Enquête autonomie : Un puits dans mon jardin : Mode d’emploi

ENQUETE PUITS

Dans un contexte de sécheresse et d’incertitude, la ruée sur les puits et forages va bien au-delà de la recherche d’économie financière. Toutefois, la quête d’autonomie ne doit pas se faire au détriment de la ressource en eau.

L’important n’est pas de trouver de l’eau. C’est de trouver de la bonne eau. Et la seule méthode pour y parvenir, c’est le puisage », martèle Isidore Plantey, président de l’association Les Amis des puits, implantée sur le Bassin d’Arcachon. L’homme de 85 ans, qui creuse puits et forages à la main, a acquis ce savoir ancestral tout jeune, au contact des puisatiers. Dans son viseur, certains foreurs qui, d’après lui, « font des trous au hasard et ne peuvent obtenir que de la mauvaise eau, voire pire, mettent en contact les bonnes et les mauvaises, polluant les veines d’eaux pures et les aquifères profonds ». L’avis est tranché. Trop peut-être, mais il a le mérite de faire réfléchir sur les pratiques actuelles.

Malgré son caractère dorénavant obligatoire, la majeure partie des forages sont réalisés sans déclaration. Les machines permettant d’aller toujours plus profond, certains n’hésitent pas à descendre à des profondeurs vertigineuses pour chercher la précieuse ressource, sans aucune autorisation. « L’un de mes clients était prêt à forer à plus de 90 m pour avoir de l’eau. La plupart ne tiennent pas compte de la rentabilité du projet ou de la réglementation. Ils agissent par crainte des pénuries d’eau ou des taxations futures », explique Olivier Furlanetto, sourcier en Gironde.

Chercher la veine

Faut-il vraiment aller aussi loin pour trouver de l’eau ? Pour certains, en plus des aquifères, ces réserves souterraines communément répertoriées (voir Pour aller plus loin p.54), il existe des veines d’eau de sources très préservées en provenance directe des montagnes, qui circulent dans un sable immédiatement reconnaissable, mais aussi dans les calcaires où de véritables rivières souterraines peuvent se former.

Trouver une veine d’eau sur son terrain est évidemment la panacée. « Vous pouvez taper moins profond, ce qui coûte beaucoup moins cher », confie Jean-Jérôme Castet, puisatier dans les Landes qui intervient dans toute la France. Ce dernier explique que les vieux puits sont très généralement creusés dans les veines ou les aquifères de faible profondeur. « Les anciens n’étaient pas fous. Ils creusaient les puits à la main et ne pouvaient pas se permettre de faire ça n’importe où. Ils creusaient là où il y a de l’eau potable. » Traditionnellement, la recherche des veines d’eau est le travail des sourciers.

Esbroufe, charlatanerie, etc. ; beaucoup ont un avis tranché sur cette profession, persuadés que les sourciers doivent leurs résultats au hasard ou à leur connaissance hydrogéologique du territoire. La méthode qui consiste à déceler les deux berges de la veine, le sens d’écoulement et la profondeur à partir de baguettes et d’un pendule peut surprendre. Pourtant, ces professionnels sont toujours autant plébiscités qu’autrefois. Leurs bons résultats s’expliqueraient par leur plus grande sensibilité aux variations de courants électromagnétiques dues
à la présence d’eau.

« Il faut trouver les bons sourciers. Je les teste et si ce n’est pas concluant, je ne travaille pas avec eux », explique Jean-Jérôme Castet. Adepte d’une méthode scientifique, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) préconise quant à lui de recourir à un hydrogéologue pour la recherche d’eau. « Son analyse de la géologie, de la présence d’une nappe, des niveaux producteurs dans le sous-sol est indispensable. Toutefois, certains secteurs possèdent une nappe phréatique à faible profondeur, facile d’accès. Ces aquifères sont d’ailleurs répertoriés dans une base de données appelée BDLISA (bdlisa.eaufrance.fr) », nous indique l’organisme.


Dossier : Eau du robinet, qualité, filtration : quoi de neuf ?

filtration de l'eau

La seule chose que nous ne faisons pas avec l’eau potable, c’est de la boire », plaisantait avec justesse Franck Lepage dans la conférence gesticulée Incultures 2, un spectacle militant à mi-chemin entre une conférence et un one man show créé en 2010. Il souligne ainsi l’une des nombreuses aberrations du marketing qui réussit à faire croire qu’il faut boire de l’eau en bouteille plutôt que de l’eau du robinet. Un tour de force !

Pourtant, plus de 98 % des Français.es disposent aujourd’hui d’une eau conforme à la réglementation, selon la 4e étude de l’UFC-Que choisir sur la qualité de l’eau en France, co-écrite avec Générations futures et publiée en 2021. Et la confiance règne sur la capacité des cycles naturels de l’eau à fournir une eau de qualité. Près de 65 % des eaux proviennent de captages d’eaux souterraines. « Elles ont une protection naturelle que n’ont pas les eaux de surface. Mais […] comme en région parisienne où les nappes souterraines ne sont pas suffisantes pour alimenter toute la population, les eaux de surface sont aussi largement utilisées », explique Sylvie Thibert, ingénieure qualité de l’eau et gestion des risques sanitaires au Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif). Avec près de 780 000 m3 distribués chaque jour à près de 4,7 millions d’habitants, le Sedif est le plus grand service public d’eau en France et l’un des tout premiers en Europe. 

La région parisienne est ainsi majoritairement alimentée par les eaux des fleuves et rivières : Seine, Marne et Oise. Cette eau captée « brute » est classée dans la catégorie A3, à savoir une eau de surface de qualité médiocre mais qui peut être utilisée pour produire une eau potable (voir tableau p. 39). Le Code de la santé publique impose une filière de traitement capable de couvrir toutes les situations, des polluants agricoles et industriels jusqu’à ceux issus de la sphère domestique.

Potable oui, mais salubre ?

Si la production d’eau potable est souvent assimilée à l’usage de produits chimiques, dans les faits, elle repose principalement sur des processus naturels ou biologiques : filtrations, décantations, utilisation des capacités des populations bactériennes naturelles. La chimie sert essentiellement à désinfecter par le chlore ou par l’ozone. « Tamisage, coagulation, filtration, adsorption sur charbon actif, chloration, les étapes successives des filières conventionnelles traitent un très large spectre de polluants, précise l’ingénieure du Sedif. D’autres usines (minoritaires et plutôt destinées aux eaux de surface, ndlr) ont recours à la filtration membranaire, c’est-à-dire la nanofiltration ou l’osmose inverse basse pression. C’est alors une barrière physique qui retient les contaminants. » 


Extérieur : Bélier Hydraulique, Capter l’eau sans électricité

Capter l'eau de pluie sans électricité

Capter l’eau de pluie sans électricité

J‘ai découvert il y a peu le fonctionnement du bélier hydraulique. J’ai été stupéfaite par son efficacité et par ce mécanisme qui ne nécessite aucune énergie électrique, s’enthousiasme Chloé Dapsanse, habitante de l’écohameau Interval, en Dordogne, qui dispose d’un bélier en fonte du XIXe siècle. Nous avons pu faire une réserve d’eau d’environ 120 m3 pour irriguer notre potager de 1 500 m2 à partir de la résurgence d’un ru(1). »

Le bélier hydraulique, inventé par Joseph Montgolfier, permet de capter de l’eau située en aval en utilisant l’énergie du mouvement, dite cinétique. « C’est une machine élévatrice, ce n’est pas une pompe », précise Didier Nébréda, un passionné de béliers qui en fabrique et en répare depuis les années 2000.

Un bélier, comment ça marche

Pour installer un bélier, vous aurez besoin d’un point d’eau et d’un dénivelé d’un minimum de 40 cm entre la source et le système de captage(2). À noter que l’utilisation d’eau provenant d’une source est soumise à une déclaration en mairie.

« Le bélier capte l’eau qui s’écoule vers lui via une pente. Sous l’effet de la vitesse, un premier clapet, appelé clapet de choc, se ferme brutalement et crée le fameux coup de bélier, poursuit le passionné, qui a créé un site Internet et une chaîne Youtube(3) sur le sujet. L’eau sous pression monte dans le corps du bélier (voir croquis page 68). Cette dernière pousse un second clapet (clapet de non retour, ndlr), très sensible, qui s’ouvre alors et envoie l’eau dans un réservoir situé plus haut. Ce mouvement se reproduit environ une fois par seconde. C’est la hauteur de chute entre le point d’eau initial et le bélier qui détermine la hauteur de remontée d’eau, qui sera dix fois supérieure à la hauteur de chute. »

Très utilisés avant les années 1950, les béliers ont perdu de leur intérêt avec l’arrivée des pompes électriques. Walton est la dernière entreprise française à en produire. Ce fabricant, basé à Bordeaux, propose sept modèles de sept tailles différentes selon le débit de la source et le besoin des acheteurs. « S’il n’y a que 20 l par minute à la source, un numéro 2 suffit, quand il faudra un numéro 6 si le débit est de 100 l/min », précise Richard Walton, le patron de l’entreprise, qui vend entre 30 et 50 béliers par an.

Le bélier remonte environ 15 à 20 % de l’eau qu’il utilise pour fonctionner. Le reste est renvoyé dans le cours d’eau. Le rendement est faible, mais suffisant. « Le numéro 7, par exemple, peut remonter jusqu’à 40 000 l d’eau en une journée. Il est essentiellement envoyé en Afrique, en Amérique du sud, à Cuba, en Martinique, en Guadeloupe, en extrême Orient, au Laos où il alimente des villages entiers », poursuit Richard Walton. Les prix varient


Eau de pluie: pour que la consommer coule de source!

Vidéos épisodes 170 et 171 de L'Archi Pelle sur l'eau de pluie avec Pierre L'écoleau

VIDÉOS. Collecter, traiter et consommer l’eau de pluie légalement.

Si le sujet vous intéresse, nous vous invitons à visionner ces deux vidéos. L’Archi Pelle les a publiées en juillet 2020 (épisodes 170 et 171).

Dans ces deux vidéos publiées par L’Archi Pelle, vous suivrez Pierre l’écoleau. En effet, militant de longue date pour l’eau de pluie, il est un expert reconnu de l’autonomie en eau. Lire la suite


Eautonomie : pomper l’eau avec une éolienne



Quand le vent ne pompe pas l’air…mais l’eau

Pomper l’eau sans électricité. La technique n’est pas nouvelle et les éoliennes jalonnent déjà les champs pour alimenter le bétail en toute autonomie. Mais ces moulins à vent modernes peuvent aussi servir à des usages domestiques.

Philippe Girbal a réalisé « Le rêve de [s]a vie » À 51 ANS en installant dans son jardin une éolienne de pompage comme celles utilisées pour abreuver le bétail. « L’eau arrive sans que je fasse quoi que ce soit, sans électricité. De nos jours, l’eau arrive sous pression dans le réseau, c’est formidable, mais vous devez toujours payer. » Son éolienne Oasis lui a été livrée en 2002 en pièces détachées par Ecolab Énergies, pour 2 638 €(1). Elle mesure moins de 12 m « pour ne pas avoir besoin de permis de construire. J’ai juste déclaré le forage à la mairie ». Philippe l’a érigée « avec quelques amis et un matériel de fortune ». D’abord pour remplir une piscine et une réserve pour son potager. Elle devrait bientôt alimenter les toilettes, avec un réservoir de 100 l dans les combles « et une distribution par circuit différencié. Je reste branché au réseau public pour avoir de l’eau même si l’éolienne lâche. L’opération devrait coûter 1 000 € avec un bon plombier ».

 

 


Eautonomie : pomper et filtrer l’eau

pomper et filtrer l'eau

Pomper et filtrer l’eau jusqu’à boire la tasse

Une fois l’eau captée et stockée, reste à l’acheminer jusqu’à chez soi et la filtrer suivant les usages souhaités. Plongée dans le monde merveilleux de l’autonomie aquatique.

Capter l’eau, c’est fait. La stocker, c’est fait. Maintenant, il va falloir pomper ! Rares sont les cas où l’eau arrive par gravité dans toutes les pièces humides de la maison comme c’est le cas pour Côme et Gwendoline Dessaux. Pour les projets d’autonomie en eau, l’arrivée d’eau principale du logement est souvent alimentée par une pompe électrique immergée, qui refoule l’eau jusqu’au bout du conduit, ne provoque aucun bruit dans l’habitation lors de la mise en route et évite le risque de gel. « Une pompe de surface, quant à elle, aspire l’eau avant de la refouler et n’est pas à l’abri d’un désamorçage », commente Emmanuel Toitot, installateur gérant de Toitot maison autonome et vivante. Si c’est l’option choisie, la pompe doit être placée dans un local technique, où elle entraînera des nuisances sonores. Avantage : son accessibilité facilite l’entretien. Ces pompes sont moins chères mais d’une durée de vie moins longue.

Une pompe achetée en magasin de bricolage pour 200 € à 400 € risque de peu durer. Mieux vaut un modèle professionnel (pompe-direct.com par exemple ou magasins spécialisés) qui coûtera 600 € à 700 €.


Eautonomie : capter et stocker l’eau

capter et stocker l'eau

Tous à l’eau… de chez soi !

Verre d’eau de pluie ou verre d’eau du jardin, faites votre choix! Eaux pluviales, puits, source… tour d’horizon des solutions pour capter et stocker l’eau en toute autonomie.

Excepté en montagne, il devient rare de trouver de l’eau à l’état naturel non polluée. L’eau d’adduction subit de nombreux traitements (tamisation, oxydation, clarification, filtration, désinfection, dépollution…) destinés à lui faire respecter des limites microbiologiques et chimiques définies par la loi et à lui faire atteindre un certain niveau de qualité. Mais les dérogations délivrées par la préfecture aux collectivités sont nombreuses… Par ailleurs, certains pesticides pourraient être des perturbateurs endocriniens actifs à des doses très faibles. Les normes ne tiennent pas non plus compte de l’effet cocktail de certaines molécules, ni des conséquences de nouvelles substances encore à l’étude, comme les résidus médicamenteux.

 


Reportage : autonome grâce à l’eau de pluie

autonome grâce à l'eau de pluie

Autonomes en eau et pluie c’est tout !

Une des étapes de la “transition écologique” de Dominique et Didier, a été de rendre leur maison autonome en eau. Au jardin, sous la douche, dans l’évier ou dans leur verre, toute l’eau qu’ils consomment vient de la pluie.

De la permaculture ont germé tous les projets de Dominique et Didier Prudon, dans le Gers. « Cette philosophie vise à concevoir des écosystèmes durables en prenant soin de l’humain, de la nature et en partageant les surplus », explicite Didier, qui a suivi une formation à la permaculture après s’être initié avec l’association Terre et humanisme à l’agroécologie. Cette dernière « va dans ce sens au jardin, mais la permaculture est plus globale », confie le couple, qui a entrepris « une transition écologique » il y a dix ans. « On a schématisé les flux de ce qu’on rejète, ce qui rentre dans la maison –achats, énergie, revenus, etc. –, puis on a cherché comment les agencer de manière plus écologique. »

Portes et fenêtres de la maison ont aussi été changées. Les combles isolés par 36 cm de ouate de cellulose et les radiateurs remplacés par un poêle à granulés. La fosse septique a été abandonnée au profit d’une phytoépuration. Un système de récupération d’eau de pluie les a rendus autonomes en eau, boisson comprise.

 


Vue d’ailleurs : En selle contre les déserts galopants

désertification

Le projet Sunseed

Il y a un peu plus de 30 ans,un collectif d’activistes britanniques se réunissait dans le sud de l’Espagne pour trouver des solutions durables face à la désertification grandissante en Europe. De cette réflexion est né en 1986 le projet Green Desert Technology, qui laissera sa place un an plus tard à Sunseed Desert Technology. Plutôt que de construire de nouvelles habitations, ses membres ont décidé d’investir et de redonner vie à un village andalou en ruines : Los Molinos del Río Aguas, à Almeria.

Sunseed Desert Technology est aujourd’hui animé par une communauté d’une vingtaine de jeunes, âgés de 20 à 30 ans.
Ils pratiquent la sociocratie, un mode de gouvernance horizontal qui favorise la prise d’initiative, et ont carte blanche pour gérer le lieu et créer de nouvelles technologies innovantes afin de rendre possible la vie dans les milieux arides. « N’importe quel volontaire peut développer son idée ici. On a une grande liberté. Cela nous aide à grandir et à gagner en responsabilité», explique Lucas, 22 ans, coordinateur des écoconstructions à Sunseed, spécialiste des techniques traditionnelles de construction en Andalousie et de leur entretien. Les pratiques modernes sont proscrites, au profit de méthodes alternatives mêlant construction traditionnelle et matériaux écologiques.

Lutter contre la désertification

Système de pompage d’eau par gravitation, four solaire pour cuisiner, éoliennes et panneaux solaires pour fournir l’énergie nécessaire à la communauté, tels sont les
différents outils expérimentés ici et qui permettraient de vivre en autosuffisance presque partout dans le monde, de façon durable. Ainsi, malgré le changement climatique et la mauvaise gestion des sols – avec la monoculture intensive – qui ont asséché près d’un tiers de l’Espagne et rendu de nombreux terrains infertiles, des solutions régénératrices existent pour transformer les déserts en oasis, ainsi que s’attachent à le démontrer depuis plus de 30 ans les membres de Sunseed Desert Technology. Avec la permaculture, la restauration des écosystèmes locaux et une gestion innovante de l’eau, notamment. […]