Habitat groupé : Ensemble et… chacun chez soi !

HABITAT GROUPE ENSEMBLE CHACUN CHEZ SOI

Après avoir entendu d’un projet d’habitat écologique groupé, cinq amis ont participé à la construction de leur maison… individuelle mais groupée !
Dans les rues nouvelles de l’écoquartier encore en cours de construction à l’entrée de Guérande (44), les immeubles s’habillent tantôt de terre, tantôt de bois. Dans l’une de ses ruelles, quatre maisons bardées de bois s’alignent. Accolées, elles sont certes individuelles mais pas tout à fait indépendantes les unes des autres. Dans les trois premières habitent une joyeuse bande d’amis qui a choisi de vivre ensemble tout en ayant chacun son chez-soi. Sofiane et Guillaume, Yann, Jean-Baptiste et Margaux.
Mercredi matin. Avant de partir à un rendez-vous, Jean-Baptiste passe rendre visite à ses voisins. Au programme, la préparation d’une fête d’anniversaire pour le week-end suivant. Attablé le temps d’un café, il se rappelle volontiers avec Sofiane et Yann le déroulé de leur aventure commune. « Nous sommes de vieux amis depuis au moins dix ans. J’ai été la voisine de Jean-Baptiste à Nantes et Guillaume est un copain de lycée de Yann. Pendant le second confinement de novembre 2020, nous nous retrouvions tous les cinq en visio pour des apéros. Margaux nous a parlé de ce projet de maisons groupées à Guérande. Elle avait vu une annonce passer via le réseau de chantiers participatifs Twiza auquel elle est abonnée. Vivre en lotissement n’était au programme de personne à l’époque », raconte Sofiane, 34 ans, professeure des écoles.
En effet, avec son compagnon, Sofiane a déjà commencé à dessiner les plans d’une maison en ossature bois et isolation paille. Ils sont même en contact avec Echopaille, une entreprise d’écoconstruction à qui ils souhaitent confier la mise hors d’eau et hors d’air. De son côté, Yann est convaincu que l’habitat collectif est la meilleure manière d’habiter. « Être confinés nous a permis de prendre le temps de réfléchir à ce qui était au départ proposé sur le ton de la blague. Le projet était écologique avec une construction en bois, isolation paille et cloisons en terre. Il était relativement ficelé. Être voisins est finalement apparu comme un bon compromis entre la colocation et l’envie d’être ensemble », poursuit Jean-Baptiste. Le club des cinq se lance alors dans l’aventure commune, qui comporte une partie d’autoconstruction.
Au final, chaque logement dispose de 95 m2. Les emménagements respectifs se sont étalés de mai à la fin de l’été 2022. Si tous ont une belle pièce de vie et la cuisine au rez-de chaussée, certains ont choisi de créer deux chambres à l’étage quand Yann en a réalisé trois. « Même si je me suis engagé dans cet achat individuel, je n’ai pas renoncé à l’habitat collectif. J’ai lancé des annonces pour créer une colocation grâce à ces deux chambres supplémentaires », précise ce chef de projet dans l’éolien en mer de 33 ans.


Habitat groupé : Faire coopérative pour vivre ensemble

46 HABITAT GROUPE COOPERATIVE

Ils voulaient des maisons en terre-paille. Que nenni ! Ce sera un château. À l’Isle-Jourdain, commune de 9 000 âmes dans le Gers, 13 foyers expérimentent la coopérative d’habitants tout en rénovant le patrimoine.

« C’est ça qu’il nous faudrait ! », plaisantait il y a un peu plus d’une décade une poignée de rêveurs en regardant le Château de Panat, situé à L’Isle-Jourdain (32). Réuni en 2011 autour d’un projet d’habitat partagé, le collectif Alter Habitat Lislois ne pouvait s’imaginer que la boutade se concrétiserait huit ans plus tard. Entreprendre la rénovation de ce château au style hétéroclite du XIXe siècle était en effet à mille lieues du projet initial : autoconstruire 20 maisons en terre-paille sur un terrain proposé par la mairie. Mais en 2018, las des tergiversations de l’aménageur du terrain, le groupe a cherché à rebondir.

« Nous avions travaillé notre philosophie, le statut juridique, fait des chantiers participatifs. Nous étions un groupe, mais sans rien au bout », se souvient Armelle, membre historique du collectif. Aussi, à peine apprennent-ils que l’édifice est en vente que la décision est prise. « L’envie de vivre ensemble était plus importante que le projet immobilier. Finalement, ça nous paraissait plus cohérent de rénover plutôt que construire et, surtout, qu’un bâtiment utilisé occasionnellement par une ou deux personnes en héberge désormais une trentaine », confie Lucile, autre habitante des lieux.

De la vie de chantier à la vie de château

Donjon, gargouilles, tourelles, créneaux, toits en zinc, le château de Panat est une petite folie de brique foraine conçue dans un très curieux style troubadour où s’entremêlent les genres architecturaux des siècles passés. Peu habité depuis la Première Guerre mondiale, le château servait de résidence secondaire. Son rez-de-chaussée a même abrité une entreprise de betteraves dans les années 1960. De ses multiples vies, restait un bâtiment de 1 500 m² dont seule une partie était habitable.

Pour atteindre l’équilibre budgétaire, il fallait créer 14 logements de 33 à 120 m2 adaptés aux souhaits de tous les futurs habitants. « La répartition des logements était relativement facile. Nous avions un nombre de pièces à attribuer sans avoir besoin de toucher aux murs de 50 cm ni aux fenêtres. Il fallait aussi laisser les réseaux d’eau au même endroit pour ne pas trop alourdir la facture de la rénovation, ce qui laissait peu de possibilités », décrit Alain. En raison des contraintes, chacun a réduit ses prétentions de surface en tablant sur la mutualisation des espaces : les grandes pièces remarquables comme la bibliothèque et la salle à manger ont été conservées telles quelles pour servir de parties communes. S’y ajoutent deux chambres d’amis, un jardin d’hiver, une grande cuisine commune, une chaufferie, un grenier.


Habitat groupé : Une ferme, quatre familles et un lieu de travail



Niché dans le Beaujolais Vert, le Suchel accueille un corps de ferme de 600 m2 sur 27 ha de terrain. Deux familles en ont inauguré la rénovation et résident déjà sur place.

Deux nouveaux logements seront achevés d’ici la fin de l’année. Sur fond de recherche d’autonomie, les associés ont opté pour des mises en œuvre de matériaux biosourcés, accessible à des chantiers participatifs. 

Alexandre et Julie, en couple avec deux enfants, ont eu l’audace de se lancer avec des amis dans la rénovation d’une ferme de manière écologique et d’y investir un projet de maraîchage. « On a acheté la ferme le 1er janvier 2014 à la Safer [Société d’aménagement foncier et d’établissement rural, ndlr]. C’était un projet entre Alexandre et ses copains qui ont pensé “ce sera l’écovillage parfait”. Cinq d’entre eux se sont lancés dans l’aventure, tous originaires de Lyon et seulement deux voulaient y habiter », détaille Julie. Huit ans plus tard, subsiste une SCI, montée pour répondre à l’ampleur financière du projet et favoriser l’engagement des parties prenantes sur cette route vers davantage d’autonomie. Pour remplacer les trois autres personnes qui ont comme prévu quitté le projet d’habitat, Julie et Alexandre ont cherché à intégrer de nouvelles familles, en lançant un appel à candidature dans leur réseau. Ils reçoivent plus d’une demande par jour. Une nouvelle famille emménage à l’été 2021 et deux autres se lancent dans la poursuite de la rénovation.

Valeurs similaires pour projet commun

Écologue, épicière, éducateur spécialisé… La moitié des habitants et futurs habitants sont en reconversion professionnelle pour investir l’autre partie du projet : l’activité agricole de maraîchage. Une façon d’habiter mélangeant vie privée, collectif et travail. « Manon, Guillaume et Agnès se reconvertissent dans l’agriculture maraîchère et Adélie prépare un brevet professionnel responsable d’entreprise agricole (BPREA) pour cultiver des plantes aromatiques et médicinales », détaille Julie. De quoi constituer une fine équipe qui prendra soin des terres environnantes. 

Côté habitat, la formation aussi est de mise. N’ayant presque aucune connaissance en construction, les habitants se sont formés quotidiennement. « À l’achat de la ferme, la partie à habiter était insalubre. Il n’y avait aucune isolation », se souvient Julie. Aujourd’hui, phytoépuration en autoconstruction, isolation des toits en paille, enduits, chaux, piquetage, chaudière bois-bûche sont des termes que les habitants utilisent tous les jours. Deux logements sont déjà rénovés et habités. Deux autres (50 et 110 m2) sont en cours, ainsi que les parties communes, comme une future salle de jeux pour les enfants, un espace de co-working et une cuisine collective (120 m2). Entre l’achat et les rénovations, le budget atteint 750 000 €.


Habitat groupé : Rénover en famille un habitat participatif



Le Penjat, habitat participatif bienveillant.

« Durant un an et demi de travaux, on n’avait pas beaucoup de sujets de conversation hormis la couleur des poignées et la date du prochain chantier ! Après avoir emménagé, on a fait appel à une intervenante pour vivre autre chose que le projet immobilier », retrace Delphine, l’une des 17 occupants du Penjat, une ferme de 1820 réhabilitée en habitat groupé à côté d’Auch (32). Si la taille du groupe (sept foyers) et les valeurs communes n’ont pas fait naître de tensions particulières, cet atelier « a remis l’humain au centre de nos réflexions. On passait du temps ensemble pour soulever des sacs de sable ou savoir combien il manquait d’argent à tel endroit ; on n’était pas dans la recherche du vivre-ensemble. Ce n’est pas qu’il n’existait pas, mais on avait besoin d’en prendre soin ».

Sa voisine Fabienne acquiesce : « On peut se projeter dans l’habitat partagé pour plein de raisons, écologiques, humaines… Mais, confrontés à ce que nous sommes, dans toutes nos différences, on doit faire preuve d’un certain lâcher-prise. On fait des trucs qu’on n’aurait pas pensé faire ; on apprend et ça fait grandir notre humanité. On s’ouvre aux autres et on fait tous le pas nécessaire pour que le projet fonctionne. Si quelque chose m’ennuie, il faut savoir en parler et ce stage nous a montré comment le faire tout en prenant soin du collectif. »

Stratégie de la porte ouverte

Le plus gros changement constaté par les « Penjatiens » par rapport à leurs précédents lieux de vie découle peut-être de l’histoire du chantier. Lorsqu’ils emménagent, les portes des logements ne sont pas installées. Bien qu’elles le soient désormais, « on vit les portes ouvertes. On se croise, on discute… Ou on ne discute pas ! », sourit Delphine. Une façon de provoquer la rencontre, comme avec la salle commune qui a mis du temps à jouer son rôle. « On y allait peu. Le jour où un canapé y a fait son apparition, on a compris qu’on pouvait y être vraiment bien ensemble. Et encore plus quand une cuisine y a été installée. »

À l’occasion de son premier Noël, en 2021, le Penjat s’est offert un vidéoprojecteur pour la salle commune. « C’est important d’avoir des temps ensemble qui ne soient pas programmés périodiquement et qui deviendraient une obligation. J’informe les autres que je fais une soirée cinéma gourmand, Untel me demande de quoi j’ai besoin et ce petit moment se partage à l’improviste, tout en laissant la possibilité à chacun de dire qu’il est fatigué à cause du boulot ou qu’il n’a pas envie ce soir. »

Pour fluidifier les relations et la gestion des lieux, l’application numérique Signal décline divers fils de discussion pour la culture du potager entre ceux qui souhaitent y participer, de même pour le poulailler dont les œufs sont à disposition dans le couloir d’entrée, pour gérer les imprévus de la vie quotidienne, les réservations de la chambre d’amis commune, les possibilités de covoiturer pour les courses ou une séance de cinéma, pour se féliciter quand quelque chose fonctionne ou alerter dans le cas inverse… « Une fois, on mettait un miroir dans la salle de bains, hop un petit Signal : quand ça passe à travers le mur, je fais quoi ? L’un a répondu sur la messagerie, un autre est venu sur place et c’était réglé », raconte Anne-Marie, l’une des quatre instigateurs du projet.


Habitat groupé : Un hameau partagé et solidaire

Un hameau partagé et solidaire

Six logements, de multiples espaces de vie communs, un lieu d’accueil social, une boulangerie… Les douze habitants de ce lieu acheté en 2016 ont recréé un véritable petit village.

Un vendredi de printemps, à la Bigotière. Posée près d’un petit bois, à mi-chemin entre Rennes et Saint-Malo, l’ancienne ferme reconvertie en un habitat groupé de six logements dans deux bâtiments accueille ce jour-là divers chantiers et activités. « On a un petit muret de pierres à terminer, détaille Jean-Luc. Il faut aussi trier du bois, terminer de nouvelles toilettes sèches, creuser une mare au jardin et faire des semis. » Des bénévoles arrivent les uns après les autres dans la salle commune. Ils jettent un œil au tableau qui liste les chantiers, demandent où ils peuvent se rendre utiles, puis filent travailler. « On devrait avoir une trentaine de personnes à midi », calcule Nathalie, avant de partir préparer des paniers garnis de produits locaux qui seront distribués en fin de journée. Dehors, le bruit des scies et des marteaux se mêle à celui de la musique qui s’échappe des fenêtres ouvertes de la maison des « Trois petits pas », un lieu d’accueil pour de jeunes mères isolées et leurs bébés, où travaillent trois des habitantes de la Bigotière. « Dès le départ, notre projet d’habitat groupé souhaitait intégrer un lieu d’accueil social. Le très bon état de la maison où sont installés les Trois petits pas a fait partie des arguments qui nous ont décidés à acheter la Bigotière », explique Gilbert.

Un lieu grand ouvert

Les lieux apparaissent ce jour-là tels que les avaient rêvés leurs propriétaires : vivants, chaleureux et ouverts vers l’extérieur. D’abord évoquée sous forme de blague, au détour de vacances ou de week-ends en commun, l’idée d’un habitat collectif a finalement pris corps. C’était en 2012. « Nos enfants avaient grandi. Nous avions moins de contraintes et nos maisons étaient devenues trop grandes, évoque Jean-Luc. C’était le moment, pour nous, de réfléchir à de nouveaux modes de vie. » 

Dès le départ, il est question de mêler habitat, accueil et activités culturelles. Après moult réunions et la visite d’une quarantaine de lieux, le collectif jette son dévolu sur la Bigotière, qui cumule pas mal de ses exigences. « Nous voulions sortir de l’agglomération rennaise, aller vers le nord pour nous rapprocher de la mer, trouver un bâti ancien pour ne pas empiéter sur des terres agricoles et avoir suffisamment de bâtiments pour monter nos projets », précise Jean-Luc. La grande proximité des bâtiments offre en plus la possibilité d’avoir des équipements partagés : les six logements sont raccordés aux cuves de récupération de l’eau de pluie, une phytoépuration collective a été mise en place et une chaudière à granulés alimente trois des logements.


Habitat groupé : La Semblada a les communs à cœur

HABITAT GROUPE-N°129, La Maison écologique, À La Semblada, les communs à cœur

Ils sont réunis dans la salle commune de La Semblada pour l’apéro. Cela fait de longs mois que ce n’est pas arrivé, la pandémie de Covid-19 ayant eu raison, pendant un temps, des échanges conviviaux non masqués. Cet espace accueillant est au cœur de l’immeuble que sept familles – douze enfants et douze adultes – partagent depuis fin 2018 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) dans l’écoquartier de Trémonteix. Le premier habitat participatif porté en autopromotion en Auvergne. Lors des multiples échanges destinés à trouver les moyens de réduire le budget global de ce projet, elles n’ont rien lâché sur ce point. Pas question de renoncer à donner une place centrale à la salle commune. « Nous avons préféré réduire l’ensemble du bâtiment, donc la surface de chacun des sept appartements, plutôt que de rebuter cette pièce dans un coin sombre où nous n’irions jamais », raconte Audrey, dont le duplex est, par exemple, passé de 89 m2 initialement à 82 m2.

Une décision ferme, mûrie au fil des formations et nombreuses visites d’habitats groupés, réalisées après la première réunion organisée en 2011 par Yannick et Brigitte, à l’initiative du projet. De ce travail instructif, le groupe a tiré une seconde leçon pour maintenir le lien entre les habitants sur le long terme : l’importance d’organiser les espaces de façon à favoriser les rencontres fortuites. Pour concrétiser ces attentes, l’atelier d’architecture du Rouget, créé par Simon Teyssou, est sélectionné. « Ce dernier avait déjà eu, à titre personnel, une expérience d’habitat participatif et c’était le seul à nous parler autant de la façon dont nous voulions vivre dans le bâtiment que d’architecture », justifie Mickaela.

Un patio fédérateur

Le résultat est là. Dans cet immeuble principalement en bois, opportunément baptisé La Semblada, qui signifie « assemblée » en patois auvergnat, toutes les entrées des appartements donnent, comme la salle commune de 45 m2, sur le patio central. « Cette organisation n’était pas la moins onéreuse, mais c’était un effort à faire pour le collectif. Nous ne le regrettons pas », poursuit Mickaela. Pour profiter au mieux de cet espace convivial, une terrasse a été réalisée par le groupe sous le préau qui ouvre sur le jardin. Table de ping-pong et banquettes en palettes y sont désormais installées.

Autre point qui a son importance : six des sept familles mutualisent quatre machines à laver dans une buanderie partagée (10 m2), située sciemment au fond de la salle commune. Impossible d’aller laver son linge sale en famille sans croiser les voisins ! 


Habitat groupé : Éloge de l’autoconstruction collective

autoconstruction collective

À Saint-Médard-sur-Ille, en Bretagne, huit maisons partiellement autoconstruites ont permis à des foyers de devenir propriétaires, tout en découvrant l’écoconstruction et la richesse de la vie collective.

L’autoconstruction collective, un vrai pari

Faire accéder à la propriété d’une maison écologique et performante de 85 m2 pour 140 000 €, moyennant une participation aux travaux. C’est le pari que s’étaient lancé la mairie de Saint-Médard-sur-Ille, à 25 km au nord de Rennes, le bailleur social Néotoa et l’association Compagnons bâtisseurs. « On avait déjà procédé à un projet similaire à Langouët [situé dans la même communauté de communes, ndlr], mais seulement sur les annexes et les clôtures, relate Véronique Cornillet, architecte. Pour des maisons, c’était vraiment une première. » « Concevoir des plans qui respectent l’enveloppe budgétaire et qui soient réalisables en partie par des non-professionnels, c’était une vraie difficulté, avance Mickaël Laurent, chargé de développement chez Bruded, un réseau d’échanges d’expériences de développement durable entre collectivités, qui a observé avec grand intérêt ce projet. Il fallait en plus qu’elles soient conformes à la réglementation thermique tout en étant écologiquement performantes. » 

Sorties de terre en décembre 2017 et inaugurées en septembre 2018, les huit maisons ont tenu leurs promesses thermiques : il y fait bon en toute saison. « On a même enlevé les convecteurs prévus pour les chambres, relate élodie, qui habite l’un des logements avec son mari et leurs trois enfants. Le chauffage bois suffit. » Les habitants goûtent particulièrement ce confort alors que les coûts de l’énergie s’envolent, de même que le nombre de personnes en situation de précarité énergétique.

Huit ménages sur un chantier

« Il y a huit maisons à ossature bois, isolées en laine de bois et chauffées par des poêles à granulés, détaille Mickaël Laurent. Les maisons ont été vendues en Vente en état futur d’achèvement (Vefa) par Néotoa qui avait auparavant acheté les terrains à la mairie. Les habitants se sont occupés essentiellement du second-œuvre : isolation, pose de cloisons sèches, carrelage, peinture… » Le mélange des genres, à savoir des maisons commandées mais partiellement autoconstruites, n’a pas été aisé à saisir pour les habitants. « Les gens avaient deux casquettes : face à nous ils étaient acquéreurs, mais sur le chantier ils étaient artisans. Cela a généré des confusions, détaille Véronique Cornillet. Il était question que les gens mettent la main à la pâte côté travaux, mais c’est tout. Les maisons étaient déjà dessinées, on ne pouvait plus en modifier la conception. » Élodie résume : « C’est vrai que quand on montait les cloisons, on se disait qu’on aurait bien ajouté un placard ou deux, mais ce n’était pas dans les plans. On n’a pas la même vision en tant que futur habitant par rapport à une architecte qui répond à
une commande. »


Dossier : Pour demain construire ou rénover

construire ou rénover

Désormais, le « rêve » d’un pavillon avec jardin n’apparaît plus comme un eldorado. Pire, la maison individuelle ne serait plus « soutenable » et même devenue symbole d’un « non-sens économique, écologique et social » nous menant directement « dans une impasse ». Ces mots, prononcés mi-octobre 2021, ont soulevé un tollé général. Leur autrice, la ministre déléguée au Logement Emmanuelle Wargon, a dû se justifier, détailler, réexpliquer. Car s’attaquer au modèle de l’habitat individuel relève de la gageure. Au-delà des professionnels de la construction, c’est toute la culture du logement et de la propriété à la française qui s’est sentie taclée.

La contrainte du contexte

À l’heure où l’urgence climatique oblige à envisager une transformation globale des modes de vie, l’habitat n’est, en effet, plus épargné. À lui seul, le secteur de la construction représente près d’un quart des émissions des gaz à effet de serre en France, dont les deux tiers sont imputables au résidentiel. Dans son rapport remis en novembre, « Habiter dans une société bas carbone », The Shiftproject, association créée en 2010 pour imaginer une société libérée des énergies fossiles, rappelle que ces émissions sont « en très grande majorité le fait du chauffage et des consommations d’eau chaude sanitaire(1) ».

Construire ou rénover ? telle est la question…

Pour relever le défi climatique, la construction neuve et sa consommation énergétique sobre induite par les nouvelles réglementations telles que la RE 2020, fraîchement entrée en vigueur en ce début d’année, ne suffira pas. La rénovation du parc existant, et surtout sa rénovation énergétique, reste le défi majeur. Pour tenir les objectifs du Plan climat, rénover au moins 500 000 logements par an est annoncé comme nécessaire quand 300 000 nouveaux sortent de terre chaque année(2). Une raison suffisante pour recommander aux familles qui veulent se bâtir leur « sweet home » de renoncer au neuf pour aller vers de la rénovation ?

Pour de nombreux architectes, comme Ludovic Devernay en Bretagne, spécialisé dans l’écoconstruction et l’écorénovation, tout est question de contexte, notamment géographique.


Habitat groupé : à la bonne choux-quête

Habitat groupé

Mutualisation des espaces, des équipements, des tâches et ouverture au reste du village : bienvenue aux Choux lents ! Un habitat (très) participatif dans le Rhône.

Sept foyers constituent l’habitat groupé

À 12 h 30, entre-chocs de couverts, rires d’enfants et conversations mêlées résonnent au-delà de l’imposante maison en pierre. Derrière, une cour, cernée par trois bâtiments rénovés, accueille une longue tablée. Audrey, Ludo et leurs enfants Dorian et Margot mangent en compagnie de Micha, Marie, Lucie et sa fille Lili. Ils sont une partie des sept foyers qui constituent l’habitat participatif Les Choux lents, créé en 2012 à Saint-Germain-au-Mont-d’Or (69). Ici, le partage des repas et de ses nourritures est comme la métonymie de leur philosophie : convivialité du collectif et mutualisation.

« On fait les courses en commun. C’est l’une de nos particularités », raconte Audrey. Elle qui de métier accompagne des groupes pour monter des habitats participatifs note que c’est une chose rare. Pour 17 Choux (propriétaires associé·es), Choux-fleurs (compagnes et compagnons de Choux) et Chouquettes (enfants de Choux et de Choux-fleurs), c’est toute une organisation. À chacun sa tâche : un pilote Amap pour les produits frais, un pilote Biocoop pour le vrac de produits secs, un pour le ramassage de courses, un pour la gestion des stocks, un pour la gestion des comptes… « Mais chacun reste libre de manger dans les espaces communs ou pas, de cuisiner dans son espace privatif, puis manger avec les autres ou de cuisiner avec les autres, puis manger chez soi. Dans tous les cas, la nourriture est à tout le monde », poursuit-elle. « L’hiver, on a plus tendance à s’inviter à manger les uns chez les autres », concède Lucie. Seul repas rituel où tout le monde cuisine pour tout le monde : celui de la réunion plénière, une fois toutes les deux semaines.

Grands communs

La taille des communs est pour beaucoup dans ce fonctionnement. Surtout la cuisine, au rez-de-chaussée de la maison du XIXe siècle dont le charme a été conservé. Cette large pièce, équipée d’un bar et d’une grande table, est fournie d’ustensiles, parsemée de boîtes et pots de conservation. À chaque porte de placard et tiroir, son étiquette : céréales, légumineuses, lait, boissons… Et encore, tout n’y est pas stocké ! Un garde-manger est étagé dans le cellier. Le salon aussi est généreux, il y règne une ambiance de salle de jeux. Le parquet en point de Hongrie craque sous les pas et les portes de placard grincent après le déclic des vieilles clés.


Oser l’écorénovation en copropriété

écorénovation en copropriété

En France, les copropriétés représentent 10 millions de logements, soit 30 % du parc existant. Afin de rénover des immeubles vieillissants, des habitants optent pour les matériaux biosourcés et les énergies renouvelables. Un travail de longue haleine.

D’abord un diagnostic complet

Dans le 3e arrondissement de Lyon, les échafaudages n’entourent plus la copropriété de la rue Martin. Les travaux de cette résidence rénovée à partir de matériaux biosourcés sont en cours d’achèvement. La première étape de ce long processus a été d’élaborer un diagnostic complet des systèmes énergétiques (chauffage, ventilation…) et de l’architecture (façades, toit…) afin d’identifier les besoins. Dès la naissance d’un tel projet, Jessica Jacoby Koaly, responsable de l’animation des entreprises affiliées CoachCopro(1) au sein de l’Agence parisienne du climat, recommande de se rapprocher de l’agence locale de l’énergie la plus proche pour se faire aider gratuitement par un conseiller Faire(2). « Il aidera les habitants à identifier les besoins de la copropriété, trouver des professionnels pour réaliser le diagnostic de l’immeuble, mais aussi une entreprise chargée de l’assistance à maîtrise d’ouvrage et un maître d’œuvre », précise-t-elle. 

Ensuite les matériaux

Après ce diagnostic, les habitants de la résidence lyonnaise bâtie en mâchefer, matériau à base de résidus solides provenant de la combustion du charbon, envisageaient « d’isoler en laine de roche, pensant que les copropriétaires ne seraient pas prêts à assumer le surcoût de la fibre de bois. Finalement, avec une offre quasiment au même tarif et des bonus accordés par la Métropole de Lyon pour les biosourcés, le ravalement et l’isolation n’ont coûté que 2 300 € de plus qu’un ravalement simple », retrace Mathieu Cadic, membre du conseil syndical. Soit un surcoût de moins de 1,8 % du budget total.

Puis les assurances entrent dans la danse

En 2019, la plupart des assurances n’offrant pas, en copropriété, de garantie décennale sur l’utilisation des produits n’ayant pas obtenu d’avis technique, l’architecte et ses voisins se renseignent auprès de Zolpan/Pavatex. L’entreprise en charge des travaux choisit le procédé Webertherm XM Fibre de bois qui associe des panneaux de fibre de bois de 16 cm à un enduit minéral à la chaux aérienne projeté. « Nous avons revêtu les façades nord et ouest avec cet enduit car il offre une meilleure perméabilité à la vapeur d’eau », explique Mathieu Cadic, copropriétaire. En effet, si le mâchefer, matériau poreux, se gorge trop d’humidité, cela peut causer des dégradations comme des fissures dans les murs. La façade est, à plus de 50 % mitoyenne, n’est pas isolée, de même que le sud. Présentant une grande porte-fenêtre et des balcons étroits, cela aurait impliqué trop de découpes d’isolant.