Près de Grenoble, la plateforme de réemploi Éco’Mat38, portée par l’association Aplomb, donne une nouvelle vie aux déchets de déconstruction.
Derrière l’église du village de Saint-Appolinard, des matériaux s’amoncellent : tuiles, pierres, pièces de charpente massives, sanitaires, rails de cloisons… Ils sont les trésors collectés par la plateforme de réemploi Éco’Mat38, en cours d’emménagement dans ses nouveaux locaux.
Créée en 2015, la plateforme est issue de l’association Aplomb qui forme des professionnels en écoconstruction et en rénovation de patrimoine. « Nous travaillons dans le bâti ancien, notre capacité à réutiliser in situ des matériaux est connue. Par exemple, transformer d’anciennes poutres en linteaux. On a voulu étendre ce principe pour réutiliser plus largement », justifie Bruno Jalabert, codirecteur. L’idée d’Éco’Mat38 : collecter des déchets de déconstruction pour les revendre à des professionnels ou particuliers.
L’activité qui a démarré modestement est aujourd’hui considérable. En 2023, les nouveaux locaux de Saint-Appolinard devraient compter « 4 000 m2 d’espaces de stockage dont un magasin », se délecte-t-il. Rien qu’en 2021, Éco’Mat38 a sauvé environ 850 t de matériaux de la benne et en a vendu 506 t, principalement pour du gros œuvre (charpente et tuiles). Avec 400 000 € réalisés, cette activité représente presque la moitié du chiffre d’affaires d’Aplomb.
Seule et sur tous les fronts
Les raisons du succès ? Elles sont doubles. D’abord, Éco’Mat38 a investi le marché du réemploi jusque-là vacant au niveau local. Ensuite, le contexte politique cherche dans l’économie circulaire une rédemption à la production massive de déchets(1). La plateforme est devenue un partenaire clé de certains maîtres d’ouvrage engagés dans cette réduction. Comme l’Établissement public foncier local (EPFL) du Dauphiné qui accompagne des collectivités dans la gestion de gros aménagements et démolition sur des terrains bâtis. Souhaitant y inscrire le réemploi, il sollicite grandement Éco’Mat38. « On n’a pas vraiment besoin de faire de prospection de chantier, concède Bruno Jalabert. En ce moment, on en gère déjà trois en même temps. »
Comme la collecte de matériaux n’est pas obligatoire et reste un effort parfois jugé trop coûteux, Éco’Mat38 a trouvé une parade : la déconstruction, ou « curage ». Une étape obligatoire avant la démolition, qui consiste à déposer les éléments de second œuvre afin qu’il ne reste que l’enveloppe à débâtir. En étant à la fois « déconstructeur » et « collecteur » sur un chantier « on garde la main sur les matériaux que l’on souhaite récupérer et on préserve leur intégrité », justifie Bruno Jalabert. Plus en amont, Éco’Mat38 propose un « diagnostic ressources »(2), qui identifie les éléments à déconstruire ainsi que leur filière de tri.
Valoriser et vendre les déchets de déconstruction
Les chantiers pour Éco’Mat38 se multipliant, les matériaux s’accumulent. Et leurs débouchés sont parfois incertains. Car les professionnels de la construction, qui comptent pour 20 % de la clientèle mais 80 % du chiffre d’affaires, ont besoin de diagnostic sur la viabilité des matériaux de réemploi afin d’assurer leur garantie décennale. Si l’état des matériaux bruts (verre, bois, tuiles, briques…) se juge visuellement, « beaucoup d’équipements comme les luminaires, les câbles ou gaines d’électricité, les vitrages, l’isolation, etc. sont soumis à réglementation. Or, ce qu’on enlève n’est souvent plus adapté aux normes. Il faut qu’on puisse les diagnostiquer en finançant de la recherche ou leur trouver d’autres usages, parce qu’on ne jettera rien ! », alerte le codirecteur. Éco’Mat38 valorise déjà quelques produits en fabriquant du bardage en bois brûlé, du gabio