Conseils d’archis : Quand le réemploi change les plans



Des spécialistes nous délivrent leurs astuces de conception pour favoriser l’intégration d’éléments de réemploi dans un bâtiment.

Architecte membre de l’association Zerm, Romain Brière voit dans le réemploi « une conception inversée par rapport à ce qu’on apprend en école d’architecture. Plutôt que de partir d’une forme abstraite qu’on va traduire en matériaux ensuite, par exemple en s’appuyant sur un catalogue de matériaux industriels, on part de la ressource, donc de l’élément à disposition, pour tisser une conception ». Lisa Caraux, du bureau d’études Remix, nuance en identifiant deux stratégies : « Soit on conçoit à partir d’un gisement préidentifié ou d’un matériau qu’on souhaite utiliser et on tourne le projet autour, soit on conçoit le projet, puis on cherche les matériaux qui correspondent. Quand on en trouve, on vérifie qu’ils correspondent aux caractéristiques prévues, esthétiques mais aussi techniques, performancielles… »

Théorie et pratique ne font plus qu’une

« La conception ne peut plus être décorrélée des problématiques pratico-pratiques de logistique, déplacement, transformation, mise en œuvre des matériaux », constate Marine Supiot, architecte chargée de projet chez Minéka. Le concepteur doit s’assurer que les matériaux seront disponibles en temps voulu, donc s’intéresser à leur stockage, et Louise Dubois, designer matériaux de l’Atelier Aïno, invite à « vérifier au fur et à mesure que ce qu’on projette en réemploi soit bien faisable sur le terrain, à travers des chantiers tests » ou la validation auprès des artisans qui mettront en œuvre.

« Le réemploi nous incite à revoir la position de l’architecte comme bâtisseur et non comme agent de l’industrie du bâtiment. En un demi-siècle, nous avons réduit la diversité des façons de travailler et le panel des matières utilisées. Nous avons intégré le “réflexe caddie” chez les négociants en matériaux. Alors qu’il est possible de transformer, recycler, récupérer, réutiliser, réparer, ramasser… », rappelait en 2019 NA ! architecture lors d’une journée d’études à l’école d’architecture de Grenoble (Ensag).

Flexibilité et souplesse : la gymnastique du réemploi

« L’architecte classique sait quels matériaux sont au catalogue de Point P, il dessine en fonction d’eux et les entreprises vont se fournir là-bas, illustre l’architecte-urbaniste Raphaël Fourquemin. Pour faire un maximum de réemploi, on pose les grandes lignes du bâtiment et on reste le plus souple possible pour s’adapter aux matériaux qui se présentent. Donc réviser les plans, notamment les détails d’assemblage, au fur et à mesure qu’on trouve les ressources. Si j’ai prévu une porte de 70 cm, mais que j’en trouve une de 80 cm, je dois être en mesure de redimensionner le plan pour qu’elle passe, sinon je rate une opportunité et je vais finir par l’acheter neuve. »

Le collectif d’architectes Re.Source souligne(1) que « l’approche réemploi peut générer la crainte de demander plus de temps de travail [au concepteur]. Pourtant, il ne s’agit pas de travailler plus mais de réécrire sa pratique. Cela peut se faire en ne dessinant pas tous les détails du projet, qui pourra ainsi plus facilement s’adapter aux matériaux de réemploi, potentiellement sourcés à différentes phases du projet. Cela demande d’accepter une forme d’imprévu et de lâcher prise sur l’objet architectural et le contrôle de tous les aspects du projet en amont ».

Élise Lambert, d’Archiviolette, a déposé un permis de construire contenant du bardage bois naturel (voir p. 33) alors que « celui qu’on a trouvé était teinté, et de différentes couleurs. On s’est assuré que ce soit acceptable par la mairie avant de valider ce choix. Puis on a déposé un permis modificatif ».

D’où la réticence de Romain Brière aux représentations de rendus par images 3D, devenues monnaie courante mais qui « figent un projet alors qu’il va bouger ». Sa consœur Lauriane Lascurain les plébiscite tout de même « pour comparer des variantes. Si j’ai une maison de 100 m2 mais que 50 m2 de parquet, il faut être force de proposition : est ce qu’on continue avec un parquet totalement différent ? Ou on tranche avec un carrelage ? Des vues 3D aident à se projeter ». Elle conseille aussi « une bonne organisation graphique, bien noter sur le plan les cotes de ce qui va être réemployé, comme celles du cadre d’une porte, la hauteur des gonds,
le sens d’ouverture… ».


Alternatives : Expérimentation frugale en milieu austère

ALTERNATIVES

Dans le Nord-Pas-de-Calais, un collectif d’architectes s’est lancé dans l’occupation provisoire d’un lieu pour le moins austère : un ancien couvent, non chauffé et inoccupé depuis plusieurs années. L’occasion d’imaginer des manières frugales d’habiter.

Dans les cuisines de l’ancien couvent, Romain Brière et Marion Blanc réchauffent le premier café du matin. Une boisson chaude bienvenue dans une pièce aux fenêtres vieillissantes et à la verrière centenaire qui laisse passer le froid de l’hiver. Aux heures les plus froides de l’année, la température n’y atteint que quelques degrés. Pas facile en effet de garder la chaleur dans ce volume au sol en pierre et au plafond culminant à 4 m de hauteur. Pour parer aux quelques heures d’occupation journalière, les résidents ont installé des radiants électriques.

Depuis 2019, l’association Zerm occupe cet ancien couvent des Clarisses, à Roubaix (59). Née du désir de quatre architectes de tester des solutions autour des transitions, elle s’occupe notamment de construction, de réemploi de matériaux et de réhabilitation, en réalisant des chantiers, des recherches et en gérant un stock de matériaux de réemploi. Dans cet ensemble monastique de 6 500 m2 et 3 000 m2 de jardin, inscrit à la liste des monuments historiques en 2010 et inhabité depuis 2008, l’association a voulu mettre en œuvre des solutions frugales pour habiter un milieu relativement hostile*. « Il faut se représenter un bâtiment dégradé, avec une toiture qui fuit, un système d’eau courante à refaire, une installation électrique qui n’est plus aux normes et aucun système de chauffage. Lorsque nous sommes arrivés en novembre 2019, il y avait de la glace dans certains escaliers », résume Romain.


Écoconstruire : Une maison sur le toit de l’immeuble

ECOCONSTRUIRE MAISON IMMEUBLE

À Brest, Charles et Sandra ont construit leur maison sur le toit de leur immeuble.

Une manière de faire du neuf en construisant sur la ville, sans rogner sur les terres agricoles ou naturelles.

Leur petit collectif est situé sur les hauteurs de Brest. Une construction datée de 1938, sur un terrain à faible pente. C’est là que Charles Crozon et Sandra Foussard, commercial dans la construction navale et directrice d’un centre de formation, tous deux finistériens d’origine, sont revenus s’installer dans les années 1990 après un détour à Paris. Si l’immeuble qui compte neuf logements se fait remarquer depuis la grande avenue voisine, ce n’est pas pour ses murs blancs ni ses ceintures de béton fraîchement peintes en orange qui délimitent chacun des trois étages. C’est plutôt son étrange toit, surmonté d’une construction qui attire l’œil. Une maison sur le toit. « Nous vivions dans cet immeuble. Nous ne voulions pas le quitter mais nous avions envie de nous lancer dans un nouveau projet. Sandra a commencé à rêver d’une maison sur le toit », explique Charles. La rencontre avec l’architecte brestoise Claire Bernard va le concrétiser. « Nous avons rencontré beaucoup d’architectes avant Claire et les tarifs atteignaient huit cent mille euros. Totalement hors de portée pour nous. Finalement, Claire est arrivée avec une démarche très pragmatique et une solution financièrement accessible pour notre budget aux alentours de 260 000 euros pour deux nouveaux niveaux », se souvient-il. Dans son cahier des charges, le couple inscrit l’objectif de matériaux à faible impact : ossature en douglas non traité, isolants biosourcés. L’architecte acquiesce.

Une terrasse pour sol, trois étages pour fondations

Avant de poser la moindre première poutre de cette maison ossature bois, deux ans de conception ont été nécessaires. Le temps de vérifier la faisabilité technique du projet et d’obtenir l’accord de la copropriété. Un bureau d’études structure accompagne pour valider la capacité du petit immeuble à supporter deux nouveaux niveaux. Pour se faire, un chainage en béton armé est réalisé sur le mur en pierre d’origine pour recevoir et répartir la charge des poutres en bois qui vont constituer les fondations sur lesquelles sera posé le sol en bois de la maison.

« Traiter 100 % de la toiture était la meilleure solution. Ensuite, il a fallu que tous les copropriétaires cèdent leur droit au toit. La surélévation vient se positionner sur un petit appartement que nous avons acheté et sur l’appartement d’un voisin », précise Charles. Pour convaincre la copropriété, le couple a transformé le chantier en avantage : en contrepartie de la cession des droits du toit, le couple a complètement rénové la toiture et son étanchéité qui était en piteux état. À la clé : une isolation thermique et phonique (ouate de cellulose insufflée entre solives). Autre astuce de mutualisation : l’échafaudage monté et loué pendant la pose de la nouvelle couverture a permis d’effectuer le ravalement des façades de l’immeuble pour les nettoyer et les rafraîchir.


Conseils d’archis : Quand l’autoconstruction change les plans



Simplifier la mise en œuvre, isoler la zone de travaux, détailler les cotes…

Les architectes jouent un rôle essentiel à la conception pour adapter les plans aux spécificités de l’autoconstruction.

Vérifiez les points d’accès : Le terrain est-il accessible ? Avec quels types d’engins ? Est-il déjà raccordé à l’eau, l’électricité, etc. (viabilisé) ? Peut-on y stocker les matériaux ?

Bien choisir la localisation : Elle doit être adaptée à votre mode de vie : ville ou campagne, proximité des lieux de travail, commerces, écoles, transports…

Étudiez les alentours : Y a-t-il d’autres projets alentours, des sources de pollution sonore (route, couloir aérien, carrière, école, église), atmosphérique (usine, élevage, cultures) ou électromagnétique (antenne relais, ligne à haute tension) ? Échangez avec les voisins : ont-ils déjà vu la parcelle inondée ?

4 Évaluez le potentiel du terrain : Vis-à-vis, taille et orientation correspondent-elles à vos projets et à une conception bioclimatique* ? Visitez à différents moments de la journée et de la semaine pour vérifier les contraintes de voisinage, l’ensoleillement, etc. Sa composition induit-elle des travaux spécifiques (pente, argiles gonflants, termites, humidité, radon, cours d’eau souterrains…)**. Consultez le Plan local d’urbanisme et les contraintes qu’il impose. En zone patrimoniale, vérifiez les prescriptions architecturales.

Pensez densification contre l’étalement urbain : En centre-ville, la démarche Bimby consiste à diviser une parcelle pour construire une nouvelle maison dans le jardin d’une autre au lieu de contribuer à l’étalement urbain en périphérie. Contrairement à une simple division parcellaire, elle s’appuie sur les communes et cabinets d’urbanisme qui accompagnent le projet (cohérence avec le cadre de vie du quartier, renaturation du jardin…) pour ne pas faire subir cette densification aux voisins !

*Voir notre hors-série n°11 « Le bioclimatisme ».

**georisques.gouv.fr


Enquêtes construction : construire vite et mieux, la promesse du modulaire

modulaire

Le modulaire : une piste envisagée

La construction industrialisée et modulaire est une piste envisagée pour répondre au besoin croissant de logements en France et aux nouvelles exigences environnementales. En pleine mutation et expansion, sa forme et ses procédés de fabrication standardisés posent pourtant question.

D’un côté, 4,1 millions de personnes souffrent de mal-logement en France. Parmi elles, plus de 1 million sont privées de domicile personnel. D’un autre côté, le secteur du bâtiment et des travaux publics est encore responsable de 70 % des déchets en France, de 44 % de l’énergie consommée, d’un quart des émissions de CO2 nationales annuelles. L’artificialisation des sols, enfin, s’élève à environ 20 000 ou 30 000 ha par an(1). Indéniablement, il faut bâtir, rénover, surélever, densifier, réutiliser. Or, « nous arrivons au point où les méthodes de construction ne réussiront pas à faire face aux immenses enjeux de notre société », peut-on lire dans La Construction hors-site(2), paru début 2021. Dans la liste des solutions à cette « crise » multiple, l’ouvrage suggère le recours à la construction dite « modulaire ».

En bref, des bâtiments construits « comme des Lego à partir de modules 3D entièrement préconçus, préfabriqués, finis et équipés en usine », décrit le livre. Les planchers hauts et bas sont assemblés aux murs en atelier et les finitions, cloisons, équipements techniques, revêtements intérieurs et extérieurs, voire le mobilier, y sont plus ou moins intégrés. Les modules devant être transportés, leurs dimensions sont conditionnées par des gabarits routiers, soit un maximum de 5 x 18 m. Une fois sur site, ils sont levés à la grue, juxtaposés ou superposés par boulonnage, vissage, scellage, soudage, etc. sur des fondations classiques ou légères, pour édifier des logements, mais aussi des bureaux, des commerces. 

L’ossature du modulaire peut aussi être en bois

On parle également de construction « volumétrique » ou « 3D », qui se distingue de la construction « 2D » avec préfabrication d’éléments transportés « à plat » et montés sur site. Si le marché du modulaire est dominé par l’ossature en acier, celle-ci peut aussi être en béton, à base de containers maritimes ou, plus vertueux, en bois, en panneaux de bois massif lamellé-croisé (CLT), voire mixte. 


Rénover : un cabanon de jardin devenu chalet familial

Rénover un cabanon de jardin

Dans les méandres des venelles orléanaises, un îlot de verdure jaillit. Au bout d’un chemin, à peine plus large qu’un vélo, un jardin de 800 m2 abrite un cabanon. C’est la vision qu’a eue Quentin Monroty lorsqu’il a visité sa future maison dans le Loiret. « Sur l’acte notarié, il était écrit “chalet de jardin”. Le terrain n’était pas constructible, donc impossible de le démolir ou de l’agrandir. Cela n’intéressait que les jardiniers. Le prix de vente était donc assez bas », indique Quentin, heureux propriétaire de cet ancien cabanon de 44 m2. Quand, en 2018, Élise Hug, sa compagne, a déniché cette vieille maison de 1936, il a un coup de cœur. Architecte indépendant, spécialisé dans les réaménagements, il en perçoit également le potentiel. « Je me suis dit que si le sous-sol était aménagé, cela donnait 87 m2 au total, et je pouvais en faire quelque chose pour notre famille. Il faut lire les lieux. En tant qu’architecte, je me suis spécialisé dans le réaménagement et la rénovation et je fais assez peu de logement neuf notamment pour éviter le grignotage des terres », ajoute Quentin, qui souhaitait habiter en centre-ville pour continuer de faire tous ses déplacements à vélo. L’enjeu de la rénovation devient alors de gagner de l’espace tout en conservant le chalet en bois.

Véritable passoire thermique, la bicoque a déjà fait l’objet de plusieurs rénovations en 1960 et 1980, mais elle présente toujours beaucoup de dégradations : tuiles non remplacées, fuites de plomberie, lit de fondation en bloc béton mâchefer (à la fois fragile et issu de combustion polluante), sol plastique sur plancher bois qui empêche toute respiration du matériau, le tout dans un mélange de graisse et de nicotine. 

Comment rénover un cabanon de jardin

La première étape consiste à désamianter la façade extérieure avant d’accueillir un chantier participatif réunissant des amis et la famille pour enlever tous les revêtements intérieurs. « C’était très long. Nous avions beaucoup de protections, comme des gants, des masques, et il fallait tout rouler à la brouette, dans les venelles, avant d’emporter les débris à la déchetterie. Une seule accepte ce type de déchets dans l’agglomération », se souvient Quentin qui, au fil des travaux, réussit à négocier un passage chez son voisin, lui permettant d’approcher un véhicule près de la maison. Une fois la tonne d’amiante évacuée, les trois couches de lino et les dalles de polystyrène enlevées, le bâtiment d’origine est à peu près sain et conservé.

Creuser sous les fondations

Quentin s’attaque alors à la partie basse la maison, en cherchant une solution pour creuser sous les fondations.


Ecoconstruire : Béton chanvre, s’insérer sans bousculer

PREMIERE MAISON BETON DE CHANVRE

Quelque temps après son emménagement dans cette maison pourtant flambant neuve, un voisin glisse à Marie : « On a l’impression qu’elle a toujours été là. » 

C’est « le plus beau compliment qu’on puisse faire à un architecte en construction neuve, se réjouit Carole Halais, l’architecte du projet. Pour déterminer l’implantation du bâti, nous avons mené dès le début, avec la propriétaire, un travail sur plan de masse. Pas seulement celui de la parcelle, mais de tout le village. Car vous ne construisez pas que pour vous, mais aussi pour les gens autour et ceux qui verront, génération après génération, ce bâtiment dans le village ».

Architecte et maître d’ouvrage regardent comment les maisons s’organisent dans le village, comment elles sont orientées, construites. Le respect du terrain naturel évite aussi d’importants frais de décaissement qui dénaturerait les lieux. Le duo maintient la pente pourtant forte (14 %), les arbres présents et autres plantations. « Si on s’attachait à la vue, la maison aurait dû être orientée vers la vallée à l’est, décrit Marie. Sauf que toutes les maisons du village ont la façade au sud, ce qui correspondait à la conception bioclimatique qu’on recherchait » pour optimiser le comportement énergétique du logement.

Insertion en toute discrétion

Le rapport aux autres, à l’extérieur, explique aussi l’absence de portail. « On est dans le cœur d’un village, donc je voulais quelque chose d’ouvert. On ne sait pas exactement si l’accès au terrain est un espace public ou privé, mais les gens ne rentrent pas », décrit Carole Halais. Cette insertion tout en délicatesse fait écho à l’intégration du chantier dans une économie locale. Marie souhaitait faire bâtir sa maison avec un matériau présentant une énergie grise(1) la plus faible possible. Elle appréhende la sensibilité de la paille à l’humidité en cas de fissure des enduits extérieurs. Quant au terre-paille, « il faut le mettre en œuvre soi-même, sinon ça coûte très cher. Puis, j’ai découvert le chanvre, une plante qui n’a besoin pour pousser ni d’engrais, ni d’arrosage et les performances du béton de chaux-chanvre permettent d’obtenir une maison Basse consommation ».

La première maison en France en béton de chanvre

Elle visite une construction en béton de chanvre et trouve « l’acoustique feutrée, confortable ». Son choix est confirmé et son cocon, achevé en 2012, sera « la première maison en France en béton de chanvre projeté à être certifiée BBC », souligne Carole Halais. « Il me restait à trouver quelqu’un pour le mettre en œuvre, retrace Marie. J’ai contacté la chambre des métiers, qui m’a donné un seul nom de maçon maîtrisant cette technique dans le secteur : Frédéric Clerfayt, basé à 10 km d’ici. »


Vue d’ailleurs : Luc Schuiten, l’archi végétal

Archi vegetal

L’archi végétal

L’un des précurseurs de la création des maisons autonomes en Belgique dans les années 1970, Luc Schuiten développe aujourd’hui, en tant qu’architecte utopiste, ses projections futuristes d’une ville où la nature serait beaucoup plus présente. Rencontre.

En 1977, Luc Schuiten a construit l’une des premières maisons autonomes en énergie près de Bruxelles. Il voit à l’époque les architectes retirer la végétation autour des bâtisses qu’ils érigent, pour les mettre en évidence comme des objets posés dans l’environnement. « Moi, je voulais au contraire que ma maison vive par l’environnement, raconte Luc Schuiten, que son environnement devienne sa ressource, son énergie, qu’elle trouve dans cet endroit quelque chose qui la fasse réellement vivre. » À cette époque, les premiers panneaux solaires thermiques viennent de sortir en Belgique. « J’estimais que le fait d’incorporer quelque chose d’aussi important nécessitait de revoir entièrement la façon de construire une maison », se souvient-il.

Il conçoit alors des plans intégrant 80 m2 de capteurs solaires, dont le fluide caloporteur alimente une cuve de 100 000 l au sous-sol. Le but : stocker l’énergie pour chauffer l’hiver. « L’installation de départ était coûteuse. C’est un système que je ne referais plus aujourd’hui. C’était une expérience un peu pionnière, on essayait des tas de choses. » Pour ne pas dépendre d’un système expérimental, Luc Schuiten installe aussi un poêle à bois. L’électricité, quant à elle, provenait d’une éolienne de 25 m de haut. « J’avais été voir le constructeur qui l’avait érigée à côté de son usine. Je lui avais dit : “Si vous mettez votre éolienne à côté d’une maison, on verra qu’elle fournit entièrement son électricité, ce sera bien plus démonstratif.” Il a été tout de suite d’accord. Donc je l’ai reçue et montée chez moi. » 

L’éolienne avait une capacité de 2 kW. « Ce n’était pas énorme, donc on a réduit nos besoins. On fonctionnait au courant continu sur du 12 V. On a changé nos ampoules pour être sur du 12 V. Il y avait six grosses batteries de camion dans la cave. C’était suffisant pour stocker l’énergie, qu’on consommait au fur et à mesure. »

La maison, prolongation de soi-même

Pour Luc Schuiten, notre habitat est quelque chose de totalement personnel, comme un vêtement. « L’habit que nous portons se fait à notre manière de bouger et d’être. Je voulais que les gens qui viennent chez nous sans que nous soyons là aient une idée de qui nous sommes, par la personnalité de chaque chose. Les objets n’étaient donc pas achetés, ils étaient fabriqués. On vivait dans un environnement qui nous était propre et identitaire, une prolongation de nous-mêmes. » 


Écoconstruire : Une maison qui ne perd pas le nord

ECOCONSTRUIRE Maison bois

Son logement est simple, sobre et ouvert sur la nature.

Un pari gagnant pour cette architecte d’Indre-et-Loire qui a fait le choix controversé d’ouvrir sa façade au nord pour profiter de la vue sur un grand verger tout en restant au chaud l’hiver et au frais l’été.

Dans une petite zone résidentielle de Beaulieu-lès-Loches (37) se trouve une maison pas comme les autres. De la route, on distingue l’atelier en bardage bois. En s’aventurant dans la cour, émerge la sensation d’être lové dans la nature abondante et le bois omniprésent qui entourent la maison de Caroline Guilhot, architecte et maître d’œuvre spécialisée en écoconstruction. Ses 110 m2 habitables, répartis sur un rez-de-chaussée et un étage; ont été imaginés et construits en grande partie par la propriétaire elle-même. « C’est compliqué de se mettre à nu sur son propre projet de maison. Je souhaitais quelque chose de simple et d’épuré. Les nombreux arrondis de la maison conçue en rectangle apportent de la douceur », indique Caroline Guilhot. C’est « Rond comme un carré », du nom de son entreprise. 

L’impression persiste dans chaque partie du logis. La porte d’entrée, une grande porte-fenêtre, laisse entrer la lumière du sud. Et, surprise, le cube est complètement ouvert au nord. Trois grandes ouvertures en triple vitrage, dont deux fixes, donnent une impression d’immersion dans le verger depuis la maison. La cuisine et le bureau, les deux pièces ouvertes situées face au nord, sont lumineuses et chaudes. Serait-il finalement possible d’ouvrir sa maison à cette orientation souvent cachée derrière des murs aveugles lorsqu’on recherche de bonnes performances énergétiques ?