maisonnette en pierre, Alice et Matthieu ont métamorphosé ce logis vétuste de Loire-Atlantique en cocon très performant et économe, tout en préservant les traces de ses vies antérieures.

Reportage paru dans notre hors-série n°16 La Rénovation performante et écologique et offert avec grand plaisir aux internautes d’un jour ou de toujours visiteurs curieux de notre site Internet. Lire la suite


Rénover : Sur les parpaings, la paille

RENOVER PAILLE

Quand la moisissure est apparue dans leur maison tout juste acquise, les Ehrlich n’ont pas perdu de temps pour la rénover et l’assainir avec des matériaux simples et naturels.

Et beaucoup de réemploi.

Au sol, une ligne d’émaux, type Briare, longe les murs. Ces petits carrés de mosaïque sont bleus ou beiges selon les pièces. Ils comblent le vide laissé dans le carrelage par l’ancien isolant, un complexe de plaque de plâtre et de polystyrène, que la famille Ehrlich a ôté pendant la rénovation de sa maison. Une rénovation qui s’est imposée quand, dès le premier hiver de leur installation, de la moisissure est apparue sur les murs des chambres d’Emélie et Marlène, les filles de Volker et Ria. « Il était hors de question que l’on fasse vivre nos enfants dans un milieu malsain », lance Volker en bon père et architecte de métier. Bien qu’il aurait « préféré simplement poser [ses] valises », souffle-t-il, en se balançant sur sa chaise de jardin.

En 2018, quand ils emménagent dans ce quartier pavillonnaire de Poissy, dans les Yvelines (78), « la maison paraissait belle et propre », fait-il savoir d’un sourire narquois. À l’image de toutes ses voisines des années 1960, elle était plutôt cubique, disposée au milieu de 400 m2 de terrain. Sa façade crépie de ciment, son toit à quatre pans, une allée cimentée descendant au garage et un petit escalier en béton menant au palier. À l’intérieur, des murs lisses, blancs, lessivables, du carrelage, des fenêtres en PVC. « L’ancien propriétaire, un maçon, avait dépensé beaucoup d’énergie à la rénover lui-même… », assure Volker. Mais ces matériaux trop étanches ont empêché les murs de laisser s’échapper la vapeur d’eau et fait condenser l’humidité au niveau des ponts thermiques : les angles des murs orientés nord, autour des fenêtres et au niveau des rejingots (partie supérieure des appuis de fenêtre). La famille n’a d’autre choix que purger la structure, puis l’isoler à nouveau.

Faire respirer de nouveau

En ôtant le complexe BA13/polystyrène sur les deux niveaux de la maison, sous-sol et rez-de-chaussée, ils découvrent les murs de parpaings enduits de 3 ou 4 cm de plâtre et recouverts par autant de couches de tapisserie que la maison a accueilli de vies. Par chance, « la moisissure était principalement sur l’isolant, précise Volker. On a remis les murs à nu et on les a abrasés avec du papier à poncer jusqu’à redonner au plâtre sa blancheur ». Seules les pièces humides – cuisine et salles de bains de l’étage et du sous-sol – conservent le complexe isolant, revêtu de carrelage (d’origine pour l’étage) qui crée une paroi étanche, « pour des économies de travail ». Et de matière.

Le but étant de faire « respirer » de nouveau la maison, place aux matériaux hygroscopiques en intérieur. Grâce à leurs petits pores, ils ont la capacité de fixer une partie de l’humidité de l’air environnant, puis ensuite de l’évacuer. Pour les murs des chambres et du salon, la famille choisit des enduits prêts à l’emploi en argile, sable et paille de lin (marque DeWulf). Ils s’appliquent en deux passes, directement sur le plâtre. Pour que ce dernier n’absorbe pas l’humidité nécessaire à la prise de l’enduit posé ensuite (ép. 7 mm) tout en favorisant son adhérence, une sous-couche est d’abord appliquée au pinceau. La terre est choisie plus ou moins brune selon les pièces. Aujourd’hui, la lumière l’anime de reflets dorés et d’ondulations laissées par les coups de taloche.


Alternatives : Des économies d’énergie sans travaux



Face à la crise énergétique et la flambée des coûts des matériaux, la contrainte économique pèse sur les projets de rénovation.

Et si des économies étaient à portée de main
sans dépenser davantage ? Pascal Lenormand, designer énergétique, livre son expertise.

Jamais, depuis les années 1970, on a autant entendu parler d’économies d’énergie que ces derniers mois. L’hiver approchant, nous sommes envahis de messages incitant à la sobriété énergétique. Un problème se pose : voilà des années que les discours officiels font rimer, avec une efficacité relative, « performance énergétique » et « travaux de rénovation ». Or, des travaux ne se programment pas dans l’urgence. Reste donc la « sobriété ». Le chiffre de « 7 % d’économie » pour « 1°C en moins » circule depuis des années, via l’Ademe, mais sans explication et, plus ennuyeux, sans mode d’emploi. Le sujet est pourtant vaste. Trois axes de réduction des besoins de chauffage sans aucun travaux méritent d’être particulièrement approfondis.

Nous l’avons fait en utilisant la simulation thermique dynamique sur un modèle standard de pavillon « parpaing-laine de verre » des années 1990. Notre scénario de base est celui qu’on rencontre encore beaucoup : 20°C en permanence dans l’ensemble de la maison. Nous avons alors cherché les gains accessibles sans travaux. Bonne nouvelle : les résultats vont bien au-delà du modeste 7 % pour 1°C !

Trois curseurs à activer

La recherche de gains se fait selon trois axes majeurs. Primo, le niveau de consigne. Comme le disent les autorités, nous pouvons baisser les niveaux de température. Sur notre modèle numérique standard, 2°C de moins, c’est 25 % de réduction des besoins de chaleur, donc des consommations. La grande question est surtout : comment diable baisser les consignes sans avoir froid ? La réponse est évidente : en augmentant légèrement l’isolation moyenne du corps, en particulier celle des jambes. L’hiver 2022 sera celui du caleçon long !


Rénover : Appartement autorénové au cœur de Marseille



Il y a trois ans, Lola et Morgan ont entrepris la rénovation d’un appartement à Marseille. Un voyage porté par la sobriété, semé d’embûches mais aussi d’apprentissages.

C’est derrière l’imposante façade d’un bâtiment des années 1930, dans le cœur de Marseille, que se sont déroulés les travaux à partir de mars 2019. Un chantier de 14 mois, en autorénovation et chantiers participatifs, auxquels il faut ajouter cinq semaines d’intervention de professionnels. Avec ses 200 m2 de jardin et une partie de ses sols en tomette, l’appartement avait de quoi séduire. Au moment de l’achat, sa conception en brique et pierre et son emplacement au cœur de la ville correspondent à merveille au mode de vie de Lola et Morgan. « Nous n’avions pas de voiture et nous étions heureux au quotidien comme cela. Pouvoir se déplacer facilement et avoir accès à tous les services reste un avantage non négligeable en ville, d’autant que nous sommes juste à côté de la gare Marseille-Blancarde, donc c’est très bien situé », précise Lola Pouchin, 30 ans. 

Autre motivation : mettre en pratique leurs apprentissages et valeurs. Pour le couple, tous deux architectes de formation, la dimension écologique de la rénovation, plus vertueuse que la construction car moins consommatrice de ressources, a été abordée en théorie dans leurs cursus respectifs. « Nous nous sommes dit que si nous ne le faisions pas chez nous, nous n’aurions pas la crédibilité pour le faire chez les autres », relate Lola. De fait, le couple privilégie les matériaux biosourcés, naturels ainsi que l’existant si cela a du sens. Respectueux de l’environnement, ils les jugent aussi inoffensifs pour leur santé, surtout celle de leur bébé Corto, né pendant les travaux. Un « tsunami » heureux qui a confirmé certains choix, comme celui d’utiliser des câbles électriques blindés dans les deux chambres pour se prémunir des champs électromagnétiques durant la nuit (lire p. 29).

Pour cet appartement de 73 m2, le couple se donne plusieurs objectifs. Entre les bruits de la rue, le système de chauffage électrique à changer et l’emplacement du logement en rez-de chaussée, il décide de combiner des matériaux qui leur assurent une bonne isolation thermique et phonique, mais aussi de tenter de réaliser un maximum de travaux par eux-mêmes et en chantiers participatifs. « D’entrée, nous avions une contrainte financière. Pour cette rénovation, nous avions un budget disponible de 40 000 € », se souvient Lola.


Habitat groupé : Rénover en famille un habitat participatif



Le Penjat, habitat participatif bienveillant.

« Durant un an et demi de travaux, on n’avait pas beaucoup de sujets de conversation hormis la couleur des poignées et la date du prochain chantier ! Après avoir emménagé, on a fait appel à une intervenante pour vivre autre chose que le projet immobilier », retrace Delphine, l’une des 17 occupants du Penjat, une ferme de 1820 réhabilitée en habitat groupé à côté d’Auch (32). Si la taille du groupe (sept foyers) et les valeurs communes n’ont pas fait naître de tensions particulières, cet atelier « a remis l’humain au centre de nos réflexions. On passait du temps ensemble pour soulever des sacs de sable ou savoir combien il manquait d’argent à tel endroit ; on n’était pas dans la recherche du vivre-ensemble. Ce n’est pas qu’il n’existait pas, mais on avait besoin d’en prendre soin ».

Sa voisine Fabienne acquiesce : « On peut se projeter dans l’habitat partagé pour plein de raisons, écologiques, humaines… Mais, confrontés à ce que nous sommes, dans toutes nos différences, on doit faire preuve d’un certain lâcher-prise. On fait des trucs qu’on n’aurait pas pensé faire ; on apprend et ça fait grandir notre humanité. On s’ouvre aux autres et on fait tous le pas nécessaire pour que le projet fonctionne. Si quelque chose m’ennuie, il faut savoir en parler et ce stage nous a montré comment le faire tout en prenant soin du collectif. »

Stratégie de la porte ouverte

Le plus gros changement constaté par les « Penjatiens » par rapport à leurs précédents lieux de vie découle peut-être de l’histoire du chantier. Lorsqu’ils emménagent, les portes des logements ne sont pas installées. Bien qu’elles le soient désormais, « on vit les portes ouvertes. On se croise, on discute… Ou on ne discute pas ! », sourit Delphine. Une façon de provoquer la rencontre, comme avec la salle commune qui a mis du temps à jouer son rôle. « On y allait peu. Le jour où un canapé y a fait son apparition, on a compris qu’on pouvait y être vraiment bien ensemble. Et encore plus quand une cuisine y a été installée. »

À l’occasion de son premier Noël, en 2021, le Penjat s’est offert un vidéoprojecteur pour la salle commune. « C’est important d’avoir des temps ensemble qui ne soient pas programmés périodiquement et qui deviendraient une obligation. J’informe les autres que je fais une soirée cinéma gourmand, Untel me demande de quoi j’ai besoin et ce petit moment se partage à l’improviste, tout en laissant la possibilité à chacun de dire qu’il est fatigué à cause du boulot ou qu’il n’a pas envie ce soir. »

Pour fluidifier les relations et la gestion des lieux, l’application numérique Signal décline divers fils de discussion pour la culture du potager entre ceux qui souhaitent y participer, de même pour le poulailler dont les œufs sont à disposition dans le couloir d’entrée, pour gérer les imprévus de la vie quotidienne, les réservations de la chambre d’amis commune, les possibilités de covoiturer pour les courses ou une séance de cinéma, pour se féliciter quand quelque chose fonctionne ou alerter dans le cas inverse… « Une fois, on mettait un miroir dans la salle de bains, hop un petit Signal : quand ça passe à travers le mur, je fais quoi ? L’un a répondu sur la messagerie, un autre est venu sur place et c’était réglé », raconte Anne-Marie, l’une des quatre instigateurs du projet.


Alternatives : Vie de château pour biosourcés locaux



Dans le pays d’Auge, en Normandie, les architectes d’Anatomies d’architecture ont réuni une trentaine de professionnels pour éprouver, lors d’un chantier grandeur nature, diverses techniques de construction et de rénovation à base de matériaux biosourcés les plus locaux possible.

L’inauguration a eu lieu début juillet, clôturant la rénovation de la première partie du vaste chantier, dans les couloirs du château du Costil, à Sap-en-Auge (61). Une grande demeure de 550 m2 logée à flanc de mont et surplombant une petite vallée normande où coule un ru. La journée a notamment été consacrée à présenter une exposition tirée des deux années de travaux qui ont amené professionnels et bénévoles en chantier-école à se rencontrer sur le site. Terre, paille, chanvre, liège, pierre sèche, bois ; de nombreuses techniques ont ici été testées pour rénover, non pas le château, mais une dépendance située à quelques dizaines de mètres en surplomb.

Réduire la surface habitable

« Le maître d’œuvre est venu nous chercher pour entreprendre la rénovation de ce domaine dans lequel il projette notamment de développer une activité alimentaire permacole en maraîchage, de l’agroforesterie et un jardin de simples [petites plantes aromatiques et médicinales, ndlr] dans la cour du château », explique Mathis Rager, associé d’Anatomies d’architecture. Cette coopérative spécialisée dans l’écohabitat et qui promeut notamment une architecture bioclimatique, réversible, locale et naturelle réunit également les auteurs de l’ouvrage Le Tour de France des maisons écologiques, qui recense 18 projets remarquables et de nombreuses techniques et matériaux déjà utilisés dans des constructions à la fois sobres et performantes (lire La Maison écologique n°108 et 117).

« La première étape a été de faire comprendre au propriétaire que si l’on partait sur un projet écologique, la rénovation du château devait être interrogée. Elle n’est pas infaisable, mais ce dernier ne peut pas constituer un habitat pour une famille de trois personnes. Il est impossible à chauffer en hiver, à moins de se restreindre à ne vivre que dans deux pièces du rez-de-chaussée », résume Mathis. Une option qu’avait retenue la dernière famille qui y vivait les quatre années précédentes. L’alternative s’est révélée facile. En visitant les lieux, les architectes découvrent, cachée sous divers arbres et ronces, une petite dépendance composée de deux parties, toutes deux en brique rouge cuite typique du pays d’Auge. La végétation a totalement envahi les lieux. « Nous avons proposé de rénover cette maison en y ajoutant une extension, pour atteindre 83 m2 au total. Quand le propriétaire a accepté, nous avons pu nous lancer véritablement dans le projet. Nous avions carte blanche sur les matériaux tant que nous restions dans le bas carbone », poursuit l’architecte.