Dossier : Chantier en famille un jeu d’enfants ?

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L’autoconstruction ou la rénovation de son chez-soi se double souvent de la mission d’être parent. Avec des ados, de jeunes enfants ou un bébé en devenir, pas toujours facile de réaliser dans les temps et en toute sécurité le chantier idéal ! Pas de panique, l’expérience des uns peut nourrir les projets des autres pour faire du chantier en famille un jeu d’enfant.

Éloigner les enfants d’un chantier est une option. Aménager leur présence aussi ! Auprès de leurs parents à l’œuvre sur les travaux, les mômes peuvent même développer de nouvelles compétences. À condition de s’organiser pour que leur présence se déroule sereinement.

Bruit sourd et prolongé, sol parsemé d’outils tranchants, poussière volante… À priori, les chantiers ne sont pas des espaces adaptés aux enfants. La plupart des parents autoconstructeurs préfèrent les tenir à l’écart. Comme Delphine et Marc, qui bâtissent une maison en bois et paille dans le Périgord Noir depuis 2021. Sur le terrain, ils ont aménagé une aire de jeux avec toboggan, tyrolienne et plateforme pour occuper leurs enfants Valentine, 10 ans, et Oscar, 4 ans. « Pour nous, la maison est un projet de couple. On le fait pour notre famille, mais on le porte à deux, justifie Delphine. Avoir les enfants sur le chantier ne nous convient pas. Monter l’ossature bois ou insuffler de la ouate de cellulose sont des postes dangereux. On perd trop de temps à les surveiller, leur expliquer les choses… »

Mais voilà, Valentine et Oscar, quand ils ne sont pas à l’école et quand ils n’ont plus envie de jouer seuls, observent, s’approchent et manifestent parfois leur envie de participer. Delphine leur confie des tâches peu préjudiciables comme tamiser la terre ou passer la première couche d’enduit. « Les enfants sont friands d’imitation. C’est une composante de leur apprentissage. Ils vont, par exemple, adorer passer le balai parce que les adultes le font », explique Lisa Perron, psychologue clinicienne. Pas étonnant de les voir s’intéresser au chantier. D’autant plus que celui-ci s’étale souvent sur plusieurs mois, rendant difficile voire impossible pour les parents de se défaire des enfants aussi longtemps. Il leur faut donc concilier travaux et vie de famille.

Sur le chantier pour mieux les surveiller

Pour Julien et Audrey, qui autorénovent depuis 2017 dans le Jura Vaudois, la solution est toute trouvée : intégrer totalement Martin et Noé, leurs garçons de 8 et 4 ans, sur le chantier en les faisant bricoler avec eux. Eux, c’est l’aspirateur de chantier qu’ils ont élu jeu favori, en compétition avec le tri des vis par taille et le rangement des outils à fil impeccablement dans leur coffret. « Ils se sont avérés être les meilleurs assistants que l’on puisse avoir », se gargarisent leurs parents, ajoutant que « le chantier est aussi leur espace de vie, car on habite la maison alors mieux vaut en faire un lieu d’amusements que d’interdits ». Quand ils n’aident pas à jointer les plaques de plâtre, ils s’amusent avec les chutes de bois et les fils électriques démontés pour leurs propres projets, sur leur établi taille enfant.

Du côté de Moulins, dans l’Allier, Franck et Julie autoconstruisent une paillourte avec leurs quatre enfants âgés de 2 à 9 ans. « Comme ils sont en instruction en famille, ils sont tout le temps avec nous, donc il nous semblait logique qu’ils participent aussi aux travaux, confie Julie. Ils ont apporté les pierres des fondations dans leur petite brouette, fait des enduits terre et même cloué le voligeage avec une étonnante capacité à redresser les clous qui se tordaient sous leur marteau ! »

Chez Eulalie, qui autorénove une maison en terre et galet près de Toulouse, Leave, 6 ans, demande souvent à aider. Elle étale des bâches de protection, peint les boiseries et passe même une couche de badigeon avec le gros pinceau plat. « Même si ça ne dure que 30 min ou 1 h avant qu’elle s’impatiente, je ne refuse pas sa présence. Cela nous fait passer un moment ensemble », témoigne la maman. Pour ces parents, faire participer les enfants permet de les garder à l’œil et partager des moments avec eux en même temps qu’ils avancent les travaux. Les enfants, eux, satisfont leur désir d’observer et de participer aux activités de leurs aînés qui les aident à s’inscrire dans la communauté, à trouver leur place, et même à grandir.


Autoconstruire : 300 m3 de terre du jardin pour ériger leur maison en pisé

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Bricoleur invétéré, Grégory Rubio a construit dans le Cantal sa maison familiale en pisé grâce à 300 m³ de terre excavée du jardin ! Équipée d’une serre solaire et d’un poêle à inertie, ses 167 m2 disposent d’un confort thermique unique.

Dans le Cantal en hiver, il fait froid ! Et l’été, il fait plutôt chaud… Lorsqu’en 2008 Grégory et sa compagne Stéphanie cherchent à rénover une grange autour d’Aurillac, ils sont donc particulièrement attentifs à l’inertie thermique du bâtiment. Mais pas seulement. « Nous voulions exploiter au maximum les calories solaires pour le chauffage passif. Ici, il y a plus d’heures d’ensoleillement qu’à Toulouse, alors autant en profiter ! », insiste Grégory. Mais le couple ne trouve aucun bien adéquat… « Toutes les bonnes affaires avaient été faites. Alors nous nous sommes résolus à construire une maison neuve en maçonnerie lourde avec une serre attenante pour chauffer la maison l’hiver, en utilisant le plus possible de matériaux bruts et locaux, à la fois pour des raisons économiques et écologiques », poursuit-il.

Mieux vaut tester que pester

Reste à trouver le terrain – grand ! Au moins 2 500 m², car Stéphanie et Grégory envisagent un potager, une phytoépuration, un cabanon et une maison spacieuse pour eux et leurs deux enfants. En prime, ils veulent le soleil présent dans le logement du matin au milieu de l’après-midi et, surtout, de la terre exploitable pour construire en pisé. « À l’époque, je dirigeais une association de culture urbaine à Aurillac pour laquelle j’avais fabriqué un skate-park avec un bowl en bois. J’étais bricoleur et j’ai voulu bâtir moi-même la maison pour me former. Mais je n’étais pas prêt à transporter des tonnes de pierres pour imiter le bâti local, raconte l’autoconstructeur. Je connaissais le pisé et l’avantage de sa forte inertie, alors nous avons cherché un terrain avec une terre idéale pour cette technique, contenant assez d’argile pour assurer une bonne cohésion mais pas trop pour éviter les fissurations au séchage. »

Lorsqu’à l’été 2009 le couple trouve un terrain optimal à Teissières-lès-Bouliès, à 20 min d’Aurillac, Grégory prend la peine de tester la terre avant de signer. Il pioche à deux ou trois endroits et réalise plusieurs expériences. Il remplit une bouteille de terre bien mouillée, puis laisse décanter pour juger la proportion d’argile par rapport au sable, l’idéal étant d’être autour de 15 %. « On peut aussi presser une boule de terre dans la main. S’il est possible ensuite de la séparer en deux sans qu’elle éclate, c’est que la terre a une bonne cohésion », propose-t-il. Ces premières expériences se révélant positives, il apporte un seau de terre à un spécialiste du pisé (qui n’est actuellement plus en activité), qui la juge parfaite !

Le terrain acheté, les premiers coups de tractopelle sont donnés le 5 avril 2010. Le but : aménager rapidement une annexe de 55 m² dans laquelle la famille puisse s’installer en attendant la fin des travaux de la maison principale attenante de 167 m². Pour les fondations et la structure poteau-poutre (béton armé) des deux bâtiments, Grégory fait appel à un ami maçon qui lui explique comment réaliser ses ferraillages, ses coffrages et doser les bétons. Deux autres amis viennent ensuite lui donner un coup de main sur le chantier. Ils comprennent vite la technique : la maçonnerie, les soubassements de 80 cm en schiste, les réseaux et la phytoépuration sont terminés en cinq mois (hors poutres réalisées à l’été 2011) alors que Grégory travaille encore à plein temps.

En parallèle, commence le travail du pisé, suivant la même démarche. Grégory se renseigne, lit et se forme auprès du même spécialiste ès pisé. Il passe une journée avec lui, pose beaucoup de questions et « rentre serein ».


Autoconstruire : Autoconstruire en un an, sans expérience

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Sans expérience en construction, Arnaud et Sabine ont bâti leur maison bioclimatique bois-paille à Bassens, en Savoie, en seulement une année. Leur secret ? Ils ont su bien s’entourer.

L’image idéale que l’on peut avoir d’un chalet, Arnaud et Sabine l’ont reproduite pour leur maison. « C’était surtout l’idée d’Arnaud, qui a passé une bonne partie de son enfance près des stations de ski dans les Alpes », justifie sa compagne. Avec une façade mêlant bois et pierre, un toit large et très pentu et une terrasse perchée dans le vide, offrant un panorama sur les Bauges, les Belledonne et la Chartreuse. Mais ici, à Bassens (73), la maison culmine à 476 m d’altitude. À l’intérieur, pas de bois mais des enduits terre qui favorisent l’inertie thermique(1). Pas de large cheminée, mais un poêle de masse qui ne consomme que 5 stères par an pour 157 m2 de surface de plancher. Dans les murs, le pouvoir isolant des bottes de paille y est pour quelque chose. Face aux canapés de velours, de larges baies vitrées au sud laissent entrer les rayons du soleil pour chauffer naturellement tout en offrant une large vue sur le Mont Granier. Bioclimatique et économe en énergie, la maison de Sabine, Arnaud et leurs deux enfants a tout du chalet nouvelle génération. Une réussite que ces néophytes en construction ont autoréalisée en un an seulement.

En 2015, tout part du terrain. « On n’habitait pas loin et on courait souvent par ici. Tout était vert, il y avait des chevaux et cette vue, raconte Sabine derrière ses yeux bleus expressifs. Un jour, on voit le panneau d’un permis d’aménager. Il était prévu 17 habitations. On était dégoûtés. » Puis, Arnaud lance : « Pourquoi pas nous ? » Alors que leurs enfants grandissaient, le couple cherchait un plus
grand logement. À rénover, de préférence. L’emplacement
idéal avec une vue magnifique, à 10 min de Chambéry, ses commodités et sa gare, les amène à questionner ce
premier choix.

Se former à un mode constructif adapté

« Dans tous les cas, ça allait être construit, autant y implanter une maison écologique », pense alors ce couple qui s’était pris d’intérêt pour les maisons en bois et paille. Le hic ? Le prix du terrain fait exploser leur budget. Impossible de faire construire par une entreprise. Jusqu’à ce que Sabine souffle à Arnaud : « Et si tu faisais tout toi-même ? » À l’époque, il est chargé de projets chez un bailleur social et elle travaille dans une association spécialisée dans la rénovation et le bâti, l’Asder(2). La construction, tous deux la connaissent dans la théorie, « mais pas en pratique… », rigole encore Arnaud.


Décryptage : Le vrai / faux de l’autoconstruction

AUTOCONSTRUCTION

Qu’ils viennent des autoconstructeurs eux-mêmes ou de leur entourage, l’autoconstruction fourmille d’a priori.

Pour se lancer en connaissance de cause et savoir répondre aux discours extérieurs, démêlons le vrai du faux.

Un chantier en autoconstruction dure des années 

L’autoconstruction est soumise à une équation à trois variables, qui ne se conjuguent que deux par deux, jamais toutes ensemble : construire pas cher, vite, de qualité. Si vous avez du temps, vous aurez donc besoin de moins d’argent pour bâtir un logement performant. Le temps est la principale variable d’ajustement, les autoconstructeurs disposant en général d’un budget limité et souhaitant un habitat qualitatif puisque ce sont eux qui y vivront. Mais tout dépend des autoconstructeurs, de leurs compétences, leur emploi, la main d’œuvre sollicitée ou non, du bâtiment (taille, matériaux, performances…). Bien que rares, certains bouclent le chantier en un an. Mais les retours d’expériences publiés par La Maison écologique durant plus de 20 ans montrent une moyenne de 32 mois, variant entre 12 et 84 mois.

 Il faut être bricoleur dans l’âme pour autoconstruire 

« Je ne me pensais pas capable de ça, j’étais prof de théâtre, citadine, et je me suis retrouvée à manier la visseuse et la circulaire pendant quatre ans ; ces choses qui me faisaient carrément flipper avant, s’amuse Lola, qui a autoconstruit sa maison en Ariège. J’en ressors avec pas mal de connaissances et de confiance en moi. J’ai découvert qu’avec du temps et de l’envie, tout est à ma portée ! » Il suffit souvent de se former ou se faire accompagner.


Témoignages : Les 13 commandements d’un chantier serein



Autoconstruire est une sacrée aventure.

Pour qu’elle ne se transforme pas en épreuve, voire en cauchemar, voici les conseils tirés de nombreux retours d’expériences pour faire rimer chantier avec sérénité.

La fleur au fusil tu ne partiras pas

Soyez conscient de ce qui vous attend, sans sous-estimer la charge, ni surestimer vos capacités (travailler soirs, week-ends…). Il y aura des moments de doute, de fatigue, de stress. Pour se rendre compte de la réalité d’une autoconstruction, rencontrez, discutez, lisez…

Au plus près du chantier tu habiteras

Pendant qu’Adeline et Nicolas (22) bâtissaient la maisonnette de 15 m2 où habiter durant le futur « vrai chantier », « il fallait encore plus anticiper, transporter le matériel… On ne se déplaçait pas pour une soirée. En habitant sur place, c’est aussi plus simple de réceptionner les livraisons. Sans la pression d’un double loyer, on a pu finir les travaux avant d’emménager et faire des pauses pour préserver notre corps et notre couple ». D’autres installent une caravane, une yourte, ou un mobil-home comme Martin (42) : « Notre bébé venait de naître. Je ne serais pas rentré dans notre location à 15 km pour manger avec eux le midi. En vivant sur place, on se retrouvait plus souvent. » Revers de la médaille pour Ben et Lola : « On ne décroche jamais, le chantier est là, il t’appelle. Mais si ça évite un quart d’heure de voiture tous les jours, sur quatre ans, ça économise pas mal de gazole ! Et même quand tu as des enfants, tu peux y aller 1 h par-ci ou 3 h pendant la sieste. » Mais Amélie (33) préférait « pouvoir rentrer au chaud, me doucher, ne pas trouver mes enfants couverts de boue. Notre plan de financement global permettait de nous accorder un an de location ».

Le confort du lieu de vie provisoire tu ne négligeras point

Morgan (29) a protégé son mobil-home sous le futur carport, y a ajouté une isolation en paille et un poêle pour obtenir « 40 m2 confortables ». Le chantier pèse moins sur le quotidien quand le lieu de vie est entretenu, praticable et pratique. Sa surface étant réduite, vous passerez du temps dehors ; aménagez une terrasse « hors boue », une pergola, agrémentez de quelques fleurs… Stéphanie et Julien (44) investissaient une caravane sur leur terrain l’été, mais louaient à 20 min le reste du temps. « Tu es moins efficace, mais tu rentres dans un endroit propre et tu coupes du chantier. »


Planning : Un calendrier à dompter



Préparer le planning de son chantier à la lumière de ses compétences, de sa disponibilité et des contraintes extérieures évite les mauvaises surprises qui peuvent coûter cher. Mais il est compliqué d’estimer la durée de toutes les phases.

Suivez le guide !

Pas facile d’estimer la durée des travaux quand on s’engage dans l’autoconstruction de sa maison. Prévoir « un an minimum si tous les facteurs sont réunis : chantier bien préparé, compétences techniques et travail cinq jours par semaine à temps plein », prévient Éric Tortereau, coprésident des Castors, association d’autoconstructeurs. Dans les faits, les travaux s’étalent en général sur trois ou quatre ans, voire bien plus, dès lors qu’une de ces conditions n’est pas remplie ou que des imprévus (inévitables !) entravent leur déroulement (budget, livraison…). « Cela varie aussi selon la technique constructive, poursuit-il. Une dalle en bois prend moins de temps qu’en béton. »

Un projet d’autoconstruction ne se résume pas aux travaux : entre la naissance de l’idée et le premier coup de pelle, il s’écoule en général six mois à deux ans. « L’autoconstruction est un art de vivre du bricolage et non une opération commando, avance Franck Mathieu, autoconstructeur et animateur d’Archipossible, qui accompagne les autoconstructeurs en Île-de-France. Commencer par dessiner progressivement son projet aide la pensée à se préciser et permet de communiquer avec des artisans et fournisseurs. »

Les prémices du coup de pelle

« C’est quand il faut prendre des décisions pragmatiques qu’on sait si on est mûr : trouver un terrain, engager des dépenses, pointe Jean-Pascal Despaux, accompagnateur en Gironde. Si on ne se lance pas, c’est que ce n’est pas le moment. » Se mêlent les phases de promotion immobilière (compromis de vente, étude de faisabilité, recherche de financement) et de conception (définition des usages, thermique, volumétrie, choix constructifs, permis de construire). « Il ne faut surtout pas négliger le temps de conception, signale-t-il. D’une première esquisse jusqu’au plan détaillé, on confronte ses envies et ses usages aux contraintes techniques et budgétaires. » S’assurer en amont de la maîtrise des techniques et matériaux réclame plus ou moins de temps (lire p. 18-21).
Reste à monter son équipe, consulter les éventuelles entreprises, puis contractualiser. Après seulement démarre la mise en œuvre.

L’organisation

André Coste, qui a bâti selon la méthode du Greb, insiste sur l’intérêt d’avoir « des plans très détaillés, qui facilitent l’exécution, avec par exemple les passages de gaines. Une fois dans le chantier, tu réfléchis moins, ça avance vite et il faut anticiper les périodes pour lesquelles tu auras besoin de renfort par des bénévoles ou des pros ». Ses plans ont été réalisés par un architecte pour 5 % du coût de la construction. L’intervention d’un pro (lire p. 26-29)  réduit aussi le risque d’erreurs qui rallongeraient le chantier.

Pour que les délais ne s’étirent pas, assurez-vous en amont d’avoir l’espace pour accueillir les véhicules de livraison (chemin carrossable, place pour les manœuvres) et stocker les matériaux. « Du fait de la pénurie de bois, on a intérêt à le commander le plus tôt possible », conseille Jean-Pascal Despaux, à condition de pouvoir le conserver dans un espace hors d’eau et bien aéré. Le calendrier agricole commande par ailleurs la disponibilité de la paille, qui se récolte en juillet. Elle peut être posée dans la foulée si l’ossature est prête. Sinon, il faut la stocker au sec, même pour une courte période. Vérifiez régulièrement votre stock de quincaillerie pour ne pas interrompre votre travail faute de vis.


Enquête : Comment se préparer avant le chantier



La préparation n’est pas une option.

Les moyens de s’armer avant d’entamer vos travaux ne manquent pas : lectures, rencontres, visites, chantiers-tests… Faites votre choix !

Avant le premier coup de pelle sur votre terrain, ne négligez pas la phase préparatoire, d’un mois à temps plein jusqu’à plus de deux ans suivant l’assiduité, les compétences initiales, etc. « Les chantiers les plus performants en termes de matériaux écologiques et de consommations énergétiques sont ceux des personnes qui se sont beaucoup renseignées en amont, ont visité d’autres maisons, rencontré des associations, fait des chantiers participatifs, lu des blogs, magazines, livres, etc., constate Tassadit Bonnardot, qui étudie depuis 2019 les pratiques d’autorénovation dans le cadre d’un doctorat. Se faire accompagner dès le départ est la deuxième clé » (lire p. 26-29).

Se renseigner

À La Vicomté-sur-Rance (22), Adeline et Nicolas ont commencé par « beaucoup de lectures (voir p. 22-24), notamment de livres professionnels. Une bibliothèque proche dispose d’un rayon fourni sur l’écoconstruction. Et on s’est abonnés à La Maison écologique ». De même que Florent et Chloé, qui ont autorénové à Fontaine-lès-Dijon (21), pour « avoir des notions sur les matériaux, la technique. Si on ne sait pas à peu près de quoi on parle, on obtient peu de conseils adéquats en discutant avec des artisans. D’autant plus qu’on trouvait peu de pros qui maîtrisent les écomatériaux, donc sans s’y connaître, on se fait orienter dans d’autres directions ».

Nicolas et Adeline ont aussi suivi des blogs d’autoconstructeurs « qui y partagent ce qu’ils vivent, comment ils font, quelles problématiques ils rencontrent… ». Les sites Internet fourmillent, mais il est souvent difficile, pour un néophyte, de distinguer les infos pertinentes des conseils malavisés. « Je regardais des vidéos tutos, mais je me suis rendu compte après coup qu’elles ne sont pas toujours pertinentes », se souvient Florent. Julien, à Maisdon-sur-Sèvre (44), a passé « un paquet d’heures incalculable sur Internet. Je me suis vite concentré sur les forums, car tu peux y échanger avec des gens. Celui d’Approche-Paille était dynamique. Même les anciens posts sont utiles ». Twiza vient de lancer le « premier forum d’entraide dédié à l’habitat écologique, participatif et convivial ».

La liste de discussion Bâtir sain et le forum des Compaillons sont aussi précieux. D’autres sites, moins ciblés écoconstruction, restent intéressants : Forum construire, Onpeutlefaire… De plus en plus de webinaires éclosent et, pour des échanges moins virtuels, assistez à des conférences, débats ou ateliers.


Lire, voir, écouter : Les ressources pour échafauder son projet



Livres, magazines, sites Internet, vidéos, podcasts ; les ressources sont nombreuses pour trouver conseils et inspirations pour un projet d’autoconstruction.

Sélection de nos références favorites.

À moins d’être échoué sur une île déserte, vous ne vous lancerez pas dans un chantier d’autoconstruction sans avoir pris le temps de le mûrir. Quels matériaux choisir ? Quels architecture et agencement prévoir ? Y a-t-il des normes à respecter ? Comment chauffer, rafraîchir, ventiler ? Vous aurez des centaines de questions, vous chercherez de l’inspiration… Voici notre sélection pour vous guider dans la pléthore de ressources à disposition.

Pas évident de ne pas mentionner votre humble serviteur, le magazine La Maison écologique. Témoignages et reportages chez des autoconstructeurs (en neuf et en rénovation) côtoient enquêtes techniques, cahiers pratiques et conseils de professionnels pour anticiper vos propres chantiers.

Inspiration et retours d’expériences

Pour s’inspirer et s’abreuver de retours d’expériences, vous pouvez dévorer l’ouvrage de Benjamin et Pauline sur leur autoconstruction atypique (architecture Earthship) avec chantier participatif géant, La Maison magique (Massot, 2022). Pour suivre un projet avec 90 % de réemploi et beaucoup de sobriété, vous apprécierez Autoconstruire en réemploi (Ulmer, 2021)(1). Partez à la rencontre de 28 autoconstructeurs avec Ils ont construit leur maison, édité par La Martinière (2016) en partenariat avec La Maison écologique. Pour une soirée ciné, visionnez gratuitement le réjouissant documentaire La Maison en A (2) où vous rencontrerez Elisabeth, autoconstructrice sexagénaire dont l’ingéniosité et la persévérance lui ont permis de boucler son projet avec 40 000 €.

Pour « se préparer à un chantier d’autoconstruction », rendez-vous dans le Mémento de l’association Habitats énergies naturels (2016) ou dans les pages de L’Autoconstruction écologique (Terre vivante, 2015), rédigé par l’architecte Philippe Lequenne qui a trouvé les mots justes pour parler d’autoconstruction : « Un chantier reste un voyage dont le paysage se découvre pas à pas. »


Acteurs : L’accompagnement, outil multifonction



Que ce soit par un artisan, un architecte, un maître d’œuvre ou une association, se faire accompagner dans son projet d’autoconstruction est gage de qualité, mais aussi de sérénité.

L’autoconstruction, c’est construire soi-même, pas tout seul. « Nous avons identifié trois catégories de pratiques d’accompagnement : par une association, un maître d’œuvre ou architecte, ou un artisan », détaille Raphaël Soulier, coprésident de la Fédac. Les Castors proposent de dessiner vos plans, monter le dossier de permis de construire, voire un suivi de chantier. D’autres associations, plus spécialisées dans l’habitat écologique, accompagnent aussi tout au long du projet, y compris dans la quête de fournisseurs, artisans ou l’organisation de chantiers participatifs. Les CAUE et espaces France Rénov prodiguent de précieux conseils, gratuits et indépendants. Fabricants et fournisseurs proposent souvent une assistance, la validation de plans, voire un technicien pour démarrer le chantier ou vérifier une installation.

Une ribambelle d’acteurs

L’accompagnement fait partie intégrante des missions des architectes et maîtres d’œuvre. « Il ne faut pas avoir peur d’eux et de leurs factures. C’est du jus de cerveau, mais ça permet de ne pas aller au bouillon », insiste l’artisan Christophe Billant (22). Autoconstructeur près de Lyon, Étienne confirme : « Si on trouve le bon, attentif à la définition de nos besoins, ce qu’on paye en architecte [10 à 15 % du coût des travaux pour une mission complète, ndlr], on le récupère par l’optimisation des espaces, qui fait économiser des matériaux et du temps. »

Franck (44) a fait appel à un Assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO), qui « a apporté son savoir et son réseau. C’est une paix que tu achètes ». Sur le principe du Chèque emploi service universel, il a aussi salarié des travailleurs occasionnels du bâtiment (TOB), moins chers que des artisans mais requérant plus de paperasse, pour l’aider à bâtir sa maison en paille porteuse, « une technique alors inassurable pour une entreprise. J’ai endossé les risques en devenant particulier employeur ».


Avis d’experts : Les assurances dans la balance



Coincée entre une injonction sociale, une incompréhension de son fonctionnement et une réglementation inadaptée, l’assurance d’une autoconstruction se fait complexe et angoissante.

Alors qu’il s’agirait peut-être d’en faire le deuil.

Dans les yeux des autoconstructeurs qui courent après une assurance pour leur projet de maison, on voit vite une sorte d’ “erreur 404”. Ils subissent une injonction sociale à répondre “ouià la question “es-tu assuré ?, ils ont peur d’être dans l’illégalité, peur des problèmes en cas d’accident… Et de nombreuses structures font leur beurre sur ces inquiétudes », analyse Cédric Avramoglou, fondateur de Twiza, réseau d’entraide pour l’habitat écologique et participatif. Nombreux sont ceux qui cherchent le Graal. Certains se targueront de l’avoir trouvé. Lui affirme sans équivoque qu’assurer son autoconstruction « est techniquement impossible ».

Une législation inadaptée

Faute à un cadre législatif inadapté. Jérome Blanchetière, avocat spécialiste du droit immobilier, de la construction et des assurances, rappelle qu’en construction, seules deux assurances sont obligatoires depuis la loi Spinetta de 1978 : la « responsabilité civile professionnelle », plus couramment nommée « décennale », et la « dommage-ouvrage » (DO). La première doit être souscrite par les constructeurs professionnels. Elle s’applique sur les ouvrages qu’ils réalisent, durant les 10 années qui suivent leur achèvement, pour indemniser la victime de tout « dommage compromett[ant] leur solidité ou les rend[ant] impropres à leur destination ». La DO, elle, doit être souscrite par le maître d’ouvrage avant le début des travaux. Elle lui permet d’être indemnisé dès qu’il déclare un sinistre relevant de la décennale du constructeur. Ensuite, l’assurance du maître d’ouvrage et celle du professionnel s’arrangent.

Seulement, en autoréalisation, l’autoconstructeur est seul responsable des dégâts sur son bâti.

Là, ça cafouille. Car la DO demeure obligatoire sur le papier, mais ne peut pas être souscrite en pratique. Cédric Avramoglou explique : « Elle ne s’appuie QUE sur une décennale, elle est comme un relais » – une « subrogation », précise l’avocat. Attention à toute compagnie qui proposerait une solution miracle, comme la « DO autoconstructeur » au coût exorbitant ou des assurances non obligatoires au contenu librement fixé par les parties… « C’est bien pour les compagnies qui les vendent, moins pour les autoconstructeurs qui les paient en désespoir de cause », déplore le fondateur de Twiza.

Pour qu’elles indemnisent vraiment le jour où gros sinistre il y aurait, croiser les doigts… Après tout, « vous imaginez mal faire un travail sans rémunération et être payé pour le refaire. Ce serait la fête ! », ironise-t-il. Conclusion : faire le deuil d’une assurance sur sa construction, assumer la réparation de ses propres erreurs et… ne pas vendre dans les 10 ans (voir encadré ci-contre). Quels risques pénaux pour non souscription à la DO ? Jérôme Blanchetière rassure : « Il n’y [en] a pas pour la personne physique construisant un logement pour l’occuper elle-même. »