Billet d’humeur : Moissonnons le vent

moissonnons le vent

L’énergie éolienne n’est en rien renouvelable, elle pollue gravement la nature ! Les éoliennes sont la négation de l’écologie ! ». 

Celui qui s’exprime n’est pas un spécialiste de l’énergie mais le très médiatique Stéphane Bern(1), expert en familles royales et bibis colorés de la reine Elisabeth II. « Les éoliennes, ça détruit la faune et la flore(2) », ajoute-t-il, comme si, tel l’agent orange, leurs seules présences décimaient nos plantes et nos fleurs. Et qu’il fallait les mettre toutes … en berne.

Haro donc sur les éoliennes, ces pelées, ces galeuses d’où viennent tous nos maux ! Les vents mauvais de la démagogie soufflèrent alors en rafale : « Un véritable saccage de notre environnement ! », assèna la présidente d’un parti qui fait Front face à ces envahisseuses étrangères. « Un scandale national ! », s’étouffa le Président des Hauts-de-France(3), prêt à leur couper les pâles.

Face à cette tempête, rappelons quelques réalités.

Les éoliennes sont moches ? Infiniment moins que nos hideuses entrées de villes dont on aimerait que l’ignoble laideur affole Stéphane Bern bien plus que ces ingénieux moulins, merveilles d’aérodynamisme.

Elles assassinent des oiseaux ? Selon les mesures de la LPO elle-même, une éolienne provoque la mort de 0,3 à 18 oiseaux par an. Un seul chat en liberté en tue quarante(4). Faut-il dès lors éradiquer les chats ? Les vitrages des gratte-ciels ? Les lignes électriques HT ? Supprimons d’abord les arrachages de haies et les pesticides, et nos amis à plumes chanteront à nouveau.

Elles sont plus chères que le nucléaire ? C’est faux depuis déjà une décennie, et selon un récent rapport(5) les coûts de l’énergie éolienne vont continuer de baisser. D’ici à 2030, l’éolien terrestre sera à 33 €/MWh, l’éolien en mer entre 48 €/MWh (posé) et 64 €/MWh (flottant). Les coûts du nucléaire, eux, ne cessent de grimper et se situent déjà à plus de 100 €/MWh.


Billet d’humeur : Une si extraordinaire machine

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Savez-vous comment se nomme cette petite machine de 3 à 100 l, constituée de 1 000 milliards d’unités fonctionnelles travaillant en synergie, de 100 000 km de très fins tuyaux et d’un système de pompage capable de fonctionner sans panne 2,5 milliards de fois ? Ne cherchez pas très loin, cette extraordinaire machine… c’est vous! Oui, vous ou plutôt votre humaine enveloppe corporelle. Votre très intime habitat écologique. Comme toute machine, elle a besoin d’énergie, qu’elle trouve bien sûr dans nos aliments. Encore faut-il que ceux-ci soient transformés, perdant donc une partie de leur contenu énergétique. Pour 2 200 kcal d’aliments ingérés, le processus de leur transformation en consommera 15 %, ne nécessitant que 15 W en permanence, sauf repas pantagruélique. Pas mal pour un processus qui met en branle un enfourneur-déchiqueteur (la cavité buccale), des capteurs d’analyses chimiques instantanées (les papilles gustatives), un système de lubrification (la salive), un brasseur-malaxeur (l’estomac) avec puissant traitement chimique (les sucs gastriques), puis une machine à laver (l’intestin grêle) munie d’un injecteur (la pastille duodénale) distribuant un liquide dégraissant et désintégrateur (les sucs digestifs produits par le foie et le pancréas). Avec, bien sûr, au final, un indispensable dispositif scato-évacuatif…


Billet d’humeur : Docteur Janco et Mister Vici



Docteur Janco et Mister Vici

Qui a dit : « Envisage-t-on seulement d’interdire le pastis ou le whisky, qui font bien
plus de morts que les centrales nucléaires ? » Ou encore « Les gens ont plus peur des cen-trales nucléaires que des piscines. Pourtant, les piscines tuent bien plus ». Desproges ? Le capitaine Haddock ?

Hélas non, c’est un « expert de l’énergie ». Lequel a aussi déclaré : « Du point de vue des écosystèmes, et ce n’est pas du tout de l’ironie, un accident de centrale est une excellente nouvelle, car cela crée instantanément une réserve naturelle parfaite ! » Les suppliciés de Tchernobyl et les évacués de Fukushima ignoraient être des bienfaiteurs de la biodiversité. Ceci dit sans ironie, bien sûr.
Inutile de vous noyer avec d’autres sidérants aphorismes, vous aurez reconnu dans ces saillies l’omniscient Jean-Marc Jancovici, alias JMJ, adulé par ses fans, courtisé par les médias et nombre de dirigeants du CAC 40.
Mais sa défense du nucléaire ne serait que pathétique si elle ne s’accompagnait pas d’énormités factuelles sur les énergies renouvelables, systématiquement minorées, déformées, voire ignorées. Deux exemples parmi les dizaines publiés sur son site. « Le photovoltaïque est plutôt aux alentours de 50 g de CO2 par kWh électrique (hors stockage), parce que fondre du silicium de qualité électronique est très gourmand en électricité. »(1) Sauf que le photovoltaïque exige une qualité… dix mille fois moins exigeante en pureté que le silicium électronique, ce qui explique en partie que le coût du PV a été divisé par dix(2) quand, dans le même temps, celui de l’EPR de Flamanville était multiplié par six selon la Cour des comptes(3).
Deuxième exemple : « Il faut jucher une éolienne off-shore sur un pylône ancré sur le fond de la mer (on ne peut pas mettre l’éolienne sur un flotteur). »(1) Étrange myopie : des éoliennes off-shore flottantes sont déjà implantées dans cinq pays(4) et leur potentiel est estimé au sein de l’Union européenne à 150 GW en 2050, soit 1,5 fois l’actuel parc nucléaire européen.
Médiatiquement efficace, la méthode Janco est toujours la même. Énoncer sur un ton docte et impératif « il faut savoir que… » ou sa variante « vous devez comprendre que… ». Puis, choisir une image édifiante qui parle à tous, facile à reprendre dans les repas de famille : le train de 8 h qui ne partira pas un jour sans vent(5), la biomasse qui va désertifier l’Europe(1), l’argent mis sur l’éolien qui ne servira qu’à nous précipiter vers les ennuis(1), etc. Frisson garanti. Puis, noyer l’auditoire dans des chiffres(6), toujours assortis d’un calcul de coin de table.
Tel Janus, JMJ a donc deux visages, l’un tourné vers l’avenir et l’autre vers le passé. Le premier parle avec pédagogie et conviction du climat, de sobriété et d’efficacité énergétiques. Je suis le plus souvent en accord avec cette partie de son discours, même si la forme manque d’humilité et d’autocritique qui sont la marque des vrais passeurs d’idées.
L’autre face est doublement tournée vers le passé. Les renouvelables sont toujours évaluées à l’aune de leurs coûts et performances d’il y a 10 ou 20 ans, comme si l’on pouvait imaginer notre futur énergétique à partir d’une photo jaunie et non du film de leur dynamique progression. Et le nucléaire est magnifié avec nostalgie et une absence totale de recul critique.
Sur le climat et le gaspillage énergétique, le Docteur Janco nous alerte avec charisme. Son mauvais génie, Mister Vici, le lui sabote.


Flash back, vingt ans après

20 ans après - La maison écologique

Billet d’humeur flash back de Thierry Salomon paru dans La Maison écologique n°121 (février-mars 2021)

En fin d’année 2000, une poignée de doux aventuriers normands créaient à l’orée du millénaire la revue que vous tenez entre les mains. Vingt ans et 121 numéros plus tard (sans compter les hors-séries), vaillante et irréductible, La Maison écologique tient toujours debout. Mais autour d’elle, tout a profondément changé. Lire la suite


Billet d’humeur : Vingt ans après…

vingt an de La Maison écologique

121 numéros plus tard…

En fin d’année 2000, une poignée de doux aventuriers normands créaient à l’orée du millénaire la revue que vous tenez entre les mains. Vingt ans et 121 numéros plus tard (sans compter les hors-séries), vaillante et irréductible, La Maison écologique tient toujours debout. Mais autour d’elle, tout a profondément changé.
Il y a deux décennies, face au terrifiant bug de l’an 2000 et au pic pétrolier, le monde tremblait. Rien n’est arrivé, la punaise a fait pschitt et les cuves sont pleines. Mais aujourd’hui, chaque jour, trois millions de nouveaux programmes informatiques malveillants surgissent; d’après l’éditeur Symantec, et cent millions de barils partent en fumée. Chaque jour !

Durant l’année 2000, les avions transportèrent 1,67 milliard de passagers dans le monde. Ils furent 4,2 milliards à s’envoyer en l’air en 2018. Le fret maritime a fait bien mieux : il a quadruplé en vingt ans avec 792 millions de conteneurs en transit à travers les mers du globe en 2019. La concentration de CO2 ? Elle a grimpé de 369 à 412 ppm, du jamais vu depuis des millénaires. En 2000, Google, une micro-entreprise créée deux ans auparavant, quittait son garage pour déménager à Palo Alto. En 2019, la Terre entière et ses Terriens sont googlisés, la société vaut 1 194 milliards de dollars en bourse et compte 85 000 employés.


Billet d’humeur : Penser comme un arbre

penser comme un arbre

Et si nous regardions enfin les arbres ? Les regarder vraiment, pas simplement comme de simples ornements du paysage, verts, sympathiques et décoratifs.

Explorant avec talent de multiples branches de l’arbre de la vie, le botaniste, écologue, chercheur et écrivain Jacques Tassin nous y invite dans un stimulant petit livre dont le titre énigmatique est à lui seul un traité de philosophie : Penser comme un arbre (éd. Odile Jacob). Mais, nous dit-il, pour y parvenir, il nous faut d’abord poser sur l’arbre un regard neuf, admiratif et reconnaissant. Admiratif, car quelle technologie humaine est capable de créer de la matière vivante avec simplement du soleil, de l’air et un peu d’eau ? À coût nul, sans consommation d’énergie fossile ou fissile, tout en stockant du carbone au lieu d’en émettre ? Le moindre arbrisseau y parvient.

Poser sur les arbres un regard reconnaissant

Quel architecte, quel ingénieur est capable de concevoir l’égal d’un géant amazonien de 60 m de haut, déployant une surface totale de 150 000 m2, parfaitement en appui sur un seul tronc et 3 m de fondations dans un sol meuble où il pleut 3 000 mm d’eau par an ?

Quelle médecine humaine est capable de nous rajeunir chaque année ? Chaque arbre est potentiellement immortel puisqu’il n’a pas, comme nous, un programme de sénescence : un arbre grandit mais ne vieillit pas, ou plus exactement chaque année son horloge biologique repart à zéro. Rien à voir avec le botox et les crèmes anti-rides… Poser ensuite sur les arbres un regard reconnaissant, car nous leur devons – excusez du peu – l’oxygène de notre air, les glucides de leurs fruits, les matériaux pour nous loger, nous chauffer, cuire nos aliments ou bien naviguer sur les mers du globe. Avec en prime la beauté de nos paysages. Les arbres sont aussi une assurance-santé grâce à leur extraordinaire pharmacopée, encore très méconnue. C’est une assurance-eau ; les grandes forêts du globe permettent aux nuages chargés d’eau océanique de se décharger bien loin vers l’intérieur des terres.

Pour autant, nous accordons bien peu d’attention à leurs vertus. Pire, nous déforestons la planète avec une suicidaire inconscience. Selon Global Forest Watch, 24 millions d’hectares de forêts ont disparu en 2019, soit l’équivalent de la surface de la ville de Paris… toutes les quatre heures ! Pas rancuniers, forêts et arbres viennent à notre secours, tentant de réparer nos excès en stockant le carbone, favorisant la pluviométrie, dépolluant notre air. Alors aimons-les, car ils sont une pièce maîtresse de notre vie sur Terre, la rendant belle et habitable. Aimons-les pour leur puissance créatrice, leur sagesse. […]


Vive le soleil, vive le nucléaire !

Dessin enfant soleil MESSIRE FRERE SOLEIL

Messire frère Soleil

Billet d’humeur de Thierry Salomon paru dans La Maison écologique n°119

« Vous, les écolos, vous êtes contre le nucléaire par pure idéologie ! » Des ayatollahs verts, en somme, comme vient de l’écrire un avocat devenu ministre, empêtré dans la glu d’intempestives provocations.
Contre le nucléaire, moi ? Mais non, voyons. Je suis au contraire pour augmenter très fortement sa part dans notre mix énergétique. Mais attention : pas avec n’importe quel nucléaire…

Je suis pour un nucléaire inépuisable à l’échelle humaine, totalement sans risques, distribuable sur toute la planète sans lignes à haute tension. Gérant tout seul ses déchets. Et absolument gratuit à la production. Lire la suite


Billet d’humeur : Messire frère Soleil

Réacteur soleil

Vous, les écolos, vous êtes contre le nucléaire par pure idéologie ! » Des ayatollahs verts, en somme, comme vient de l’écrire un avocat devenu ministre, empêtré dans la glu d’intempestives provocations.

Contre le nucléaire, moi ? Mais non, voyons. Je suis au contraire pour augmenter très fortement sa part dans notre mix énergétique. Mais attention : pas avec n’importe quel nucléaire…

Je suis pour un nucléaire inépuisable à l’échelle humaine, totalement sans risques, distribuable sur toute la planète sans lignes à haute tension. Gérant tout seul ses déchets. Et absolument gratuit à la production.

Une verte et ayatollesque utopie ? Eh bien non. Un tel réacteur fonctionne depuis 4,5 milliards d’années et va continuer au moins autant. Il n’est pas à proximité de millions de personnes ainsi exposées à un risque industriel majeur, mais sagement situé à 150 millions de kilomètres. Il n’est pas réservé à quelques pays, mais disponible partout sur Terre. Il ne délaisse pas derrière lui des déchets hautement toxiques pour des millénaires, il les autoconsume. Et, sympa, il n’envoie pas de facture…

Le réacteur Soleil, puisqu’il s’agit bien sûr de lui, écrase donc toute concurrence. Or, curieusement, le nucléaire terrestre est toujours considéré par quelques influenceurs (supposés infaillibles puisque certains ont fait « Polytechnique ») comme LA solution à nos problèmes énergétiques. Les mêmes nous font miroiter le projet de réacteur à fusion nucléaire, ITER, qui consiste en toute modestie à « recréer le soleil sur Terre ». Pas pour demain, mais au mieux pour la fin du siècle, donc bien trop tard face à l’urgence énergétique et climatique. Et en construisant la bouilloire la plus complexe que l’homme ait jamais inventée pour, au final, produire banalement de la vapeur d’eau.

Rivaliser avec le Soleil ! L’astre doit bien se moquer de notre humaine prétention, lui dont la puissance est de 386 x 1015 GW, soit un million de milliards de fois supérieure à celle de toutes les centrales nucléaires existantes sur Terre (362 GW). Lui qui ne met qu’une seule seconde pour produire l’équivalent de notre actuelle consommation d’énergie durant un million d’années ! Chaleureux soleil grâce à qui la température moyenne sur Terre est tempérée à 15 °C et non réfrigérée à – 18 °C. Et généreux soleil dont le rayonnement permet la photosynthèse, cette géniale alchimie, ce graal solaire assurant la croissance des plantes, des fleurs et des arbres. C’est-à-dire – excusez du peu – la permanence de toute notre alimentation et la beauté de notre planète bleue.

Le Soleil, c’est la Vie. À Assise, en Italie, un vieux sage l’avait compris qui, à la veille de sa mort, rendit au Soleil un splendide hommage […]


Billet d’humeur : Vive l’extinction des éléphants blancs !

éléphant blanc

À la veille de la naissance de Bouddha, sa mère, la reine Mâyâ, fit selon la tradition hindouiste un rêve étrange où lui apparut un éléphant blanc. Bien que très rares, les éléphants albinos, blancs des pattes au bout de la trompe, existent bel et bien et ce rêve royal les a sacralisés et dotés de pouvoirs magiques. Dès lors, la possession d’un éléphant blanc fut un symbole de souveraineté, l’apanage des seuls rois et princes et un présent de très grand prestige, comme celui que le calife abbasside Hâroun ar-Rachîd offrit en l’an 802 à l’empereur Charlemagne.

Mais la générosité royale cachait parfois une intention moins bienveillante, car l’éléphant blanc pouvait s’avérer un cadeau empoisonné. D’essence divine, il était interdit de le faire travailler. Un prince recevant le précieux pachyderme devait donc l’entretenir et le nourrir sans qu’il ne lui rapporte la moindre roupie. Or, un éléphant, ça mange énormément et ça vit fort longtemps, épuisant peu à peu les ressources des princes peu fortunés et accroissant ainsi la puissance du malin donateur.

Puis, les éléphants blancs ont muté et sont devenus aujourd’hui le symbole de tous ces grands projets avides de magnificence mais dont l’exploitation se révèle, une fois la fête finie, aussi inadaptée que ruineuse. Éléphant blanc, l’aéroport andalou de Central-Ciudad Real, capable de recevoir des Airbus A380 et conçu pour accueillir 7 millions de passagers par an. Victime de la bulle spéculative immobilière, il a été fermé au bout de trois ans et vient de rouvrir fin 2019 pour accueillir – quel symbole ! – une base de démantèlement d’avions.

La France aussi a son éléphant blanc

Éléphant blanc, le gigantesque centre commercial South China Mail s’étendant sur 66 ha : neuf ans après sa création, seuls 10 % des 2 350 boutiques prévues s’y sont installées. Éléphants blancs aussi, les sept stades monumentaux construits au Quatar pour le futur Mundial qui ne serviront que le temps de quelques matches.

La France n’est pas en reste avec un éléphant blanc volant, le Concorde. De 1959 à 2003, le superbe et dispendieux oiseau aura coûté 20 milliards d’euros, soit 5000 € par passager ! Notre pays dispose aussi d’un éléphant blanc nucléaire, l’EPR de Flamanville, à l’accouchement aussi interminable que générateur de surcoûts abyssaux.

Mais, depuis quelques années, le tour de magie des superlatifs n’opère plus, suscitant même une opposition tenace. Ainsi, les projets d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, du méga-centre commercial EuropaCity et de la désastreuse mine de la Montagne d’or en Guyane sont tous trois abandonnés. […]