Acteurs : L’accompagnement, outil multifonction



Que ce soit par un artisan, un architecte, un maître d’œuvre ou une association, se faire accompagner dans son projet d’autoconstruction est gage de qualité, mais aussi de sérénité.

L’autoconstruction, c’est construire soi-même, pas tout seul. « Nous avons identifié trois catégories de pratiques d’accompagnement : par une association, un maître d’œuvre ou architecte, ou un artisan », détaille Raphaël Soulier, coprésident de la Fédac. Les Castors proposent de dessiner vos plans, monter le dossier de permis de construire, voire un suivi de chantier. D’autres associations, plus spécialisées dans l’habitat écologique, accompagnent aussi tout au long du projet, y compris dans la quête de fournisseurs, artisans ou l’organisation de chantiers participatifs. Les CAUE et espaces France Rénov prodiguent de précieux conseils, gratuits et indépendants. Fabricants et fournisseurs proposent souvent une assistance, la validation de plans, voire un technicien pour démarrer le chantier ou vérifier une installation.

Une ribambelle d’acteurs

L’accompagnement fait partie intégrante des missions des architectes et maîtres d’œuvre. « Il ne faut pas avoir peur d’eux et de leurs factures. C’est du jus de cerveau, mais ça permet de ne pas aller au bouillon », insiste l’artisan Christophe Billant (22). Autoconstructeur près de Lyon, Étienne confirme : « Si on trouve le bon, attentif à la définition de nos besoins, ce qu’on paye en architecte [10 à 15 % du coût des travaux pour une mission complète, ndlr], on le récupère par l’optimisation des espaces, qui fait économiser des matériaux et du temps. »

Franck (44) a fait appel à un Assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), qui « a apporté son savoir et son réseau. C’est une paix que tu achètes ». Sur le principe du Chèque emploi service universel, il a aussi salarié des travailleurs occasionnels du bâtiment (TOB), moins chers que des artisans mais requérant plus de paperasse, pour l’aider à bâtir sa maison en paille porteuse, « une technique alors inassurable pour une entreprise. J’ai endossé les risques en devenant particulier employeur ».


Avis d’experts : Les assurances dans la balance



Coincée entre une injonction sociale, une incompréhension de son fonctionnement et une réglementation inadaptée, l’assurance d’une autoconstruction se fait complexe et angoissante.

Alors qu’il s’agirait peut-être d’en faire le deuil.

Dans les yeux des autoconstructeurs qui courent après une assurance pour leur projet de maison, on voit vite une sorte d’ “erreur 404”. Ils subissent une injonction sociale à répondre “ouià la question “es-tu assuré ?, ils ont peur d’être dans l’illégalité, peur des problèmes en cas d’accident… Et de nombreuses structures font leur beurre sur ces inquiétudes », analyse Cédric Avramoglou, fondateur de Twiza, réseau d’entraide pour l’habitat écologique et participatif. Nombreux sont ceux qui cherchent le Graal. Certains se targueront de l’avoir trouvé. Lui affirme sans équivoque qu’assurer son autoconstruction « est techniquement impossible ».

Une législation inadaptée

Faute à un cadre législatif inadapté. Jérome Blanchetière, avocat spécialiste du droit immobilier, de la construction et des assurances, rappelle qu’en construction, seules deux assurances sont obligatoires depuis la loi Spinetta de 1978 : la « responsabilité civile professionnelle », plus couramment nommée « décennale », et la « dommage-ouvrage » (DO). La première doit être souscrite par les constructeurs professionnels. Elle s’applique sur les ouvrages qu’ils réalisent, durant les 10 années qui suivent leur achèvement, pour indemniser la victime de tout « dommage compromett[ant] leur solidité ou les rend[ant] impropres à leur destination ». La DO, elle, doit être souscrite par le maître d’ouvrage avant le début des travaux. Elle lui permet d’être indemnisé dès qu’il déclare un sinistre relevant de la décennale du constructeur. Ensuite, l’assurance du maître d’ouvrage et celle du professionnel s’arrangent.

Seulement, en autoréalisation, l’autoconstructeur est seul responsable des dégâts sur son bâti.

Là, ça cafouille. Car la DO demeure obligatoire sur le papier, mais ne peut pas être souscrite en pratique. Cédric Avramoglou explique : « Elle ne s’appuie QUE sur une décennale, elle est comme un relais » – une « subrogation », précise l’avocat. Attention à toute compagnie qui proposerait une solution miracle, comme la « DO autoconstructeur » au coût exorbitant ou des assurances non obligatoires au contenu librement fixé par les parties… « C’est bien pour les compagnies qui les vendent, moins pour les autoconstructeurs qui les paient en désespoir de cause », déplore le fondateur de Twiza.

Pour qu’elles indemnisent vraiment le jour où gros sinistre il y aurait, croiser les doigts… Après tout, « vous imaginez mal faire un travail sans rémunération et être payé pour le refaire. Ce serait la fête ! », ironise-t-il. Conclusion : faire le deuil d’une assurance sur sa construction, assumer la réparation de ses propres erreurs et… ne pas vendre dans les 10 ans (voir encadré ci-contre). Quels risques pénaux pour non souscription à la DO ? Jérôme Blanchetière rassure : « Il n’y [en] a pas pour la personne physique construisant un logement pour l’occuper elle-même. »


Avis d’experts : La RE2020 est-elle compatible avec l’autoconstruction ?



Réduire l’empreinte carbone et la consommation d’énergie des bâtiments ?

L’esprit de la Réglementation environnementale n’apporte rien de nouveau aux autoécoconstructeurs. Son application concrète, en revanche, trouble les habitudes.

La RE2020 complexifie les choses, mais les difficultés sont les mêmes que l’on construise avec des professionnels ou seul », rassure Jean-Luc Delpont, des Castors. Le grand changement de cette nouvelle Réglementation environnementale 2020 (RE2020) qui s’applique depuis janvier 2022 aux constructions neuves, c’est la prise en compte de l’impact carbone sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment. Le bois de structure et les matériaux biosourcés sont avantagés par la RE2020, qui vise à réduire de 30 % l’impact carbone à l’horizon 2030, avec des paliers dégressifs en 2025, 2028 et 2031.

Pas de place pour l’improvisation

Dès le dépôt de permis de construire, le maître d’ouvrage doit fournir différents documents attestant la prise en compte des exigences de performance énergétique et environnementale (voir encadré p. 41). Il faut ainsi être en mesure d’estimer son bilan carbone, avec des valeurs seuils à ne pas dépasser. ; « En tant qu’autoconstructeur, quand j’ai déposé ma demande de permis, je connaissais le mode constructif, la composition de l’enveloppe et l’aspect extérieur, mais je n’avais aucune idée des quantités des matériaux que j’allais utiliser », se souvient Étienne Béduneau. Dresser et justifier le bilan carbone de sa maison nécessite d’être particulièrement organisé et d’archiver l’ensemble des factures tout au long de la construction.

« Il faut désormais anticiper chaque détail, évaluer les quantités de matériaux mobilisées, connaître la marque des produits pour être sûr de respecter les seuils, et conserver de la marge, pointe David Lebannier. Un autoconstructeur achète souvent ses matériaux en fonction des opportunités. Il devra sans cesse se demander s’ils sont bien encadrés par une FDES* et si un changement ne modifie pas trop l’impact carbone. C’est un casse-tête, même pour une petite entreprise. »

Autre inquiétude, les plus petites filières (produits artisanaux, marginaux…) qui n’ont pas les moyens de faire réaliser ces FDES sont encadrées par des valeurs par défaut pénalisantes (six fois plus importantes que celle calculée au réel pour la brique de terre crue !). L’objectif affiché étant de forcer les filières à faire évaluer leur impact carbone.


Budget : Anticiper et maîtriser son budget



Si l’on choisit généralement l’autoconstruction pour des raisons financières, la réduction du budget doit beaucoup à la proportion de chantier réalisée soi-même et à une conception simple et pragmatique.

Le coût de l’autoconstruction d’une maison varie en fonction de très nombreux paramètres. D’autant que la hausse actuelle du coût des matériaux rebat les cartes (l’OSB a doublé, voire triplé par rapport à l’ère pré-Covid). Malgré tout, l’accumulation de retours d’expériences permet d’établir quelques repères (construction hors foncier) : 500 à 800 €/m² pour une maison simple et une part d’autoconstruction très élevée, sinon exclusive, 800 à 1 200 €/m² si des professionnels assurent quelques étapes (murs, charpente, couverture, suivi-formation…), 1 200 à 1 500 €/m² si vous ne prenez en charge que le second œuvre et 1 600 à 1 800 €/m² (voire plus) si le projet vise le niveau passif ou si la part pro augmente.

Plus la forme de la maison se complexifie, plus le coût risque d’augmenter.

« Le rectangle ou le carré sont les moins chers, résume Christophe Deffense, d’Arborescence habitat, accompagnateur dans l’autoconstruction bois (Gard). Une maison en L ou un toit à quatre pans au lieu de deux génèrent des surcoûts. » Par ailleurs, « concevoir à partir des formats standards des matériaux limite les chutes. Si vous utilisez des poutres en I pour un solivage, prévoyez une portée de 6,5 m maximum si elles sont vendues en 13 m ».

Artisan prestataire auprès d’autoconstructeurs (Drôme et Vaucluse), Jean-Baptiste Maurent a récemment aidé à bâtir une maison de 150 m²; dont le coût s’est établi à 800 €/m² pour un faible besoin énergétique de 40 kWh/m².an (chauffage, ECS, rafraichissement), alors que l’ossature et la charpente ont été montées par des artisans. « Le client s’est particulièrement engagé dans la construction, ce qui a permis d’assurer 1,5 équivalent temps plein lissé sur l’année de chantier. Et il a choisi une maison simple rectangulaire en ossature bois. » Les conditions de chantier (éloignement des fournisseurs, livraison et stockage difficiles sur place) peuvent aussi influer le coût global.


Techniques et matériaux : Comment faire les bons choix ?



Les options de matériaux et de techniques constructives sont innombrables, chacune avec ses avantages et inconvénients.

Pour déterminer leur propre recette, les autoconstructeurs doivent mélanger moult critères pour trouver les solutions qui leur conviennent le mieux.

Choisir parmi d’infinies options comment bâtir votre maison relève d’une équation à de multiples inconnues. « LA bonne technique n’existe pas. Il faut trouver la plus adaptée aux futurs habitants, souligne Dirk Kober, coach pour autoconstructeurs. S’ils veulent le plus écolo possible, on s’oriente vers la paille. Puis, je mets les pieds sur le frein : quel temps disposez-vous pour participer aux travaux ? Une maison paille requiert beaucoup de main d’œuvre, ce qui peut faire bifurquer vers une maison ossature bois avec isolation biosourcée plus classique. » Les matériaux bruts semblent à Raphaël Soulier « les plus adaptés à l’autoconstruction. La paille et la terre sont peu coûteux. Le bois est un peu plus technique », estime ce charpentier accompagnateur.

Venant de l’univers du spectacle, Lola se souvient qu’on s’y réfère à « un triangle dont chaque pointe est associée aux mots beau, rapide et pas cher. Tu ne peux avoir que deux de ces trois éléments. Beau et rapide, ce sera cher. Pas cher et rapide, ce ne sera pas beau. Il faut des compromis. C’est pareil pour les maisons ! ». Le sol de tout son logement est isolé en copeaux de bois. « On est allé les chercher gratuitement dans une menuiserie, mais il a fallu 15 allers-retours. »

Le matériel peut aussi faire partie du choix

C’est ce que pointe l’accompagnateur Jean-Pascal Despaux. « Des techniques se contentent d’outils électroportatifs [voire manuels, ndlr], d’autres requièrent des engins de levage. » Les conditions d’accès au terrain entrent alors en jeu, comme pour les camions de livraison. La part d’accompagnement entre aussi en ligne de compte : ;« Le client comprend vite comment faire du terre-paille et peut ensuite rester en autonomie, remarque Christophe Benoit.; Le pro doit être plus présent dans la durée pour une maison en béton cellulaire, qui demande une planéité parfaite. ». Vos choix dépendent donc aussi de vos savoir-faire, ou de ceux que vous êtes prêts à acquérir. « Des autoconstructeurs partent sur une technique, puis ne trouvent pas l’artisan qui la maîtrise, constate Raphaël Soulier. Mieux vaut trouver l’artisan avant pour y réfléchir ensemble. »

De même, rien ne sert de choisir le matériau parfait s’il n’est pas disponible près de chez vous ! Si votre terrain est pierreux, pensez-y pour soubassements et fondations. En Provence, pourquoi ne pas isoler en paille de lavande ? Une carrière, un fabricant de peinture; une briqueterie à proximité réduiront l’énergie grise de votre maison. ; « Le pin des Landes est dans toutes les scieries landaises et on a un fabricant de panneaux de fibre de bois à côté », note Jean-Pascal Despaux, en Gironde.

Si vous partez avec l’idée d’organiser des chantiers participatifs, les choix techniques s’en ressentiront : plusieurs personnes peuvent-elles intervenir en même temps, combien d’outils le procédé requiert-il, les tâches peuvent-elles être scindées en étapes simples ?


Sécurité : Les clés d’un chantier sans dangers



Sur un chantier, les risques sont nombreux. Et l’autoconstruction ne déroge pas à la règle.

Prévention, bons équipements, consignes de sécurité, bonnes postures et organisation sont les clés pour assurer la sécurité de tous·tes.

C’est une expérience dont Olivier Carpentier se souviendra longtemps. Lui qui pensait avoir tout prévu en termes de sécurité sur le chantier d’autoconstruction de sa maison, en Ille-et-Vilaine, a vu son doigt arraché par la bétonnière de seconde main qu’il s’était procurée. ;« Il manquait le clapet de protection sur l’engrenage. Je faisais très attention quand elle était en marche. Mais, en la nettoyant alors qu’elle était éteinte, je l’ai fait tourner manuellement, mes gants ont glissé et ma main a été prise au piège. Sans gants, j’aurais sûrement perdu ma main », raconte-t-il.; « Ces choses arrivent malheureusement, surtout avec du matériel d’occasion », prévient Roselyne Laurent, l’architecte qui a dessiné les plans de la maison d’Olivier.

Préparer l’accessibilité

Sur un chantier, le risque zéro n’existe pas. Il est d’autant plus important chez les autoconstructeurs, dont ce n’est pas le métier. Du fait de leur légèreté, tronçonneuses et disqueuses, notamment les petites, sont souvent tenues à une main et sans bons appuis, augmentant le risque de se couper. Les scies circulaires et leur possible retour de lame sont aussi particulièrement dangereuses. 

Christelle Dupont, encadrante de chantiers participatifs terre-paille en Bretagne et en Pays-de-la-Loire et cofondatrice de l’association Botmobil, mise sur la prévention. Avant le chantier, l’artisane fournit aux porteurs de projet une liste détaillée du matériel (dont l’essentiel extincteur) et des outils nécessaires, ainsi qu’une pharmacie à prévoir pour les premiers soins (voir encadré p. 66). « Nous envoyons aussi un document résumant les consignes de sécurité sur un chantier; les usages appropriés d’éléments tels qu’escabeaux, échelles, outils électroportatifs. Avec les autoconstructeurs, nous préparons l’accessibilité du chantier avant l’arrivée des bénévoles pour qu’il se déroule dans de bonnes conditions. Si le terrain est cabossé, on l’aplanit. Si la maison est construite sur pieux, ou pas au même niveau que le sol extérieur, on fabrique une rampe en bois solide et stable. Cela évite d’avoir à enjamber une structure ou de marcher sur deux parpaings empilés », indique-t-elle.


Autoconstruction : un an de travaux à budget riquiqui

Autoconstruction petit budget

Deux ans de conception pour seulement un an de travaux en autoconstruction, menés par ces deux aides-soignants du Maine-et-Loire en respectant leur budget ultra-serré. Une prouesse relevée sans pression et avec passion.

Article paru dans la rubrique Autoconstruire de notre magazine n°119 (octobre-novembre 2020) et offert avec grand plaisir aux internautes d’un jour ou de toujours visiteurs curieux de notre site Internet.

Texte et photos Gwendal Le Ménahèze (sauf mention contraire)

Autoconstruction rime souvent avec tensions, exténuation, séparation. Mais pas dans le dictionnaire de Lydie et Jean-Charles Noguès. Les pièges ne manquaient pourtant pas pour ce couple d’aides-soignants qui a mené son chantier en autoconstruction quasi totale sur un an seulement, tout en gardant leurs emplois à plein temps et en élevant leurs trois premiers enfants. Sans aucun retard, ni dépassement d’un budget très serré, leur projet a plutôt rimé avec parfaite sérénité. Un exploit qui ne doit rien au hasard… Lire la suite


Territoire : Autoconstruire ses outils de production d’énergie



Niché dans une ferme de la Loire qui accueille des activités agricoles et culturelles, l’Atelier du Zéphyr propose des stages pour autoconstruire ses outils de production d’énergie renouvelable.

Accros aux stages d’autoconstruction, Aurélie et Clément ont créé l’Atelier du Zéphyr, en 2018, pour partager leur savoir-faire et le transmettre. Cuiseur solaire parabolique, cuiseur rocket aux allures de petit chaudron, éolienne Piggott à adapter en fonction de ses besoins en électricité ; l’association propose des formations, encadrées par quatre salariés, afin de construire des outils pour se chauffer, cuisiner ou produire son électricité. « On fait la promotion de l’autoconstruction et des énergies renouvelables. On ne vend pas un produit. L’idée est de pouvoir faire un cuiseur solaire ou une éolienne et d’être ensuite assez autonome pour la réparer soi-même, souligne Aurélie. Pendant les stages, on en profite pour donner envie aux gens d’utiliser une autre énergie pour se nourrir. Cette semaine, par exemple, le stage porte sur le Poelito [un petit poêle semi-démontable pour chauffer et/ou cuisiner, ndlr] et comme il fait beau, le cuiseur solaire parabolique et le cuiseur à bois servent pour préparer à manger. » En 2021, 90 stagiaires sont passés par l’Atelier et certains reviennent même construire un cuiseur ou un poêle utilisés pendant leur séjour à la ferme.

Transmission et accessibilité

Outre la sensibilisation par l’usage, l’Atelier du Zéphyr partage en open source tous les manuels de fabrication dont il dispose, notamment via son site Internet. « Nous n’avons quasiment rien inventé, il y a déjà de très chouettes outils qui existent. Il arrive souvent qu’on reprenne des idées déjà réalisées par certains qui n’ont pas eu le temps de faire de la documentation. Alors, nous faisons les plans pour les partager », explique Aurélie. Inspiration, coups de mains, regroupement des forces, l’Atelier du Zéphyr fait partie d’un riche réseau d’acteurs de la low tech et de l’autoconstruction : Tripalium pour les éoliennes, Feufollet pour les cuiseurs à bois, le Low-Tech Lab, Oxalis, Alter’Eco 30, etc.

Si la maîtrise de l’énergie peut paraître technique, l’association a plus d’un tour dans son sac pour la rendre accessible. « Sur notre site, on fait des articles pour vulgariser. Par exemple, on en a fait un sur le feu de bois pour expliquer ce qu’est une combustion propre avec des mots simples. » Et pour les novices en bricolage, des initiations mensuelles de 2 à 3 h reprennent les bases de la soudure à l’arc, de la brasure ou encore de l’électricité. Elles ont lieu à Lyon, dans un atelier de la friche Lamartine* et s’adressent à un large public, au-delà des autoconstructeurs stagiaires.


Autoconstruire : Résiliente et autonome, c’est tout naturel



Dans les Vosges, Louise et Mathieu ont autoconstruit une surprenante maison ronde. Ils concrétisent dans cet écrin naturel fait de terre, de bois et de paille leur désir d’autonomie en eau, chauffage et électricité.

La maison autoconstruite par Louise McKeever et Mathieu Munsch dévoile ses contours arrondis au détour d’un virage, une fois passé le centre du hameau de La Grande-Fosse (88), au cœur du parc naturel des Ballons des Vosges. Dans ce village, situé à 70 km de Strasbourg, ces trentenaires ont concrétisé un ambitieux projet. Leur habitat de terre, de bois et de paille perché à 630 m d’altitude n’est pas raccordé au réseau EDF, pas plus qu’aux réseaux d’eau potable et d’assainissement.

Cette autonomie, les deux ex-militants pour le climat n’envisageaient pas de la conjuguer avec « isolement ». Ici, ils sont bien tombés, comme le laissent deviner les panneaux solaires sur la toiture de l’église. Leur écohabitat a poussé sur 4 000 m2 de terrain dans un bourg résolument engagé dans la transition écologique.

Louise, 29 ans, est Irlandaise. Mathieu, 33 ans, est d’origine alsacienne. Leur parti pris de construire une maison ronde résulte de critères fonctionnels et esthétiques. « Les formes rondes diminuent la prise au vent, ce qui limite les déperditions thermiques. De plus, dans une petite maison, les arrondis augmentent l’impression d’espace », argumente Louise. Le désir d’avoir une maison naturelle en puisant les ressources alentours pour la construire a fait le reste.

Charpente en bois ronds

Le couple a puisé dans un rayon de 50 km la majorité des matériaux nécessaires à son projet conçu dans l’esprit d’une tiny house. Il a donc été décidé d’adapter l’habitation au climat et aux ressources disponibles, notamment forestières. De rares concessions ont été faites, à l’instar de déchets recyclés employés dans les fondations : agrégats de démolition et verre expansé issu du recyclage de pare-brises (Misapor).

Le pin douglas utilisé a poussé dans une forêt voisine de 30 km, à Urmatt (67). Cette essence a été mise en œuvre directement sur le chantier sous forme de bois ronds pour la structure et la charpente, sans passer par la case scierie. Mathieu et Louise ont retiré l’écorce et l’aubier des grumes livrées sur leur terrain et appliqué, comme unique traitement, de la cire d’abeille pour protéger les sections de bois coupé laissées à l’air libre. « Les bois ronds résistent mieux aux contraintes de flexion, car leurs fibres sont préservées par l’absence de sciage. En revanche, nous n’avions aucune garantie technique », explique le jeune Vosgien. 

Support d’une magnifique toiture-prairie (lire p. 19), huit poteaux – quatre à l’avant de la maison, quatre à l’arrière – accueillent deux poutres horizontales sur lesquelles reposent 17 sections rondes. Cette structure porteuse a été assemblée lors du premier été de travaux, en 2019, ménageant un abri bienvenu pour la paille. Les bottes en provenance d’Obernai (67), à moins de 50 km, ont été posées à chant l’été suivant (ép. 45 cm). Heureusement, Louise et Mathieu n’étaient pas seuls. Au total, 72 volontaires se sont succédés lors des deux ans de travaux dans le cadre de chantiers participatifs.