Avis d’expert.e.s : Le réemploi à l’épreuve de la santé et de l’écologie


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Utiliser des matériaux issus de la pétrochimie n’est pas naturel pour l’écoconstruction. Et des substances aujourd’hui reconnues toxiques peuvent se retrouver dans des éléments d’une autre époque. Mais le réemploi a aussi des atouts à faire valoir.

Le réemploi bouscule nos habitudes d’écoconstruction qui privilégient les bio- ou géo-sourcés, car des matériaux qui ne sont pas sains à l’origine peuvent devenir plus intéressants sur le plan environnemental s’ils sont réutilisés, pointe Raphaël Fourquemin, fondateur d’Idre(1). On a tout intérêt à valoriser ce qui existe déjà, quitte à ce que ce soit issu de la pétrochimie, plutôt que de vouloir à tout prix des matériaux naturels qu’il faut extraire, transformer, transporter… » D’autant que « les bâtiments démolis à l’heure actuelle sont anciens ou des années 1960, 1970, 1980 ; rarement des bâtiments contenant des biosourcés, en général plus récents, constate Bruno Jalabert, d’Éco’Mat 38. Sur le bâti ancien, on récupère toutefois du géosourcé réemployable : terre à pisé, pierre… ».

Lui estime que « le bilan carbone rend toujours plus pertinent d’utiliser un matériau non naturel de réemploi plutôt qu’un biosourcé neuf ». À une nuance près : « L’appréciation de l’impact environnemental global d’un élément de construction […] doit aussi tenir compte du transport, insiste le programme FCRBE(2). Certains lots [de bois de réemploi] sont importés depuis l’Amérique du Nord ou l’Asie du Sud-Est. Il peut être plus intéressant de recourir à des filières locales engagées dans une gestion responsable que d’importer de l’autre bout du monde. »

Audrey Bigot et Martin Barraud(3) contestent même : « Notre positionnement est de réemployer et valoriser de “bons” matériaux : qui sont les moins néfastes pour les êtres vivants et les plus efficients thermiquement. Les plus vieilles maisons isolées en paille ou en ouate de cellulose ont respectivement 100 et 200 ans et sont toujours efficaces. Ces isolants ont donc, selon nos critères, plus de valeur, et plus d’intérêt à être valorisés. On peut avoir la réflexion inverse : prolonger en priorité la vie des matériaux qui ont le plus pollué lors de leur fabrication. Notre avis est qu’il ne faut pas pour autant en faire la promotion. »

Biosourcés neufs vs pétrochimie de réemploi

D’autant qu’on commence à trouver des biosourcés de réemploi chez les distributeurs. Et même s’ils sont rares sur les chantiers de déconstruction, « les biosourcés sont aussi victimes de gaspillage », insistent Audrey et Martin, qui ont isolé leur habitat avec des chutes de panneaux de laine de bois neufs vouées à la benne, comme Samia Fseil en complément de chutes d’isolants en coton recyclé. « Réemploi et biosourcé doivent coexister, pas s’opposer. Ils sont sur les mêmes dynamiques de réduction des extractions de matières, des transformations et des déchets », tranche-t-elle tout en militant pour « privilégier ce qu’on a sous la main ».

Y compris si ce doit être un matériau d’habitude banni en écoconstruction. « Au lieu qu’elle soit enterrée en décharge alors qu’elle peut encore servir, je donne une chance à ta laine de verre de rester un isolant », revendique Édouard, de Recyclobat (31). Sophie Costeau, de La Grande Conserve (34), fixe aussi pour priorité de « limiter l’exploitation des ressources naturelles. Mais je ne dis pas qu’il faudra toujours privilégier un matériau de réemploi, beaucoup de critères entrent en compte. Je préfère isoler en paille qu’en laine de roche ou de verre réemployée, pour une question de confort dans l’usage du bâtiment, qui influe sur le mode de chauffage et l’économie d’énergie, la perspirance des parois, la gestion de l’humidité… ».

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